Faut-il déboulonner les statues du passé ? La directrice de la Fondation pour la mémoire de l'esclavage préfère "l'explication" à la destruction
"Je crois que la chose doit être examinée au cas par cas, dans chaque territoire", a estimé Dominique Taffin.
Une statue de Christophe Colomb décapitée à Boston, une autre du roi Léopold II déboulonnée en Belgique, deux statues de Victor Schœlcher renversées en Martinique par des militants hostiles à l'héritage colonial… Ce genre d'actions se multiplient dans la foulée du mouvement antiraciste relancé aux États-Unis par la mort de George Floyd. Certaines associations, comme le Cran, (le Conseil représentatif des associations noires de France), appellent à déboulonner d'autres statues, comme celle de Colbert, auteur du Code noir, devant l'Assemblée nationale.
Invitée de franceinfo jeudi 11 juin, la directrice de la Fondation pour la mémoire de l'esclavage, Dominique Taffin, a estimé que ce travail d'"examen du passé" et de "réévaluation de ces personnages" devait se faire "au cas par cas, dans chaque territoire", mais que "l'explication" devait primer sur la destruction.
franceinfo : Faut-il faire le ménage dans nos statues, selon vous ?
Dominique Taffin : Ce qu'il faut faire aujourd'hui, c'est examiner la situation de ces monuments qui sont dans l'espace public, qui ont été érigés à un moment donné pour des raisons qui correspondaient à celles de l'époque à laquelle ils ont été érigés : une démarche de mémoire et de mise à l'honneur. Aujourd'hui, bien évidemment, l'histoire elle-même, qui examine le passé, réévalue le rôle de ces personnages. Je crois que la chose doit être examinée au cas par cas, dans chaque territoire. Le sens des monuments dans un espace comme à Paris, comme à Nantes, Bordeaux, ou en Outre-mer est différent. Il faudra que ce travail soit mené dans chaque territoire.
Prenons un cas concret, celui de Victor Schœlcher, dont des statues ont été déboulonnées il y a quelques semaines en Martinique. Pour vous, est-ce un contre-sens de s'attaquer à l'un des hommes qui ont permis l'abolition de l'esclavage en France ?
Oui, clairement, ce qui s'est passé, c'est qu'un mouvement s'est élevé contre Schœlcher et a mis cette action en œuvre avec une grosse dose d'ignorance de l'histoire, même de la dynamique de l'esclavage en Martinique. Il y a à Fort-de-France un autre monument, qui est un monument d'hommage au rôle des esclaves, qui se trouve dans un périmètre un peu plus éloigné. Le rôle de Schœlcher a focalisé finalement beaucoup de revendications qui sont des revendications contemporaines. Dans ce cas-là, à la Fondation pour la mémoire de l'esclavage, nous avons réagi pour dire que la destruction de cette statue n'était pas une solution. En revanche, on pouvait expliquer effectivement toutes les dimensions de l'action de Schœlcher.
Faut-il faire également ce travail d'explication dans le cinéma, comme le fait la plateforme américaine HBO Max qui a suspendu provisoirement la diffusion "Autant en emporte le vent", soupçonné de présenter l'esclavage sous un jour trop favorable, et qui va le remettre en ligne avec des explications pour les téléspectateurs ?
Oui, c'est important de faire ce travail, parce qu'aujourd'hui montrer en toile de fond un esclavage finalement très doux, très gentil, ça n'est évidemment plus possible.
Mais ne peut-on pas faire confiance à l'intelligence des téléspectateurs ?
Les téléspectateurs ne sont pas toujours informés. Ce n'est pas une question d'intelligence, c'est une question de savoir, d'avoir les connaissances. C'est aussi tout le travail de l'éducation. La Fondation pour la mémoire de l'esclavage a des propositions et travaille avec le ministère de l'Éducation nationale pour que, d'une part, dans les programmes scolaires où l'histoire de l'esclavage est enseignée, mais pas suffisamment, on mette l'accent là-dessus. Et pour que, d'autre part, dans la formation des professeurs, qui ont parfois du mal à expliquer ce qu'est le Code noir − car c'est une question qui reste très sensible − on les aide à traiter ces questions.
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