"L'inspiration est une surprise dans le quotidien" : le questionnaire de Proust d'Arthur Cadre, le "Golden Voyageur" de la cérémonie des JO

Écrivains, musiciens, comédiens, danseurs, couturiers, cinéastes… Durant tout l'été, des artistes se livrent à ce jeu pour franceinfo Culture. Aujourd'hui, le danseur et chorégraphe Arthur Cadre.

Article rédigé par franceinfo Culture - Propos recueillis par Zoé Ayad
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 9min
Le danseur Arthur Cadre, lors de la cérémonie de clôture des Jeux olympiques où il interprète le "Golden Voyageur", le 11 août 2024, à Paris. (Gonzalo Fuentes / REUTERS)
Le danseur Arthur Cadre, lors de la cérémonie de clôture des Jeux olympiques où il interprète le "Golden Voyageur", le 11 août 2024, à Paris. (Gonzalo Fuentes / REUTERS)

Il était le fameux "Golden Voyageur" de la cérémonie de clôture des Jeux olympiques de Paris. Vous aurez reconnu le danseur Arthur Cadre, révélé en 2007, comme contorsionniste dans l'émission "La France a un incroyable talent". Depuis, il a voyagé à travers le monde et dansé sur les plus grandes scènes, lors du Super Bowl notamment.

Cette année, Arthur Cadre revient avec un nouveau spectacle qu'il chorégraphie, Le Rêve du gladiateur. Il présente dans les Arènes de Nîmes, du 8 au 15 août, cette création hors norme mêlant danse, théâtre, cirque et poésie portée par la compagnie Dragone.

Franceinfo Culture : Cet été, vous serez plutôt travail ou sieste ? En tournée, en studio ou en congés ?
Arthur Cadre : La tournée encore et toujours ! Je reviens tout juste d'un mois à Las Vegas et repars la semaine prochaine à Varsovie pour un tournage avec un ami pianiste de génie, Emilio Piano. Mais cet été, je mets le cap sur le sud de la France. Aux arènes de Nîmes précisément, où je mets en scène Le Rêve du gladiateur, une superproduction de grande envergure avec 200 artistes et figurants. Après ce marathon créatif, ce sera sieste sur une plage en Bretagne.

En vacances, vous préférez la montagne ou la plage ? Le nord ou le sud ?
Le silence des montagnes me parle autant que le bruit des vagues. Mais si je dois choisir, la plage. Grandir en Bretagne, c'est grandir avec la mer, elle m'a façonné. Il y a quelque chose du domaine de l'enfance, de la liberté, du souvenir et de l'insouciance face à la mer. Je trouve aussi que faire face à l'horizon, c'est déjà de la poésie.

Si un danseur (ou une danseuse) disparu(e) pouvait se réincarner, vous choisiriez de danser avec qui ?
Un seul ?! C'est presque cruel ! Mais allez, je dirais Loïe Fuller. Car elle a créé quelque chose qui va au-delà de la danse. Juste avec ce costume si iconique, elle a ouvert un nouveau champ des possibles pour la danse et les arts scéniques en général. J'aimerais autant danser que discuter avec elle pour faire émerger de nouvelles idées de performance en tout genre. Je me demande bien ce qu'on pourrait faire ensemble.

Vous préférez le travail en studio ou l'adrénaline de la scène ?
Le studio, c'est là où je me cherche. La scène, c'est là où je m'abandonne. Et j'ai besoin des deux pour exister. L'un est un travail perpétuel, parfois difficile, l'autre toujours une récompense. Ce que j'aime dans la scène, c'est cette intensité à vivre le moment, à créer une connexion unique avec le public. Dans un monde où l'on est constamment connecté, paradoxalement, on l'est de moins en moins en profondeur. La scène est peut-être l'un des derniers espaces où l'on est pleinement présent avec soi-même et avec les autres.

Quel est le spectacle de danse ou le danseur que vous n'avez jamais vu et rêveriez de voir ?
Un danseur : pas très original, mais probablement Rudolf Noureev. J'aurais adoré le voir sur scène. C'est toujours difficile de se faire une idée de son génie à travers des vidéos.

