"L'errance" des licenciés
Second volet de notre série sur la vie après un plan social. Deux anciennes de SeaFrance et RFI racontent le choc psychologique du licenciement économique.
PLANS SOCIAUX - Après la réception des lettres de licenciement, certains salariés passent par une "phase de deuil". L'expression, reprise par les cabinets de reclassement, révèle l'ampleur du choc qu'ils peuvent ressentir après des années dans la même entreprise.
Francetv info poursuit sa série en cinq actes consacrée au devenir des victimes de plans sociaux. Rencontre avec deux d'entre elles.
Mélanie : "On a tous eu besoin de souffler"
"On est mort à petit feu." Redressement judiciaire, liquidation judiciaire avec poursuite d'activité, puis arrêt des bateaux, liquidation définitive, et enfin licenciements. Mélanie Drollet connaît le feuilleton SeaFrance au jour près. Née à Calais il y a quarante ans, elle se souvient de la fatigue psychologique accumulée ces trois dernières années, avant le naufrage de l'entreprise transmanche, le 9 janvier 2012. Elle se rappelle aussi les semaines qui ont suivi son licenciement. "On a tous eu le réflexe de vouloir souffler, raconte-t-elle, il y avait vraiment un besoin général de faire une pause avant de se lancer dans la recherche d'emploi."
A compter du licenciement, les victimes de plans sociaux ont 21 jours pour accepter ou refuser le contrat de sécurisation professionnelle (CSP), un dispositif officiel d'accompagnement au retour à l'emploi. Mélanie Drollet l'a signé en février, mais il lui a fallu attendre la vente des trois ferries en juin pour réussir à faire "le deuil" de SeaFrance et passer à autre chose. "On les voyait là, en train de rouiller, la page n'était pas encore tournée", confie-t-elle. Dès lors, cette diplômée de l'école de commerce de Saint-Omer (Pas-de-Calais) a pu se concentrer sur sa recherche d'emploi. "Être chômeur dans le Calaisis en 2012, je vous laisse imaginer l'angoisse…"
Malgré "un très bon suivi de Pôle emploi", Mélanie Drollet a "mal vécu" sa période de chômage, faite de hauts, de bas et de longues remises en question. Après six mois de CSP, elle a tout de même retrouvé au sein de la société coopérative et participative (Scop) My Ferry Link le poste qu'elle occupait à SeaFrance. "Depuis, je revis", affirme-t-elle.
Hélène : "Quitter son identité est difficile"
Hélène Da Costa connaît l'envers du décor. Après avoir pris part au plan de départs volontaires de Radio France internationale (RFI) en 2010, cette journaliste s'est reconvertie dans le coaching et a collaboré ces derniers mois avec le cabinet de reclassement Oasys. Dans la peau de la salariée concernée par un plan social, bien que "totalement volontaire", elle se souvient être d'abord passée par la phase de deuil. "Quitter mon identité de journaliste a été difficile", reconnaît-elle, évoquant "un sentiment de perte".
Dans la peau du coach, Hélène Da Costa a appris à mieux définir les contours de cette phase. "C'est la première étape d'un reclassement, explique-t-elle. C'est le début d'une transformation identitaire, où l'on va devoir questionner son projet de vie et ce qui est important pour soi." Selon ses termes, le deuil est le préalable à une "errance", où il s'agit de mettre ses valeurs en cohérence avec un nouveau projet, en tâtonnant. "Il ne faut pas se précipiter face à l'angoisse du vide", conseille-t-elle.
Derrière son jargon, la phase de deuil a le mérite d'intégrer la dimension psychologique dans le reclassement des victimes de plans sociaux. "Il ne s'agit pas seulement de chercher du travail, martèle Hélène Da Costa. Une transition professionnelle touche à l'identité de la personne. Il lui faut donc davantage que des conseils pour rédiger son CV ou réussir ses entretiens." Surtout en cas de licenciement, où le deuil prend aussi des airs de divorce sans consentement mutuel.
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