Vingt minutes d'ovation au Palais Garnier : l'étoile argentine Ludmila Pagliero fait ses adieux à l'Opéra de Paris

Entre rires et larmes, après vingt-deux ans passés au sein de l'institution, la danseuse a clos le premier chapitre de sa vie dans "Appartement" de Mats Ek, bien décidée à en ouvrir un nouveau.

Article rédigé par Valérie Gaget
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
L'étoile Ludmila Pagliero fait ses adieux à l'Opéra de Paris sur la scène du Palais Garnier, le 17 avril 2025. (AGATHE POUPENEY / OPERA NATIONAL DE PARIS)
L'étoile Ludmila Pagliero fait ses adieux à l'Opéra de Paris sur la scène du Palais Garnier, le 17 avril 2025. (AGATHE POUPENEY / OPERA NATIONAL DE PARIS)

Une pluie d'or et d'argent tombe sur la scène du Palais Garnier où Ludmila Pagliero prend son dernier bain d'étoile. Dans la belle salle rouge et or, le public est debout et l'ovation se prolonge pendant plus de 20 minutes. La petite Argentine, frêle comme une brindille, aura marqué l'histoire de l'Opéra de Paris pendant vingt-deux ans.

Virevoltant sur le grand plateau, les larmes aux yeux, elle savoure une dernière fois les bravos du public. L'étoile sourit en apercevant un drapeau argentin. Mains sur le cœur, elle envoie des baisers à sa famille et à ses amis venus en nombre pour partager ce moment fort.

Depuis des semaines, sur les réseaux sociaux, les hommages pleuvent également, saluant le parcours atypique de cette ballerine, née à Buenos Aires. La première étoile argentine de l'histoire de l'Opéra. Elle a choisi de raccrocher ses chaussons pointes à 41 ans, six mois avant l'âge officiel de la retraite, fixé à 42 ans pour les danseurs de la compagnie.

Sur Instagram, l'un de ses admirateurs a par exemple écrit, en espagnol et en lettres capitales, comme pour le crier : Lo mejor etoile del Opera de Paris y del mundo!!! Gracias Diva!!!! [La meilleure étoile de l'Opéra de Paris et du monde. Merci Diva].

Des adieux en deux actes

On pourrait parler d'adieux en deux actes. L'étoile a d'abord dansé, le 1er mars, son dernier ballet classique, Oneguine de John Cranko avec l'un de ses amis et partenaire préféré, Mathieu Ganio. Lui aussi prenait sa retraite. Quand son tour est venu, en le voyant sortir de la coulisse, elle est tombée à genoux avant de sauter dans ses bras, manifestement très touchée. Deuxième acte, le 17 avril, avec l'adieu à la danse contemporaine. Elle a choisi de partir avec Appartement, une pièce en forme de saga domestique, créée en 2000 par le suédois Mats Ek et présentée pour la troisième fois à l'Opéra de Paris.

Malgré ses exigences, parfois douloureuses pour le corps, il est l'un des chorégraphes avec qui elle a adoré travailler. Bien caché, le chorégraphe a attendu qu'elle ait embrassé, les uns après les autres, les prestigieux invités de la soirée avant de lui courir après sur scène. Surprise, elle ne l'a littéralement pas vu venir, comme le montrent les images publiées sur son compte Instagram.

Ludmila Pagliero nous avait accordé un long entretien en décembre 2024 dans lequel elle avait annoncé cette décision. La ballerine nous disait y réfléchir depuis la période du Covid et "suivre son instinct" qui lui murmurait que le moment était venu d'ouvrir un nouveau chapitre de sa vie palpitante.

Avec son bel accent, Ludmila dit "avoir envie d'autre chose". Son souhait est de "pouvoir transmettre", peut-être dans un poste de direction dans une compagnie. Elle a déjà suivi une formation dans le domaine de la gestion culturelle. Et sa dernière blessure, très douloureuse, a certainement joué un rôle dans sa décision.

Ses meilleurs souvenirs

Après sa nomination surprise au titre d'étoile en 2012, par Brigitte Lefèvre également présente hier soir, la ballerine a joué les plus grands rôles du répertoire. "J'ai adoré danser le ballet Don Quichotte, qui représentait bien mes origines latino-américaines, et j'ai aussi beaucoup aimé les ballets dramatiques comme Oneguine, Mayerling, L'Histoire de Manon, ceux qui nous prennent au cœur", raconte-t-elle.

Elle a aussi brillé dans les pièces contemporaines, adoré Mats Ek comme les créations de la Canadienne Crystal Pite. Pour son dernier soir, Ludmila a fait une entrée en scène inhabituelle, se glissant au sol sous le grand rideau rouge de l'Opéra. Les spectateurs, qui n'attendaient qu'elle, ont applaudi à tout rompre, couvrant la musique, avant de faire silence pour la laisser danser une dernière fois, un surprenant pas de deux avec... le bidet d'Appartement. En fin de soirée, elle utilisera cet accessoire pour y stocker ses bouquets !

Ludmila Pagliero dans "Appartement" de Mats Ek au Palais Garnier, avril 2025. (AGATHE POUPENEY / OPERA NATIONAL DE PARIS)
Ludmila Pagliero dans "Appartement" de Mats Ek au Palais Garnier, avril 2025. (AGATHE POUPENEY / OPERA NATIONAL DE PARIS)

On ressentait beaucoup d'émotion et d'affection sur la scène de l'Opéra de Paris où cette femme simple gardera de nombreux amis. Les applaudissements se sont même prolongés après le dernier baisser de rideau, quand elle s'est retrouvée seule parmi eux.

Ludmila Pagliero file, comme toutes les étoiles, mais elle scintille toujours dans la mémoire de ceux qui ont eu le bonheur de la voir sur scène.

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