"Il y a une nette différence" : en Haute-Savoie, le réchauffement climatique complique la production de fromages comme l'abondance
L'Appellation d'origine protégée ou AOP est un label qui répond à un cahier des charges strict, gage de savoir-faire et de qualité. Mais en Haute-Savoie, le fromage abondance, produit depuis le XIIe siècle, est confronté à un défi : le manque d'herbe dans les alpages.
Ce texte correspond à une partie de la retranscription du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder dans son intégralité.
L'abondance est un fromage particulièrement apprécié des Français. Son secret : des vaches qui se nourrissent d'herbe fraîche en plein été. Mais avec les canicules qui s'intensifient, elle devient plus rare, plus jaune. Et la qualité du pâturage se ressent à la dégustation : "Il y a une nette différence", confie une habituée, pour qui un fromage produit avec le lait de vaches nourries avec de la bonne herbe "est plus fruité, plus goûteux".
Les producteurs ne doivent pas décevoir leurs clients, mais aussi respecter le cahier des charges de l'appellation d'origine protégée (AOP). François Bouvier, directeur général de la Compagnie fromagère et paysanne, surveille donc son fromage comme le lait sur le feu. Même à l'œil nu, il sait repérer les différences dans la couleur du fromage, plus blanc quand il est produit en hiver ou lors d'étés trop chauds et secs : "Le goût, aromatiquement, est moins riche, on sent une pauvreté gustative".
Pendant les sécheresses, il faut remplacer une partie de l'herbe fraîche par du foin. Pour François Bouvier, les fromages n'ont alors plus les mêmes caractéristiques. "En abondance, on cherche quand même à rester assez homogène, plat, linéaire. Si on peut, on va sonner les fromages. On va entendre qu'il y a quelques bulles d'air dedans. Ce n'est pas forcément ce qu'on cherche pour avoir une qualité optimale", explique-t-il.
"On suit l'herbe", toujours plus haut
Alors, comment s'adapter aux canicules liées au changement climatique ? Thierry Curdy, lui, n'a plus le choix. L’éleveur laitier doit monter en alpage un mois plus tôt et surtout aller toujours plus loin et plus haut, pour trouver une prairie de qualité, dans une zone autrefois interdite par les anciens. Car la recherche d'herbes fraîches à plus de 1 000 mètres d'altitude peut vite s'avérer dangereuse. "On a déjà, par le passé, vu des vaches glisser", assure Thierry Curdy.
À une telle altitude, impossible de revenir à l'étable pour les traites. L'éleveur a dû investir dans un système mobile pour ne pas trop fatiguer les animaux. "On est des gens du voyage. On suit l'herbe, surtout. Alors, ce n'est pas un grand confort, mais on fait avec les moyens du bord", confie-t-il.
Thierry Curdy sait qu'il va devoir s'adapter en permanence au réchauffement climatique, pour protéger son label AOP. Il y a trois ans, la filière avait dû demander un assouplissement pour conserver son appellation face à une sécheresse intense.
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