Budget : "Toute continuation du macronisme aboutira au même résultat : la censure", avertit Philippe Brun, député PS de l'Eure
Sur le plateau des "4 Vérités", vendredi 12 septembre, Philippe Brun, élu socialiste de l'Eure, prévient Sébastien Lecornu et le camp présidentiel que sa formation politique attend de fortes concessions dans le prochain budget pour lui éviter la censure.
Dans un contexte politique tendu, sans majorité à l'Assemblée nationale, le Parti socialiste fait figure de dernière chance pour le gouvernement de Sébastien Lecornu de se maintenir en place en lui évitant une censure. Vendredi 12 septembre, Jeff Wittenberg reçoit Philippe Brun, député socialiste de l'Eure, dans les "4V". Le "monsieur budget" du PS met en garde l'exécutif en rappelant les conditions de son parti pour ne pas entraver le budget.
Ce texte correspond à une partie de la retranscription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.
Jeff Wittenberg : Le Parti Socialiste, c'est la clé de survie plus ou moins longue, la survie politique, bien sûr, du nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu, puisque, on le rappelle, il n'y a pas de majorité à l'Assemblée nationale. Comment jugez-vous ses premiers pas, sont-ils en rupture avec François Bayrou ?
Philippe Brun : On a toujours tort, je crois, de résumer la crise politique que nous connaissons à des questions de style. Le problème de François Bayrou ou de Michel Barnier, ce n'était pas leur style. Ils étaient affables, sympathiques, cordiaux en privé. Le problème, c'est la situation politique. Le président de la République décide de nommer un Premier ministre qui est son dernier et plus proche collaborateur. C'est une situation où il fallait, au contraire, ouvrir le jeu. Il y a eu déjà deux censures du gouvernement macroniste, car aucun élargissement du macronisme n'est possible. Il faut aujourd'hui ouvrir le jeu avec un autre gouvernement, ce que nous avons proposé. Un gouvernement, nous, de gauche et de défense républicaine. C'était il y a quelques semaines.
Comment jugez-vous Sébastien Lecornu ? Vous êtes prêt à le rencontrer, par exemple ?
Nous avons dit, très clairement, comme d'ailleurs les écologistes et les communistes, que nous irions évidemment rencontrer Sébastien Lecornu. Nous répondons toujours aux invitations qui nous sont faites. Nous le redisons. Toute continuation du macronisme aboutira au même résultat : la censure. On l'a vu lors des deux derniers gouvernements.
"Il n'y avait à peu près rien à garder dans le plan Bayrou"
Rentrons dans le vif du sujet, dans le concret : ça signifie quoi, la continuation du macronisme par rapport au budget qui a été présenté par François Bayrou ? On entend ces dernières heures que, par exemple, la piste des deux jours fériés supprimés serait abandonnée. Est-ce que ça serait un pas dans la bonne direction si Sébastien Lecornu confirmait cette piste ?
Il faut tout abandonner. Il n'y avait à peu près rien à garder dans le plan Bayrou. Nous disons une chose simple : nous n'irons pas négocier avec Sébastien Lecornu tant qu'il n'aura pas dit ce qu'il souhaite faire, tant qu'il n'aura pas donné les grands chantiers qu'il souhaite ouvrir, tant qu'il n'aura pas dit les propositions du budget socialiste qu'il souhaite reprendre. Nous les avons présentées il y a trois semaines. Elles sont publiques. Tout le monde connaît les positions des socialistes sur la fiscalité, sur le pouvoir d'achat, sur les retraites, sur le plan de relance que nous proposons. On ne va pas participer à une parodie de négociation. On ne va pas passer des semaines à discuter, pour qu'à la fin, on nous donne une micro-taxe sur les plus riches et qu'on maintienne un jour férié sur deux. Cela serait inacceptable.
Alors, qu'est-ce que vous voulez ? Vous venez de parler de la taxe sur les plus riches, qu'on appelle donc la taxe Zucman, du nom de son promoteur Gabriel Zucman, qui consisterait pour vous à taxer à 2 % les plus hauts patrimoines, ceux qui sont supérieurs à 100 millions d'euros. C'est ça ou rien pour vous ?
