Licenciement du directeur général de Nestlé : est-il possible en France d'être renvoyé pour une relation amoureuse ?
Si le droit français protège la vie privée des salariés, la société peut justifier le licenciement en invoquant un "trouble caractérisé" au sein de l'entreprise ou un "manquement à l'obligation de loyauté".
Peut-on s'aimer au travail ? Le directeur général de Nestlé a été renvoyé en raison d'une "relation amoureuse non déclarée avec une subordonnée directe", a annoncé le groupe suisse lundi 1er septembre dans un communiqué. Ce licenciement surprise intervient alors que l'entreprise doit gérer le scandale autour des eaux minérales naturelles filtrées. Mais cette sanction en raison d'une infraction au "code de bonne conduite professionnelle" de l'entreprise suisse est-elle possible au regard du droit français ?
Le principe veut que la vie privée du salarié soit protégée, rappelle Eric Rocheblave, avocat spécialiste en droit du travail au barreau de Montpellier. Une protection liée à l'article 9 du Code civil qui dispose que "chacun a droit au respect de sa vie privée" et à l'article L1121-1 du Code du travail qui dispose que "nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché".
"L'entreprise de démontrer l'existence d'un trouble caractérisé"
"Un licenciement fondé sur un fait relevant de la vie privée est donc en principe interdit", souligne Eric Rocheblave. D'ailleurs, il ne peut donc y avoir de clause de célibat ou d'interdiction de relations amoureuses entre collègues dans un contrat de travail ou dans un règlement intérieur. "Mais en droit, tout principe a nécessairement des exceptions", poursuit l'avocat.
La limite des liaisons entre collègues, c'est l'intérêt de l'entreprise. La société peut invoquer "un trouble caractérisé" lié à cette relation. Cette notion n’est pas définie et peut concerner l'image de la société comme l'ambiance au sein de l'entreprise. "Mais il appartient à l'employeur de prouver, s'il veut invoquer ce motif de licenciement, de démontrer l'existence d'un trouble caractérisé, objectif et matériellement vérifiable, que la relation amoureuse porte atteinte aux intérêts de l'entreprise, explique Eric Rocheblave. Et porter atteinte aux libertés fondamentales et individuelles, est très encadré par la jurisprudence."
Il peut aussi y avoir "des dérives de harcèlement sexuel ou d'agissements sexistes quand une romance s'achève", souligne Jean-Claude Delgènes, fondateur du cabinet de prévention des risques professionnels Technologia.
Une obligation de loyauté
Pour justifier le licenciement, l'entreprise peut aussi invoquer un manquement du salarié à ses obligations contractuelles, et généralement un manquement à l'obligation de loyauté, explique l'avocate Diane Buisson. "Par exemple, un code d'éthique de l'entreprise qui vous dit que vous devez déclarer une relation amoureuse et que vous ne le faites pas, cela peut être sanctionné s'il y a un problème notamment de conflit d'intérêts ou de loyauté vis-à-vis de l'employeur", explique la spécialiste en droit du travail.
Cela concerne généralement les cadres haut placés dans l'entreprise. Dans le cas de Nestlé, les notions de "subordonnée directe" et de relation "non déclarée" soulevées par dans le communiqué semblent indiquer cette notion de manque de loyauté. "Par exemple, en tant que supérieur direct et s'il décide de ses bonus ou primes, on peut estimer qu'il n'est peut-être pas très objectif", souligne Diane Buisson.
Un arrêt du 29 mai 2024 de la Cour de cassation est notamment venu valider le licenciement pour faute grave d'un DRH pour un manquement à l'obligation de loyauté. Le salarié n'avait pas informé son employeur de la relation amoureuse qu'il entretenait avec une de ses collègues de travail qui était titulaire de mandats syndicaux et de représentation du personnel dans l'entreprise alors qu'ils avaient tous les deux assisté à des négociations assez importantes au sein de la société.
Si, dans le cas du DRH, la dissimulation a été jugée fautive, ce n'est pas toujours le cas. L'avocat Eric Rocheblave rappelle que "toutes les contraintes qu'un employeur impose à un salarié doivent être nécessaires aux buts poursuivis et à l'objectif de travail à réaliser". Même si la jurisprudence évolue, la loi protège encore grandement la vie privée des salariés.
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