Lanceurs de balles de défense : "Le choix qui a été fait depuis une dizaine d'années, c'est de viser la foule"
Le journaliste indépendant David Dufresne se réjouit, qu'avec le rappel à l'ordre du directeur de la police nationale, on sorte "du déni politique et policier" autour de la violence policière dans les manifestations de "gilets jaunes".
"Le choix qui a été fait depuis une dizaine d'années, c'est le durcissement, d'aller au contact, de viser la foule" a dénoncé mercredi 16 janvier sur franceinfo, David Dufresne, journaliste indépendant qui recense les cas de violences policières contre les "gilets jaunes". Ce même jour, le préfet Éric Morvan, directeur de la police nationale, rappelait aux policiers que l'utilisation des lanceurs de balles de défense (LBD) devait être proportionnée et le tir "exclusivement" dirigé vers le corps.
franceinfo : Depuis près de deux mois, vous relayez des cas de violences dénoncées par des manifestants. Vous en dénombrez combien ?
David Dufresne : Je dénombre plus de 200 blessés et 300 signalements en tout, de ce qu'on pourrait appeler des manquements à la doctrine, à la déontologie. Ce recensement, c'est pour être une sorte de lanceur d'alerte, de dire 'qu'est-ce qui se passe ?'. Pourquoi aujourd'hui on dénombre quatre personnes qui ont perdu une main, un peu plus de quinze qui ont perdu un œil, parce qu'ils ont manifesté ?
On est à plusieurs dizaines - pas loin de la centaine - de personnes qui ont été visées à la tête, ce qui est parfaitement interdit dans les manuels d'instruction des armes type LBD, flashball, etc. Certains perdent un œil, d'autres c'est la mâchoire, le nez, la tempe, la joue, il faut que cela cesse !
Le directeur de la police nationale a fait un rappel à l'ordre mercredi 16 janvier sur les LBD. C'est un aveu ?
Enfin, on sort du déni politique et policier qui entoure ces agissements depuis deux mois. En même temps, c'est totalement désolant : expliquer à des gens, qui sont censés être formés, qu'ils ne suivent pas la formation, ça pose quand même énormément de questions. Evidemment que c'est un désaveu, c'est une façon de reconnaître qu'il y a eu un problème.
La police ne peut pas faire autrement, elle est acculée, elle n'a pas le choix. Il y a 78 ouvertures d'enquêtes judiciaires par l'IGPN, la police des polices ! Quand on connaît les réticences de l'IGPN - et ses difficultés d'ailleurs - à travailler au sein même de la police, c'est considérable. Ça devient trop énorme pour être passé sous silence.
Mais ce qui me désole encore plus, c'est que d'un côté, vous avez le patron des policiers qui alerte ses troupes et qui leur dit 'arrêtez de viser la tête' et de l'autre, le ministre de l'Intérieur qui annonce la veille à Carcassonne, qu'il n'avait connaissance d'aucune attaque de policiers envers des "gilets jaunes". Moi j'en suis à 300 signalements...
Est-ce que depuis le début de la crise des "gilets jaunes", il n'y a pas eu un engrenage de la violence de part et d'autre ?
L'engrenage est plus ancien. Le maintien de l'ordre à la française se croit toujours supérieur aux autres. Il l'a été. En France, pays de contestation, la police était plutôt aguerrie. Mais le choix qui a été fait depuis une dizaine d'années, c'est le durcissement, d'aller au contact, de viser la foule - ce qui ne se faisait plus depuis la Deuxième Guerre mondiale - c'est une stratégie, on le voit chaque samedi : on voit des policiers qui arrivent dès le matin, avec des tenues de combat. Cela veut dire quelque chose, c'est un signal envoyé à la foule. Dans la doctrine, vous avez un tas d'étapes avant d'arriver à l'armure.
En Angleterre, en Allemagne, où vous avez des manifestations autrement plus difficiles, avec des néonazis, qui ne sont pas des rigolos, il n'y a pas de blessés, parce qu'en Allemagne, le maintien de l'ordre est basé sur la désescalade. Là, en France, il y a une fuite en avant de l'État, car le maintien de l'ordre, c'est une police qui obéit aux ordres politiques. La preuve, c'est qu'on verra monsieur Castaner ou monsieur Philippe nous annoncer, à la veille du prochain samedi de manifestation, le nombre de policiers mobilisés.
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