"Ce n'est pas la peur que provoque la dramaturgie autour de la dette qui va mobiliser les Français", affirme Michel-Édouard Leclerc

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Article rédigé par France 2 - Édité par l'agence 6médias
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En cette période d'instabilité politique, Michel-Édouard Leclerc était l'invité du 20 Heures, lundi 1er septembre. Président de l'enseigne du même non, il a évoqué la consommation actuelle des Français et le discours de François Bayrou sur la dette.

Ce texte correspond à une partie de la retranscription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.

Léa Salamé : Comment se sentent les Français pendant cette rentrée 2025 ? 

Michel-Édouard Leclerc : Ils sont très anxieux. Ils en donnent les signes. La consommation tient encore la croissance. Mais il y a eu cette claque de l'inflation, plus de 25 % d'inflation sur les produits en trois ans, sur les produits alimentaires, les produits d'entretien... Ça a été pris dans le portefeuille des Français. Il y a presque 10 millions de personnes qui sont en dessous de ce seuil. Ils sont donc avides de chercher des promotions, des prix bas, etc. Et le contexte politique actuel, l'illisibilité des effets d'annonce, aussi bien des parlementaires que du gouvernement, accroît cette anxiété. Est-ce qu'il faut acheter une voiture ? Est-ce qu'il faut reporter ? Est-ce qu'on va vers l'électrique ? Est-ce que ça aura une valeur de revente ? Est-ce qu'il faut refaire le logement ? Il n'y a pas de réponse, il n'y a pas de vision.

Est-ce que cela signifie que les Français ont peur de l'instabilité ? Avez-vous senti une baisse de la consommation ?

À la fin, ce ne sont pas les financiers qui vont foutre en l'air la croissance de la France, qui vont déclasser la France. C'est la consommation qui va tomber en panne. Or aujourd'hui, la moitié de la croissance, c'est la consommation. Donc il n'y a pas de message fort pour mobiliser les Français. Ce n'est pas la peur que provoque la dramaturgie autour de la dette qui va mobiliser les Français.

Avez-vous l'impression que François Bayrou joue avec la peur sur la dette ? Est-ce courageux de demander la confiance des Français ?

Non, je ne comprends pas ce discours et je ne comprends pas la vie politique. Il faut se rendre compte que la moitié des Français, retraités ou salariés, gagnent moins de 1 900 euros par mois. Qu'est-ce qu'on va aller chercher pour leur demander des efforts supplémentaires pour la gestion des comptes publics ? Et même dans nos entreprises, ce n'est pas le comptable qui fait le plan de développement. Tout le sujet est anxiogène.

Est-ce que vous pensez que les chefs d'entreprise ou que les plus riches en donnent assez ?

D'abord, une réforme fiscale pour plus de justice sociale, ça se justifie en elle-même, il faut l'étayer. Et je crois que ça peut faire une politique sociale. Mais là, personne ne parle de croissance. La meilleure manière de rembourser une dette, c'est d'aller chercher du chiffre d'affaires, c'est d'aller chercher de la croissance. Il y a deux millions de logements sociaux qui manquent en France. Utilisons donc l'argent des riches, créons un fonds souverain. Il y a des actifs à la clé. Ce n'est pas grave de faire de la dette pour financer des actifs. L'hôpital français a besoin d'être modernisé. On trouve de l'argent pour faire un plan d'armement ou un plan de sécurité-défense. On parle même de 500 milliards à l'échelle européenne. On parle de ramasser de l'argent au niveau européen. Et pendant ce temps-là, on dit aux Français qu'ils vont devoir faire des efforts, supprimer des jours fériés. Mais ça n'a pas de sens !

Est-ce que vous vous sentez un "boomer" privilégié, comme dit François Bayrou ?

Non. Je me sens fébrile parce que je ne comprends pas qu'on ne mobilise pas cette France entrepreneuriale alors qu'on a des qualités d'emploi. L'enseignement est bon. La France au travail produit bien, on a des produits de qualité. Il y a un réel qui circule, sur Instagram, où on voit le général de Gaulle à peine élu qui tient des propos tout simples comme le fait de dire qu'on va essayer de trouver de la prospérité pour les Français. C'est ce discours-là qu'on a envie d'entendre parce que la bataille contre l'inflation, elle n'est pas gagnée.

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