Festival d'Avignon 2025 : le public accuse réception de "La Lettre" de Milo Rau

Devant un public hilare et complice, les comédiens Arne De Tremerie et Olga Mouak donnent vie à la dernière œuvre du dramaturge et metteur en scène suisse qui entend redéfinir le théâtre populaire.

Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
Arne De Tremerie et Olga Mouak dans "La Lettre" de Milo Rau. (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)
Arne De Tremerie et Olga Mouak dans "La Lettre" de Milo Rau. (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)

Il rêve de jouer Constantin dans La Mouette d'Anton Tchekhov, elle, d'incarner Jeanne d'Arc et le dramaturge de créer "un manifeste sur ce que peut être le théâtre populaire aujourd'hui". Arne De Tremerie et Olga Mouak brillent dans La Lettre de Milo Rau au Festival d'Avignon. Les deux comédiens mêlent leurs histoires personnelles, familiales, dans une pièce qui crée, mercredi 9 juillet, une complicité immédiate avec le public.

Arne De Tremerie cherche à faire plaisir à sa grand-mère, star flamande de la radio avec son émission "Café culture", grande fan de Tchekhov, en voulant mettre en scène La Mouette. "C'est pour elle que je suis devenu acteur", dit-il en se moquant de son propre accent. Olga Mouak, elle, échoue à incarner la Pucelle d'Orléans. L'actrice, qui a grandi à Orléans, est de père camerounais et de mère réunionnaise. Sa grand-mère schizophrène est morte, brûlée chez elle au Cameroun.

Arne De Tremerie et Olga Mouak dans "La Lettre" de Milo Rau. (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)
Arne De Tremerie et Olga Mouak dans "La Lettre" de Milo Rau. (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)

Du théâtre dans le théâtre, les comédiens évoluent sans cesse dans des espaces imbriqués, un millefeuille croustillant de légèreté et d'épaisseur.

L'art et la vie se confondent sur un plateau dépouillé. Seuls un bureau et quelques chaises habitent le vide, un minimalisme assumé.

"Y a-t-il des socialistes dans la salle ?"

L'actuel patron du Festival de Vienne a toujours cherché la radicalité, en créant un théâtre du réel. La Lettre, une commande du Festival d'Avignon, se veut accessible à tous les publics et dans tous les espaces, pas seulement ceux dédiés au théâtre.

À travers les histoires familiales des deux artistes, Milo Rau nous embarque dans un voyage totalement saisissant. Les artistes sont acteurs et témoins. Le dramaturge construit une structure narrative étagée où la fiction se nourrit du réel.

Scène de "La Lettre" de Milo Rau. (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)
Scène de "La Lettre" de Milo Rau. (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)

Et le réel sonne à la porte plusieurs fois. Comme quand, au détour d'une conversation, Olga remarque que le Sud vote beaucoup extrême droite et demande s'il y a des socialistes dans la salle, déclenchant un grand rire parmi les spectateurs. Seules quelques mains timides se lèvent. Elle rassure sa mère, inquiète de la savoir à Avignon : "Il y a encore des socialistes, maman, j'en ai vu au moins deux."

La Lettre est une pièce-monde dans laquelle, plus d'une heure durant, les sujets actuels sont traités avec beaucoup de finesse et d'amour. À l'applaudimètre, le public a très bien reçu La Lettre. Et accuse réception avec une ovation debout de longues minutes.

La fiche 

Durée : 1h15

Texte et mise en scène : Milo Rau

Dramaturgie : Giacomo Bisordi

Distribution : Arne De Tremerie et Olga Mouak

Et les voix d'Anne Alvaro, Isabelle Huppert, Jocelyne Monier et Marijke Pinoy

Dates : jusqu'au 26 juillet 2025

Lieu : itinérant

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