"Je fais parfois un cauchemar où je monte sur scène les fesses à l'air" : le questionnaire de Proust de Laurent de Wilde, pianiste, producteur et écrivain

Écrivains, chanteurs, comédiens, couturiers, danseurs, cinéastes… Durant tout l'été, des artistes se livrent à ce jeu pour franceinfo Culture. Aujourd'hui, Laurent de Wilde, musicien et compositeur gravitant entre jazz et électro.

Article rédigé par franceinfo Culture - Propos recueillis par Annie Yanbékian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 7min
Laurent de Wilde au piano dans les studios de la radio Fip, à Paris, en 2023. (ZOÉ CASAS)
Laurent de Wilde au piano dans les studios de la radio Fip, à Paris, en 2023. (ZOÉ CASAS)

Natif de Washington, le pianiste français Laurent de Wilde mène de front plusieurs activités. Outre la composition et ses projets en leader, en coleader (souvent en trio, mais aussi en duo avec Ray Lema) et en accompagnateur, il est aussi homme de radio (il a œuvré à TSF Jazz et Radio Classique), documentariste (sur Thelonious Monk, Charles Mingus), producteur pour des artistes comme Pierrick Pedron et Paul Lay sur le label Gazebo, écrivain, membre de la société de services aux artistes-interprètes Adami...

Côté musique, tout en étant féru de jazz, Laurent de Wilde, insatiable enthousiaste, a multiplié au fil du temps les incursions dans les musiques électroniques, un univers qu'il continue d'explorer notamment par le biais d'ouvrages comme Les Fous du son (Grasset, 2016) et une biographie de Robert Moog (avec l'auteur de BD Samplerman, éditions de la Philharmonie de Paris, 2023). Son dernier album en date, Life Is a Movie (Gazebo, 2023), a été réalisé à la suite d'une longue convalescence due à un grave accident de moto. Laurent de Wilde en jouera des plages à la mi-septembre au club parisien Sunside.

Franceinfo Culture : Cet été, avez-vous été plutôt travail ou sieste, tournée ou vacances ? Et si l'été était au travail, quel était-il ?
Laurent de Wilde : Peu de concerts cet été, donc d'abord plein de siestes, et puis le travail qui grignote peu à peu les journées... De l'écriture pour un livre autour de Pierre Gagnaire. J'ai aussi décortiqué le manuel d'une nouvelle drum machine [boîte à rythmes] pour un prochain projet électro, ça prend beaucoup de temps.

En vacances, êtes-vous montagne ou plage ? Nord ou sud ? Marche ou "lézardage" ?
J'aime bien les deux, en fait ! L'idéal de vacances pour moi, ce sont de longues nages, de longues promenades et de longues nuits. Un endroit qui me permet de profiter des trois, c'est le rêve !

Parlons création : êtes-vous du matin ou du soir ?
Je suis naturellement du soir, mais j'ai découvert récemment le matin, et ce n'est pas mal non plus – à condition de se lever très tôt, genre 5h30, et de manière naturelle. Je suis beaucoup moins productif si je suis tiré brutalement de mon sommeil ! On peut faire plein de trucs tranquillement quand tout le monde dort (comme la nuit d'ailleurs) et c'est beau, le jour qui se lève !

Quel est le disque que vous n'avez toujours pas écouté et qui manque à votre playlist ?
Un ami de mon fils m'a fait écouter une plage tirée d'un disque de Ray Baretto, et que ce dernier a réalisé en collaboration avec James Moody, ça s'appelle Trance Dance. La production était assurée par Jean-Jacques Pussiau et Daniel Richard, une petite merveille. C'est sans aucun doute le prochain sur ma liste !

