"En quelques secondes, on est passées de 130 km/h à l'arrêt" : ce que l'on sait des "freinages fantômes", suspectés d'être à l'origine d'accidents de voitures
Les témoignages d'automobilistes relatant des freinages brusques sans raison apparente se multiplient. De quoi pousser le ministère des Transports à mener des évaluations.
Un nouveau scandale pour l'industrie automobile ? Après l'affaire des airbags défectueux Takata, des automobilistes se plaignent sur les réseaux sociaux que leur véhicule freine brusquement sans raison apparente, au point, parfois, de provoquer des accidents. Si, pour l'heure, le phénomène reste inexpliqué et son ampleur difficile à évaluer, il interpelle assez pour que le ministère des Transports ait annoncé, vendredi 15 août, procéder à des évaluations. Franceinfo fait le point sur ce phénomène de ces "freinages fantômes".
Un véhicule qui "freine tout seul"
Tout est parti du témoignage de Joanna, diffusé début août par France Inter. Alors qu'elle se trouvait fin avril au volant de sa Peugeot 208 sur l'autoroute reliant Lyon à la Haute-Savoie, la jeune femme raconte avoir senti son véhicule "freiner tout seul", sans avoir appuyé sur la pédale de frein, ni même activé son régulateur de vitesse. Pris de court, le conducteur qui se trouvait derrière elle a embouti l'arrière de son véhicule, blessant les passagers légèrement. Depuis, sa voiture est inutilisable, mais Joanna l'a gardée, car elle se bat "pour obtenir une expertise", et comprendre ce qui a mené à ce freinage soudain.
Plusieurs centaines de témoignages récoltés
Comme Joanna, Aurélie a senti sa voiture freiner "subitement", alors qu'elle rentrait d'un déplacement avec son assistante, en décembre 2023, sur l'autoroute. "En quelques secondes, on est passées de 130 km/h à l'arrêt. On a été percutées par l'arrière. Ma passagère est décédée, je suis tombée dans le coma", raconte-t-elle à France Inter. Condamnée pour homicide involontaire, elle a écrit à Joanna et espère, elle aussi, obtenir des réponses de la part des constructeurs automobiles. "Mon objectif, c'est que la vérité soit faite, dit-elle. Que quand il y a un défaut sur une voiture, ce soit reconnu, pour la victime, pour les familles."
Après la médiatisation de son accident, Joanna a reçu "environ 600 témoignages" similaires, rapporte-t-elle à franceinfo. Elle a aussi créé un groupe Facebook, via lequel elle recueille les récits d'automobilistes qui disent avoir subi un "freinage automatique brusque, inattendu et injustifié d'un véhicule, sans danger réel détectable autour, ni action volontaire du conducteur". Après avoir écumé des dizaines de récits, elle conclut que "la problématique de freinage fantôme est multimarques". "Tous les moteurs semblent concernés (essence, diesel, hybride, électrique)", poursuit-elle. Le phénomène toucherait indifféremment les boîtes manuelles et automatiques.
Des causes pas encore identifiées
Les automobilistes qui témoignent disent avoir demandé des explications au constructeur de leur voiture. Magali, dont la Skoda neuve semble présenter le même problème, témoigne pour Libération. "Si ça recommence, appelez un dépanneur", lui aurait répondu le fabricant. Joanna, elle, attend toujours de pouvoir effectuer l'expertise de son véhicule, refusée par son assurance. Quant à Aurélie, sa voiture a été expertisée trois fois, sans qu'une défaillance n'ait été identifiée, rapporte France Inter.
Interrogé par France 2, le groupe Stellantis, affirme que "le système de freinage d'urgence se déclenche quand le conducteur n'a pas vu ou identifié un obstacle ou un danger. Il est conçu, homologué et fonctionne uniquement pour cela". Skoda n'a pas répondu aux sollicitations de la chaîne.
Depuis juillet 2024, le système de freinage d'urgence automatique est obligatoire sur tous les véhicules neufs. Cette norme a été introduite par l'Union européenne en 2019, pour "réduire considérablement le nombre de victimes" sur les routes. "C'est une aide à la conduite conçue pour éviter les collisions ou réduire leur gravité", explique à ICI Christophe Theuil, vice-président de la Fédération française de l'expertise automobile.
