Loi anti fast-fashion : des tonnes de déchets textiles déversées devant le Sénat pour protester contre son "inertie"
Une proposition de loi a été adoptée il y a un an à l'Assemblée nationale pour lutter contre "la mode jetable". Depuis, elle doit être examinée par le Sénat qui l'a écartée de son agenda.
Dix tonnes de déchets textiles ont été déversées vendredi 14 mars devant le Sénat, fait savoir le collectif Stop Fast-Fashion, dans un communiqué transmis à franceinfo. Sur les photos publiées sur Instagram par l'association Amis de la Terre, on aperçoit de nombreux sacs poubelle noirs et jaunes, amoncelés devant les grilles du Jardin du Luxembourg où se trouve le Sénat. En haut du tas, un mannequin habillé de vêtements, avec une pancarte "Non à la fast-fashion".
Le collectif rassemble notamment l'ONG Max Havelaar, Amis de la Terre, Emmaüs, ActionAid, ZeroWaste, et se bat pour que le Sénat adopte la loi anti fast-fashion. Emmaüs, par exemple, se dit débordé par les dons de vêtements : pour Tarek Daher, ces dix tonnes de déchets "représentent le volume, l'engorgement. Aujourd'hui on ne sait plus traiter des volumes aussi importants."
Des actions en région
Une "opération photo" est également prévue avec des influenceurs et entreprises engagées, indique le collectif, avec des actions en région. À Dijon (Côte-d'Or), un collectif d’associations s’est mobilisé vendredi sur la place du Bareuzai, rapporte "ici Bourgogne" (ex-France Bleu). Une vingtaine de militants ont tracté pour alerter les passants sur les dérives de la mode éphémère et pour les inviter à signer un courrier adressé aux sénateurs de Côte-d’Or leur demandant d’inscrire l’examen de la proposition de loi contre la fast-fashion à leur agenda. En Dordogne, à Périgueux, une tonne de vêtements a également été déposée sur les allées Tourny pour alerter sur ce phénomène, indique "ici Périgord". Dans la Drôme, à Valence, un collectif anti fast-fashion a aussi mené une action de ce type dans le centre-ville, précise "ici Drôme Ardèche".
La proposition de loi contre la fast-fashion, votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en mars 2024, a ensuite été écartée de l'agenda du Sénat. Or, écrit le collectif, "l'inertie autour de cette loi, qui vise à mettre fin aux dérives sociales et environnementales de la fast-fashion, est d'autant plus problématique qu'une majorité de représentants politiques, d'industriels et d'organisations de la société civile sont alignés sur la nécessité de son adoption". D'après le collectif Stop Fast-Fashion, "seules les entreprises concernées par l'application de la loi y sont opposées". Les associations pointent la responsabilité, dans ce non-examen du texte de loi par le Sénat, des lobbies du textile. Car le texte prévoit un malus financier sur les vêtements les plus polluants, et l'interdiction de la pub pour la fast-fashion.
"Cette loi dérange surtout les plus gros : Shein, Zara, H&M, Primark... Toutes ces marques qui produisent à l'autre bout du monde. Aujourd'hui elle peuvent faire ce qu'elles veulent."
Pierre Condamine, des Amis de la Terreà franceinfo
Afin de pénaliser la "mode jetable" venue en grande partie d'Asie, la proposition de loi, portée par les députés du groupe Horizons, prévoit notamment la mise en place d'un malus pour compenser l'impact environnemental de ces vêtements. La pénalité, d'ici 2030, pourrait ainsi atteindre jusqu'à 50% du prix de vente. La proposition de loi prévoit également l'interdiction de la publicité pour ces vêtements, à l'instar de la loi Evin pour les boissons alcoolisées.
Les associations soulignent l'urgence, selon elles, d'adopter cette loi. D'autant que la consommation de vêtement ne cesse de grimper en France : une quarantaine de pièces achetées chaque année par personne. Elles alertent aussi sur les conditions de fabrication de ces vêtements, souvent en Asie. Et rappellent l'effondrement du Rana Plaza, au Bangladesh, en 2013 : plus de 1 100 morts dans l'effondrement de cet "immeuble-usine". "Un salaire aujourd'hui au Bangladesh est autour de 90 euros, alors que le salaire vital est de 180 euros, souligne Valéria Rodriguez de l'association Max Havelaar, qui milite pour une industrie plus juste. Les conditions de travail sont très dures, avec énormément d'heures supplémentaires, sans mesures de santé ou de sécurité... Ce tas de vêtements représente aussi cette misère-là."
Du côté du gouvernement, la ministre de la Transition écologique réagit à cette manifestation : la proposition de loi "Fast-fashion" reste "une priorité", dit Agnès Pannier-Runacher. Elle dit espérer un examen au Sénat avant l'été.
Commentaires
Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.
Déjà un compte ? Se connecter