Au préalable, d'abord, il faut dire ce qu'il souhaite ouvrir. On a vécu ça plusieurs fois. On a déjà vécu ça avec François Bayrou. On nous fait venir dans des réunions qui durent pendant des heures. On fait semblant, on reprend devant les caméras et puis, à la fin, la montagne accouche d'une souris. Les gens veulent un vrai changement économique. Il y a un problème de croissance aujourd'hui, on est seulement à 0,8 %. La consommation baisse de 1 %. Les gens n'arrivent pas à finir leurs fins de mois. Il faut impérativement relancer la machine économique et donc prendre un tournant. Ce tournant, c'est d'abord soutenir la consommation, le pouvoir d'achat des gens, soutenir les salaires et aussi mettre à contribution ceux qui peuvent se le permettre pour redresser les finances publiques.
"On s'opposera à tous les efforts sur les classes populaires et les classes moyennes"
Par cette taxe, telle que je viens de la décrire, 2 % pour les plus hauts patrimoines ? Est-ce que c'est ce que vous voulez, est-ce que c'est ce que vous allez négocier ? Par exemple, Raphaël Glucksmann disait : c'est indiscutable, je veux dire, on ne peut pas faire sans ça.
Il faut en tout cas de la justice dans l'effort. On ne peut pas dérembourser les médicaments des gens. On s'y opposera, on s'opposera, d'ailleurs, à tous les efforts sur les classes populaires et les classes moyennes qui ont déjà payé un lourd tribut à la crise. Et on dit qu'il faut qu'on répartisse l'effort. Il faut que ceux qui ont été privilégiés durant les huit dernières années, qui ont été exonérés totalement d'efforts, 62 milliards de baisses d'impôts par an pour les plus riches, puissent contribuer. La taxe Zucman, ça ne concerne que 2 000 contribuables. En France, c'est donc finalement très peu de gens. Personne sur ce plateau ne paierait la taxe Zucman.
L'argument des économistes qui consiste à dire que cela pourrait pénaliser la croissance, notamment en pénalisant les propriétaires d'entreprises qui ne versent pas encore de dividendes, c'est un peu technique, mais il y a des entreprises comme celles-là qui pourraient être incitées, peut-être, à aller investir plutôt à l'étranger. Est-ce que vous entendez cet argument ?
Oui, dans la taxe que nous proposons, nous excluons de l'assiette, ce sur quoi on calcule l'impôt, ce type d'entreprises, justement. Donc il faut qu'on discute ces sujets-là. Nous excluons les startups, par exemple, qui ne versent pas encore de dividendes, qui ne gagnent pas encore d'argent. Tout cela est déjà prévu, en vérité, dans le dispositif que nous proposons.
Et l'exil des grandes fortunes, vous ne le craignez pas ?
L'exil des grandes fortunes, on l'a connu à chaque fois. Ce que je constate, c'est que la France n'est pas un enfer fiscal puisque c'est le pays d'Europe occidentale qui compte le plus de milliardaires. C'est donc bien la preuve qu'on peut aussi investir et réussir dans notre pays malgré la générosité de notre système social et malgré un système fiscal qui est assez redistributif.
Ce gouvernement, il tient, si vous lui accordez votre mansuétude et que vous n'appuyez pas sur le bouton de la censure : êtes-vous prêt à ce deal si jamais vous obtenez certaines concessions ?
Nous avons toujours fait prévaloir l'intérêt du pays avant les intérêts partisans. Et nous l'avons fait au moment du budget avec François Bayrou en janvier, nous avons permis au pays de le faire. Je vous dis une chose, c'est que l'anonymisation de Sébastien Lecornu nous inquiète. Pourquoi ? Parce qu'elle est un signe de fermeture du régime, de fin de règne en vérité, et nous avons bien peur que la montagne accouche d'une souris. Donc s'il n'y a rien sur les retraites, s'il n'y a rien sur la mise à contribution des très riches, des grandes fortunes, s'il n'y a rien pour réduire l'effort qui est demandé à l'hôpital, qui est demandé à tous nos services publics qui sont à l'os, alors, ce sera sans nous et notre main ne tremblera pas pour censurer ce gouvernement.
Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.
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