: Interview Le fondateur de Ange, Christian Décamps, tire sa révérence à l'Olympia
"J'aime à dire qu'on n'est pas dans le format, on est plutôt dans le formol, et ça conserve !" Christian Décamps laisse la place à son fils Tristan au sein du groupe Ange après 55 ans de carrière, et nous a accordé un entretien avant ce final en apothéose.
Le groupe de rock français Ange est actuellement en tournée pour ses cinquante-cinq ans d'existence. Son fondateur historique Christian Décamps s'apprête à passer la main à son fils Tristan, et tirera sa révérence avec deux concerts à l'Olympia les 31 janvier et 1er février. Celui qui a été le leader charismatique de ce fleuron du rock progressif français a répondu à nos questions avec malice.
Franceinfo Culture : En 2020, vous nous disiez que vous souhaitiez que votre fils prenne la relève, et finalement, c'est ce qui arrive.
Christian Décamps : