Une pénurie de main-d'œuvre dans le secteur aérien "comparable à celle qui frappe la restauration", estime un spécialiste du transport aérien
"Les aéroports essayent de mobiliser justement leurs fournisseurs, leurs sous-traitants pour essayer de convaincre un certain nombre de personnes de revenir travailler ou d'attirer de nouveaux profils", explique sur franceinfo Paul Chiambaretto, première chaire française dédiée à l'économie et au management du transport aérien.
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La compagnie aérienne allemande, Lufthansa, a annoncé jeudi 9 juin supprimer 900 vols en juillet à cause d'une pénurie de personnel frappant l'ensemble du secteur aérien européen. "La reprise du trafic est plus rapide qu'espérée et certaines compagnies ou certains aéroports ont été pris au dépourvu", réagit sur franceinfo Paul Chiambaretto, professeur à Montpellier Business School et directeur de la Chaire Pégase, la première chaire française dédiée à l'économie et au management du transport aérien. Il estime que cette pénurie de main-d'œuvre dans le secteur aérien est "comparable à celle qui frappe le secteur de la restauration". Avec la crise sanitaire, "certains personnels se sont rendus compte qu'elles avaient des possibilités dans d'autres secteurs, il est très difficile de les faire revenir", précise Paul Chiambaretto.
franceinfo : Une pénurie de main-d'œuvre frappe l'ensemble du secteur aérien. Comment en est-on arrivé là ?
Paul Chiambaretto : C'est la conjonction de plusieurs phénomènes. C'est à la fois le fait d'un certain nombre de licenciements ou de mises en chômage partiel [lors de la crise sanitaire] qui a permis à un certain nombre de salariés du secteur aérien de voir qu'ils avaient d'autres opportunités professionnelles dans d'autres secteurs. Et d'autre part, c'est parce que la reprise est plus rapide qu'espérée. Donc c'est plutôt positif pour le secteur. Mais le temps de réintégrer un certain nombre de salariés, ça prend du temps. Et il y a certaines compagnies ou certains des aéroports ont été un peu pris au dépourvu.
Sont concernées les compagnies classiques et les compagnies low-cost ?
En fait, les compagnies classiques comme les compagnies low-cost, ont dû se séparer via des systèmes de plans de départs volontaires, par exemple, d'un certain nombre de salariés. Alors, de manière générale, c'était surtout sur des fonctions support, des fonctions au sol. Mais un certain nombre de personnels navigants, que ce soit des pilotes ou des hôtesses et des stewards, ont quitté les rangs des compagnies aériennes traditionnelles ou low-cost. Et actuellement avec la reprise, on a du mal à récupérer ces nouveaux navigants. Et un des problèmes, c'est que finalement, pour les réintégrer dans les compagnies aériennes, pour embaucher de nouvelles personnes, les délais sont relativement longs, ne serait-ce que pour pouvoir les mettre au niveau des standards de la compagnie aérienne. Et finalement, quand bien même les embauches ont pu être déjà faites au cours des dernières semaines ou des derniers mois, ils ne sont pas forcément prêts pour cet été.
Cette pénurie de main-d'œuvre, est-ce un phénomène comparable à celui dans la restauration ?
C'est un phénomène qui est très, très proche de celui de la restauration et c'est quelque chose qu'on retrouve beaucoup plus sur les métiers aéroportuaires que sur les métiers des compagnies aériennes, avec tous les sous-traitants des aéroports qui ont des horaires souvent décalés le week-end par exemple, et pour des conditions salariales qui ne sont pas toujours très avantageuses. Finalement, ces personnes-là se sont rendu compte, lors de la crise qu'elles avaient des possibilités de carrière dans d'autres secteurs et finalement, il est très difficile d'arriver à les faire revenir travailler dans le secteur aéroportuaire. Et donc actuellement, les aéroports essayent de mobiliser justement leurs fournisseurs, leurs sous-traitants pour essayer de convaincre un certain nombre de personnes de revenir travailler ou d'attirer de nouveaux profils.
Entre la grève à Roissy, les complications chez les bagagistes au Royaume-Uni, en Italie aussi, cette grève touche toute l'Europe. Est-ce que ça veut dire qu'il y a des menaces sérieuses sur les vacances d'été ?
Alors je ne sais pas si on peut dire qu'il y a des menaces sur vos vacances d'été, mais disons qu'il faudra prendre un peu plus d'avance pour aller à l'aéroport, pour s'assurer qu'on sera capable de tenir les délais. Mais c'est vrai qu'actuellement, on est sur une reprise de l'ordre de 85 à 90% du trafic de l'année 2019 et parfois même plus que l'année 2019 pour certaines compagnies aériennes. Et c'est vrai que l'ensemble des acteurs ne sont pas toujours prêts parce qu'ils n'ont pas l'ensemble des salariés pour pouvoir répondre à ces demandes. On note aussi, par rapport à l'année 2021, une augmentation des tarifs qui peut être différenciée selon les marchés parce que tous les marchés ne sont pas encore ouverts. C'est le cas en Asie. On a encore du mal à avoir des vols internationaux vers ces destinations. En revanche, ce qu'on observe, c'est une hausse assez nette des tarifs, que ce soit à l'intérieur de l'Europe ou vers un certain nombre de destinations, comme les Etats-Unis.
Est-ce qu'on a des prévisions sur une reprise normale du trafic ? Et est-ce que les compagnies pourront assumer ce retour à la normale ?
Ce que nous a appris cette crise, c'est qu'il faut être modeste en matière de prévisions. Le consensus des experts du secteur, c'est de dire qu'on reviendra à l'échelle mondiale au niveau de 2019, à l'horizon de 2023, éventuellement 2024, en espérant qu'il n'y ait pas de nouvelles vagues. C'est plus facile pour une compagnie aérienne ou pour un aéroport de s'organiser à l'horizon 2024, ne serait-ce que dans son organisation, son recrutement. Ce sont des choses qui peuvent être mises en place sur un horizon de six mois, un an, deux ans sans trop de difficultés. En revanche, ce qui est compliqué pour elles, c'est d'arriver à faire face à la reprise immédiate. Et finalement, quand bien même une compagnie aérienne a intégré des personnels navigants ou des pilotes au cours des mois précédents, le processus d'adaptation aux spécificités de la compagnie aérienne font que parfois on a besoin de plusieurs mois et c'est ce qui explique les tensions actuelles. Mais tout ça devrait se résorber dans les prochains mois.
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