Votre meilleur souvenir de danseur ?
J'ai beaucoup de souvenirs inoubliables grâce à la danse. Elle m'a emmené aux quatre coins du monde, permis de rencontrer des gens passionnants, de découvrir des cultures inconnues. Je pourrais évidemment parler de la cérémonie de clôture des JO, de la Formule 1 à Abou Dabi ou du Super Bowl, mais je vais tenter d'en donner un récent. La semaine dernière, j'ai défilé pour Rick Owens (créateur américain) à la Fashion Week de Paris. C'était un moment assez fou où l'on était tous perchés sur des talons hauts défilant dans la fontaine du palais de Tokyo. Étant donné que je n'ai pas pour habitude de marcher en talons et encore moins juste derrière Rick Owens, c'était totalement inattendu et surprenant. Pour moi qui fuis la routine, c'était très excitant. C'est ça que j'aime avec la danse, elle me donne l'opportunité de me retrouver dans différentes industries, différents pays, différentes dynamiques.

Et votre pire cauchemar ?
La blessure. Je me souviens d'une tournée en Autriche en train de danser dans une église, un endroit magnifique. Une petite scène intimiste, j'étais seul sur scène. Durant la performance, j'ai entendu mon ligament du genou gauche craquer. Je lis dans le regard des gens du premier rang du public qu'ils ont également entendu ce son. Avec l'adrénaline, j'ai réussi à finir la performance, mais mon ligament venait de lâcher. Une douleur violente, six mois d'arrêt. Bref… que du kiff !

Si vous étiez un spectacle de danse, ce serait lequel et pourquoi ?
Si on parle de genre, je pense que je serais un mélange entre un opéra et un street show. D'un côté, il y a le savoir, la finesse artistique, le goût du grandiose. De l'autre, le contact direct avec le public, la rigueur brute de la rue et l'instinct de l'autodidacte.

Quelle musique, quelle phrase, quelle rencontre a bouleversé votre vie ?
Si je reste dans la francophonie, je dirais que Franco Dragone (co-créateur du Cirque du Soleil) m'a énormément appris. Sa vision, sa manière de raconter le monde sans mots, m'ont profondément marqué. J'ai aussi beaucoup d'admiration pour Jacques Attali, avec qui je développe actuellement un projet mêlant spectacle vivant et pensée. Et plus récemment, Thomas Jolly, qui m'a fait confiance pour la cérémonie des Jeux olympiques. Il m'a (re)propulsé sur la scène française et internationale avec une grande générosité.

Quels sont les personnages de l'art que vous avez détestés ?
J'admire parfois autant leur travail que je haïs leur personnalité. Je pense à des artistes brillants, mais aveuglés par leur propre image, Salvador Dali par exemple, génie indéniable, mais dont l'ego prend parfois toute la place. J'ai du mal avec ceux qui ont transformé l'art en culte de leur personne, au lieu de le laisser comme un espace ouvert, partagé, questionnant.

Le danseur Arthur Cadre. (ARTHUR CADRE)
Le danseur Arthur Cadre. (ARTHUR CADRE)

Et ceux qui vous ont toujours accompagné ?
Je pourrais en citer beaucoup, mais je vais me limiter à quelques-uns : la versatilité de David Bowie, les traits bruts d'Egon Schiele, l'intemporalité des films de Kubrick, le franc-parler réfléchi d'Eminem, la légèreté de la danse de Sylvie Guillem, le chaos lucide de Basquiat, la sombre poésie de Tim Burton, la simplicité de Yann Tiersen, le sens de l'humour silencieux de Jacques Tati, l'intelligence théâtrale de James Thierrée, la justesse de l'architecture de Louis Kahn, la viscéralité de Gustave Doré, la folie d'Alexander McQueen, et pour finir, Leonardo da Vinci.

Quel est le lieu où vous êtes chez vous ?
Un peu partout, mais vraiment nulle part. J'ai la chance de voyager environ 300 jours par année, ce qui parfois me donne la curieuse sensation d'être à la maison dans un aéroport ou à l'hôtel, car j'y retrouve mes marques. Mais au fond, je pense que chez soi, ce n'est pas un endroit, c'est un état. C'est quand je danse sans réfléchir, sans peur. Là, je suis à la maison.

Quel est le lieu qui vous inspire ?
Je crois que ce n'est pas tant le lieu qui m'inspire, mais la sensation qu'il laisse en moi. C'est quand l'espace me dépasse, quand je me sens petit ou vulnérable, que quelque chose s'ouvre. L'inspiration, c'est une surprise dans le quotidien. Elle peut naître d'une mélodie, d'un reflet, ou parfois même d'un regard.

Quelle est la question qui vous horripile ?
"..."

Et celle qu'on ne vous a jamais posée ?
"Pourquoi est-ce que tu fais tout ça ?"

"Le Rêve du gladiateur", un spectacle mis en scène par Arthur Cadre avec la compagnie Dragone, du 8 au 15 août dans les Arènes de Nîmes.

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