Dette publique : la France est-elle (trop) bien notée par les agences de notation ?
Après Fitch en avril, la France pourrait recevoir, vendredi, une nouvelle appréciation à la baisse de la part de S&P Global. Mais au regard du déficit et de l'endettement français, la confiance des agences reste importante. Non sans raison.
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Alors que les élèves de terminale se préparent à plancher sur le baccalauréat, le gouvernement s'apprête, lui, à recevoir sa copie. L'influente agence de notation américaine Standard and Poor's (S&P Global) doit rendre, vendredi 2 juin, sa dernière appréciation sur l'économie française, quelques semaines seulement après la baisse de la note infligée par sa concurrente Fitch.
Les trois principales agences de notation dans le monde, S&P Global, Fitch et Moody's, utilisent un système de notation matérialisée sous forme de lettres, allant de AAA à C ou D, pour éclairer les investisseurs sur la capacité qu'ont les Etats à rembourser leur dette. Une dégradation de la note de S&P Global, après celle de Fitch, constituerait un camouflet pour le gouvernement, soucieux d'afficher une politique économique solide et un sérieux budgétaire.
Si cela se produisait, la dette de la France serait considérée comme plus risquée, et les investisseurs seraient fondés à réclamer une rémunération plus importante pour consentir à prêter. En théorie, les taux d'intérêts d'emprunt français pourraient donc augmenter.
Un endettement et un déficit importants...
En abaissant la note de la France d'un cran, à "AA-", fin avril, Fitch avait justifié sa décision par "des déficits budgétaires importants et des progrès modestes" concernant leur réduction, après trois ans d'abondantes dépenses publiques destinées à amortir le choc du Covid-19 et de l'inflation. L'agence de notation anticipe le déficit à 5% du produit intérieur brut (PIB) en 2023 et à 4,7% l'année suivante, bien au-dessus des pays notés dans la catégorie "AA" et de l'objectif européen fixé à 3%. Avec un taux de 109,6 % du niveau du PIB attendu fin 2023, la France détient en outre l'endettement le plus élevé des pays de cette catégorie, alors que les standards européens préconisent un endettement maximum de 60% du PIB.
L'agence évoquait aussi une "impasse politique" liée à la réforme des retraites, de nature à compliquer la tâche du gouvernement dans sa volonté de sérieux budgétaire. Elle estimait qu'une situation de blocage autour de ce projet pouvait "créer des pressions en faveur d'une politique budgétaire plus expansionniste ou d'un renversement des réformes précédentes". A l'épreuve des chiffres, la France paraissait donc mieux notée qu'elle ne le méritait, concluait Fitch dans sa décision. "La France a une notation étrangement surévaluée au regard de l'incurie de ses finances publiques", cingle également un édito du journal économique Les Echos (article réservé aux abonnés), fin mai.
... mais d'autres atouts économiques
"Si on tient simplement compte de notions de finances publiques comme l'endettement et le déficit, on peut avoir l'impression que la France est un peu surnotée", reconnaît auprès de franceinfo l'économiste Mathieu Plane, directeur adjoint du département Analyse et prévision de l'Observatoire français des conjonctures économiques.
Les marchés et les agences de notation tiennent toutefois compte d'autres critères pour déterminer la solidité d'une économie. Et la France compte plusieurs points forts, relève l'économiste : un dynamisme démographique plus important que ses voisins, qui implique un potentiel de croissance et de rentrées fiscales non négligeable ; une administration fiscale efficace pour recouvrir l'impôt ; une dette qui a valeur de "refuge" pour les investisseurs en raison de l'importance de la France dans la zone euro et de la solidité de la Banque centrale européenne ; une épargne des ménages importante ; des institutions politiques stables, etc.
L'agence de notation européenne Scope a tenu le même raisonnement, dans son appréciation, fin avril. Tout en abaissant sa perspective sur la France de "stable" à "négative", elle rapporte que l'examen quantitatif de l'économie française avait abouti à la note "A+", mais que l'examen qualitatif, prenant en compte les spécificités de l'économie du pays, l'avait fait remonter de deux crans, à "AA".
Pas d'effet de la décision de Fitch
Parmi les points forts français, Scope relevait par ailleurs la capacité du pays à faire face aux chocs, grâce au rôle prépondérant de l'Etat dans l'économie, mais aussi la performance du secteur bancaire, ou encore à la viabilité de la dette, alors que l'Etat français n'a pas fait défaut sur sa dette depuis la fin du XVIIIe siècle. "La France est l'un de ces pays où il y a des forces qu'il est impossible d'appréhender uniquement à travers les données macroéconomiques ou budgétaires", commente auprès de l'AFP l'analyste de Scope, Thomas Gillet.
Plus que la note donnée par les agences, c'est le maintien, ou non, de la confiance des marchés qui compte, souligne Mathieu Plane. C'est elle qui détermine les taux d'intérêt, et donc le coût de la dette. "Même si la dégradation de la note française n'est jamais une bonne nouvelle, cela n'entraîne pas automatiquement des taux d'intérêts très supérieurs", relève l'économiste.
Le 31 mai, le taux d'intérêt de la dette française à dix ans était ainsi de 2,86%, contre 3,03% le 27 avril, à la veille de la décision de Fitch. Un taux stable ces dernières semaines, et qui reste presque aussi bon que celui de la dette allemande sur la même durée (2,25% le 31 mai). "Malgré une petite prime de risque pour la France par rapport à l'Allemagne, notée 'AAA', les investisseurs sont prudents vis-à-vis des appréciations des agences", conclut Mathieu Plane. En dépit de ces inquiétudes, la France continue donc de compter parmi les bons élèves.
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