"C'est collaborer avec le diable" : on vous explique pourquoi le partenariat entre Pimkie et Shein provoque une levée de boucliers

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Un magasin Pimkie, dans le centre-ville de Toulouse, le 13 février 2023. (FREDERIC SCHEIBER / HANS LUCAS / AFP)
Un magasin Pimkie, dans le centre-ville de Toulouse, le 13 février 2023. (FREDERIC SCHEIBER / HANS LUCAS / AFP)

La plateforme chinoise d'ultra-fast-fashion a révélé mardi que la marque française bénéficierait de sa force de frappe pour se développer. Affolant les secteurs du commerce et de l'habillement, déjà très critiques de ce nouveau rival.

Ils accusent la marque d'avoir franchi une ligne rouge. La Fédération des enseignes de l'habillement, membre de l'Alliance du commerce, a annoncé dans un communiqué, vendredi 19 septembre, avoir décidé "à l'unanimité" d'exclure Pimkie après le partenariat noué par l'enseigne française avec Shein. En s'assurant le soutien du très décrié géant des vêtements à prix cassés en ligne, une première pour une entreprise française, cette marque en difficulté a suscité de vives réactions dans tout le secteur du commerce. Alors que la polémique enfle, franceinfo vous résume les enjeux autour de cette alliance peu consensuelle.

Un partenariat pour se développer à l'international

Mardi, la plateforme chinoise d'ultra-fast-fashion Shein a révélé que Pimkie allait bénéficier de son écosystème pour se développer, notamment à l'international, par l'intermédiaire d'un programme nommé Shein Xcelerator. Ses vêtements seront disponibles sur la plateforme Shein, et donc accessibles dans 160 pays. Pimkie bénéficiera aussi d'un appui logistique, et pourra ainsi profiter du système de production à la demande du groupe chinois, ou encore de son aide pour le traitement des commandes en ligne.

Une perspective alléchante pour une entreprise un temps en grande difficulté financière, qui a traversé ces dernières années deux plans sociaux et une procédure de sauvegarde. Pimkie compte aujourd'hui près de 200 points de vente en France, hors outre-mer, et emploie plus de 700 personnes.

L'annonce de ce partenariat intervient dans un contexte particulier : le même jour, les fédérations de l'habillement signaient, avec d'autres organisations européennes du secteur (Italie, Espagne, Allemagne, Grèce, Belgique, Portugal, etc.), une lettre ouverte adressée à la Commission européenne pour lui demander de mettre un coup d'arrêt "sans délai" à l'essor de la mode ultra-éphémère.

Une alliance critiquée de toute part

Conséquences pour l'environnement, concurrence déloyale... Les griefs formulés par les acteurs de l'habillement à l'encontre de Shein et du partenariat d'un nouveau genre noué avec Pimkie sont nombreux. Le modèle du géant chinois "s'appuie sur le contournement des règles et une concurrence déloyale au détriment des enseignes présentes et créatrices d'emplois en France" et des "pratiques environnementales [qui] vont également à l'encontre de toute la stratégie de transformation du secteur", dénoncent la Fédération des enseignes de l'habillement et l'Alliance du Commerce. En s'y associant, "Pimkie s'est écartée des engagements collectifs portés par la filière", jugent-elles. Shein, de son côté, "tente de s'acheter une respectabilité, mais en réalité, il fragilise l'ensemble de nos commerces", commente Bernard Cherqui, président des deux organisations.

La Fédération du commerce et de la distribution (FCD), qui regroupe la plupart des enseignes de la grande distribution, fustige pour sa part un choix qui "revient à tendre la main aux acteurs dont le modèle précarise les emplois, vide les centres-villes et affaiblit l'industrie textile et le commerce français et européen".

"Ce choix n'est pas un sauvetage, mais une capitulation."

La Fédération du commerce et de la distribution

dans un communiqué

Dominique Schelcher, PDG de la Coopérative U, a qualifié l'association de "scandaleuse". "C'est collaborer avec le diable", a-t-il soutenu. "On commence à réfléchir à une 'class action' [action collective en justice] contre ces acteurs-là", dont les produits sont insuffisamment contrôlés, a-t-il menacé. Philippe Palazzi, le directeur général du groupe Casino, demande lui "un moratoire" pour "interdire temporairement ces plateformes jusqu'à ce que l'Europe légifère, pour éviter les friches commerciales dans nos villes et nos villages".

"Depuis plus de deux ans que j'ai repris Pimkie, je n'ai reçu aucun soutien des différentes organisations et fédérations. Beaucoup attendaient sans doute la fin de la marque", s'est défendu son patron, Salih Halassi, auprès de l'AFP.

Des poursuites promises par le groupe Mulliez, ancien propriétaire de Pimkie

En 2023, l'enseigne Pimkie avait été cédée par le groupe Mulliez, qui contrôle de nombreuses marques comme Leroy Merlin, Kiabi, Flunch, Boulanger et Auchan. Mais cette cession était assortie de conditions sur la préservation de "l'activité et l'emploi d'une enseigne autonomisée et responsabilisée". L'association familiale Mulliez (AFM) juge que cet accord est dévoyé par le partenariat avec Shein, et a annoncé saisir la justice, dénonçant "un usage des fonds mis à disposition lors de la cession [près de 140 millions d'euros] manifestement contraire à leur finalité". Une démarche "soutenue" par la Fédération française du prêt-à-porter féminin.

Une procédure rapidement balayée par le président du groupe Pimkie, qui affirme que "la famille Mulliez ne dispose d'aucun fondement juridique lui permettant d'engager une action (...) au titre du contrat de cession" et que "ce nouveau partenariat (...) permettra même la création de nouveaux emplois".

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