"Je pense que nous traversons une période de grand renoncement collectif", analyse l'ancien commissaire européen Thierry Breton
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Thierry Breton, ancien commissaire européen au marché intérieur, est l'invité de "Tout est politique", lundi 20 octobre. Il analyse notamment l'image de la France dans le monde, au lendemain du cambriolage du Musée du Louvre et alors que s'ouvre l'examen à l'Assemblée nationale du projet de loi de finances 2026.
Ce texte correspond à une partie de la retranscription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.
France info : Nous allons commencer cette émission en parlant de l'image de la France dans le monde. Cambriolage au Louvre, un président de la République qui va dormir en prison, des gouvernements censurés les uns après les autres, et une France incapable de trouver un budget... Vous qui voyagez beaucoup, vous êtes ancien commissaire européen. Est-ce que l'image de la France est en train de prendre un petit coup sur la tête en ce moment ?
Thierry Breton : Alors, on parle quand même de sujets très différents. Le dernier en date, évidemment, ce cambriolage absolument extraordinaire au vrai sens du terme du Louvre. Évidemment, d'abord, il nous marque tous, parce que c'est le Louvre. Ensuite, quelque part, c'est la couronne. Et oui, les Français sont encore attachés à leur histoire, et en particulier à ce que représente la couronne. Et puis, c'est aussi une image très importante dans le monde que nous véhiculons. Le Louvre, c'est quand même le musée le plus connu au monde, et donc c'est vrai que... Comparaison n'est pas raison. Nous avions eu un retentissement mondial lorsqu'il y avait eu cet incendie de Notre-Dame. Est-ce que c'est comparable ? Peut-être pas, mais nous sommes quand même dans ce registre-là.
On a vu un sondage tout à l'heure du Figaro qui indique que si on demande aux Français leurs premiers ressentis vis-à-vis de la situation politique actuelle, ils parlent de honte. Comme s'ils avaient honte de la situation politique. (...) Est-ce que, quand vous fréquentez un certain nombre de chefs d'État, de chefs d'entreprise, de ministres ou peu importe, de dirigeants européens, vous avez l'impression qu'ils vous regardent avec un peu de commisération ?
Il y a plusieurs éléments dans votre question. D'abord, pour moi, ce n'est pas de la honte. Je n'en ressens jamais de honte pour mon pays. En revanche, je pense que nous traversons une période de grand renoncement, de renoncement collectif du reste.
Alors, ça s'appelle de l'autopromo, puisque Thierry Breton nous a envoyé le bouquin qui sort après-demain.
Je crois que c'est pour ça que vous m'avez invité.
Absolument. Les dix renoncements qui ont fait la France, chez Bûcher-Chastel et Plon.
Peut-être aurais-je dû du reste écrire le onzième, parce qu'effectivement nous sommes aujourd'hui le témoin d'un onzième renoncement. Ce renoncement à la réforme des retraites, on va pouvoir en parler. Comment tout ceci est vu ? D'abord, évidemment, pourquoi dis-je que c'est un renoncement ? (...) D'abord il faut parler de l'Europe, avant de parler du monde.
Nous sommes un des pays fondateurs, évidemment, de l'Union Européenne et, à ce titre, nous jouons un rôle très important. Nous sommes la deuxième économie de l'Union Européenne et la voix de la France, évidemment, doit porter. On est la septième économie du monde, la seule puissance nucléaire d'Europe continentale. Nous disposons d'un siège au Conseil de sécurité de l'ONU. Donc, la voix de la France doit porter. On attend qu'elle porte.
Mais cette voix, elle est aujourd'hui, c'est vrai, elle est vraiment, je dirais, enrayée. Nous ne tenons plus nos objectifs, et en particulier pour ce qui est extrêmement important, c'est-à-dire pour notre monnaie. Il ne faut pas se tromper, à Bruxelles, ceux qui tiennent les objectifs, ce sont ceux qu'on écoute, et ceux qui ne tiennent pas les objectifs, je l'ai connu moi-même lorsque j'étais ministre, c'est pour ça que j'ai fait en sorte de revenir dans les clous du traité de Maastricht, on vous dit : "Tu règles d'abord les problèmes et tu parles après." C'est ça qui se passe.
C'est ce qu'on dit à Emmanuel Macron en ce moment sur la scène internationale ?
Je parle de Bruxelles. Pas à Emmanuel Macron. Ce qu'on dit, encore une fois, aux ministres qui représentent la France, et notamment dans les enceintes idoines, c'est-à-dire l'Eurogroupe ou l'ECOFIN, c'est que la France n'a pas aujourd'hui le poids qu'elle devrait avoir, parce que nous avons un endettement qui est à 116 ; maintenant les agences de notation le voient à 120. L'Allemagne, elle, est à 60. Et donc cet écart s'est creusé au cours des 25 dernières années.
Mais c'est une lente dégradation, à laquelle vous faites allusion dans vos 10-11, non pas commandements, mais renoncements. Ce n'est pas quelque chose qui est arrivé depuis...
C'est la raison pour laquelle j'ai pensé qu'il était important d'essayer de comprendre. Est-ce qu'au fond, on vit une période unique dans notre histoire parce que clairement, on donne le sentiment de renoncer à ce qu'il conviendrait de faire, ou est-ce que c'est arrivé dans notre histoire par ailleurs ? Je me suis posé moi-même la question, et donc j'ai remonté effectivement à un certain nombre d'événements historiques de notre histoire, pas uniquement contemporaine. Je commence par exemple par le renoncement à la tolérance lorsque Louis XIV va décider de révoquer l'édit de Nantes, ce qui a provoqué l'exil de centaines de milliers de huguenots, qui vont renforcer l'Europe et appauvrir la France.
Souvent les milieux économiques disent que c'est une France incapable de se réformer, surtout incapable de rigueur. Ce n'est pas que ça ?
Aujourd'hui, c'est clair que c'est une France qui est incapable de se réformer et qui est incapable, évidemment, de la rigueur. Alors qu'encore une fois, la rigueur, je n'aime pas ce mot, parce que ce n'est pas de la rigueur dont il s'agit. Il s'agit tout simplement de respecter les traités que nous avons signés, l'engagement que nous avons fait. On ne peut pas le balayer d'un revers de main.
Mais le moyen de remplir cet objectif, ça peut-être la rigueur.
Non, certainement pas. Ça ne marche pas. C'est beaucoup plus complexe que ça, si je peux me permettre. La rigueur, évidemment, on ne va pas faire du Musk ou du Milei à la tronçonneuse. On a vu les résultats. C'est tout simplement se remettre en mouvement. Les Allemands l'ont fait. Les Allemands, lorsque je quitte Bercy, nous avons abaissé l'endettement de la France à 63%, l'Allemagne était à 67%. La France était devant l'Allemagne, ce n'était pas au siècle dernier.
Et qu'est-ce qui s'est passé depuis ? Nous avons eu la même crise des deux côtés du Rhin. Et nous, nous avons tout laissé filer. Nous avons tout laissé filer. L'Allemagne aujourd'hui est à 60%. Nous, nous sommes bientôt à 120. Mais enfin, qu'est-ce qui s'est passé ? Vous pensez qu'on a de meilleurs hôpitaux aujourd'hui ? Qu'on a des infrastructures de qualité ? Qu'on a des aéroports extraordinaires ? Qu'on a des écoles formidables ? Qu'est-ce qui s'est passé ? C'est ce que j'essaie d'expliquer.
Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité
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