Votre meilleur souvenir de musicien ?
Heureusement, il y en a plein. Je pense que quand on est jeune, on ressent les choses plus fort, car ce sont des premières fois. En fouillant dans mes souvenirs, remonte celui de mon enregistrement en trio avec le batteur Jack DeJohnette et le bassiste Ira Coleman avant l'enregistrement proprement dit, on a répété chez Jack et tout de suite la musique que j'avais mis des mois à écrire et imaginer tout seul dans mon coin s'est mise à vivre et à sonner, tout simplement grâce à l'expérience et la musicalité de ces deux musiciens exceptionnels, c'était… inexprimable.

Votre pire cauchemar de musicien ?
Pour répondre au pied de la lettre, je fais effectivement parfois un cauchemar où je monte sur scène les fesses à l'air ! J'avoue que cette confidence ne me coûte pas beaucoup : pour en avoir discuté à de nombreuses reprises avec mes consœurs et confrères, c'est un cauchemar très répandu dans la profession – mais j'espère ne jamais le vivre en vrai !

Il y a un cauchemar que j'ai vécu en vrai lors d'un concert dans un petit théâtre à l'italienne dont la scène était légèrement bombée vers la fosse d'orchestre. Dès les premières notes jouées sur un vénérable Steinway de concert de 2,74 m et de 500 kg, j'ai senti le piano descendre petit à petit vers la fosse : les techniciens avaient oublié de bien serrer les verrous sur les roues. Ça n'a duré que quelques secondes, je me suis levé en hâte pour bloquer l'instrument dans sa chute inexorable, puis resserrer les vis sous les rires solidaires !

Si vous vous réincarniez en disque, morceau de musique ou chanson, lequel serait-il ?
Alors, j'aimerais bien être Bitches Brew de Miles Davis, ça doit être une réincarnation dans laquelle on ne s'embête pas. [Ci-dessous, le titre éponyme de cet album mythique sorti en 1970]




Quel morceau, quelle pièce de musique, voire chanson ou phrase de chanson, vous bouleversent ?
Both Sides Now, chanté et enregistré par Joni Mitchell, dans la version qu'elle a mise en boîte en 1999 avec des arrangements pour cordes par Vince Mendoza, et dont elle a peint la pochette. C'est un autoportrait magnifique. Il y a dans cette chanson la condensation de toute une vie qui me bouleverse. Everything Must Change, chanté par Nina Simone dans son album Baltimore, ça me fait pleurer à chaque fois.




Un morceau, une pièce de musique, une chanson qui vous a toujours accompagné ?
You've Changed. J'adore ce morceau, les paroles, la mélodie, les accords. Je peux le jouer en valse, en 4/4, en tempo lent, rapide... À chaque variation de tempo ou de tonalité, cela donne quelque chose de nouveau. Je l'ai enregistré plusieurs fois sous des formes différentes et je continue de le jouer, en duo avec la saxophoniste Géraldine Laurent par exemple.




Quel est le lieu estival de rêve ?
Pour moi, celui lié à ma petite enfance en Algarve, sur la côte sud du Portugal. J'y ai passé toutes mes vacances d'été jusque très tard et j'aime y retourner régulièrement. L'odeur du fenouil ou de la figue m'y transporte immédiatement, merveilleux pouvoir imaginaire de l'odorat.

Quel est le lieu qui vous inspire pour écrire de la musique en été ?
N'importe où après un concert, seul devant un piano, mais c'est vrai pour toutes les saisons. Sinon, si on veut bien m'installer un piano sur une plage à Bali, je veux bien essayer !

Quelle est la question qui vous horripile ?
"Est-ce que le jazz est mort ?"

Et celle qu'on ne vous a jamais posée ?
"À quoi sert la musique ?"


Laurent de Wilde sera en concert en trio les 12 et 13 septembre à Paris, au Sunside, avec un programme naviguant entre Thelonious Monk, Ahmad Jamal et des extraits de son album Life Is a Movie. Laurent de Wilde au piano, Diego Imbert à la contrebasse et Donald Kontomanou à la batterie.

Retrouvez tous nos questionnaires de Proust de l'été 2025

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