Toutefois, des experts estiment que ce dispositif peut aussi se déclencher pour de mauvaises raisons. Interrogé par France 2, Grégory Pelletier, directeur de la rédaction de L'Argus, souligne qu'un "objet", ou "un bout de pneu éclaté sur l'autoroute", peuvent aussi être interprétés comme un "obstacle" par ces capteurs, qui ne sont "pas complètement [fiables]". "Les conditions environnementales peuvent être défavorables à ces systèmes de capteurs, en cas de pluie, brouillard, neige, obscurité, soleil rasant ou contre-jour, détaille Christophe Theuil. Dans ces cas-là, le système peut se déconnecter, mais parfois, il ne le fait pas et les capteurs peuvent détecter des choses qui n'existent pas".
Selon lui, il n'y a pas d'inquiétude à avoir. Le problème réside dans "la calibration des capteurs et des radars, qui sont dans le pare-brise des véhicules", et qui ne serait pas toujours faite lorsque cet élément de la voiture est remplacé, expliquait-il mi-août sur franceinfo. "Il y a un bénéfice risque qui est vraiment favorable à toute l'électronique, parce qu'elle a évité de nombreux dommages", avance le vice-président de la Fédération française de l'expertise automobile.
Une enquête lancée par le ministère des Transports
Le ministère des Transports, qui a reçu Joanna le 7 août, a annoncé vendredi qu'il mènerait des évaluations et interrogerait des constructeurs automobiles. Le service de surveillance du marché des véhicules et des moteurs (SSMVM) "va désormais procéder à l'évaluation (…) qui lui donne la possibilité d'interroger les constructeurs. Le SSMVM procèdera ensuite à la réalisation d'essais", a précisé un responsable du ministère à l'AFP. C'est d'ailleurs le SSMVM qui avait lancé et suivi les campagnes de rappel des airbags défectueux Takata des différents constructeurs.
Le SSMVM n'est pas le seul à vouloir éclaircir la situation. Dans un courrier au ministre de l'Economie, le député MoDem de l'Ain Romain Daubié demande à Eric Lombard quelles mesures le gouvernement entend prendre "pour garantir aux consommateurs un accès facilité et encadré aux données de leur véhicule, et pour corriger l'asymétrie de preuve qui empêche les consommateurs de faire valoir leurs droits". Une pétition réclamant "une enquête et une réforme sur les systèmes de freinage d'urgence automatique" a également été lancée sur le site de l'Assemblée nationale le 6 août. Elle avait recueilli près de 300 signatures lundi soir.
À regarder
-
États-Unis : une tour de refroidissement nucléaire dynamitée
-
Pluies torrentielles : un super typhon balaie l'Asie
-
Retraités condamnés : le couple cachait la drogue des dealers
-
Enseignante poignardée : un collégien de 14 ans arrêté
-
"La complosphère s'enflamme après l'assassinat de Charlie Kirk"
-
Pourquoi Jeremstar s'engage pour les animaux
-
Dollemard, un scandale à ciel ouvert
-
Les Allemands boivent (beaucoup) moins de bière
-
Éboueur et star des ados
-
Pourquoi Demon Slay(er) le box-office
-
Alerte aux drones : la France est-elle prête ?
-
« Un Etat palestinien ? J’ai du mal à l’imaginer »
-
Cette marque a triché, elle devra payer
-
Leonardo DiCaprio joue au révolutionnaire dépassé dans "Une bataille après l'autre"
-
Nicolas Sarkozy n'est plus une figure "tutélaire" de la droite selon David Lisnard
-
Inondations : des coulées de boue en Italie
-
Donald Trump déclare que l'Ukraine serait en capacité de regagner l'intégralité de son territoire
-
Un collégien attaque une prof : ce que l’on sait
-
Donald Trump charge l'Europe devant l'ONU
-
Légionellose : contamination m0rtelle en Savoie
-
Elle revient au handball de haut niveau après un cancer
-
Retour en Chine des pandas de Beauval
-
Binge-watcher, c’est bon pour ta santé ?
-
Des combattants expliquent le MMA
-
Reconnaissance de l'État palestinien : une victoire du Hamas ?
-
Vie affective et sexuelle : un formateur suspendu
-
Toy Story fête ses 30 ans
-
Frappée par la foudre, une fulgurée raconte son combat
-
Révélations : du pétrole dans notre beurre ?
-
Paris et Evreux fêtent le Ballon d'or
Lancez la conversation
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.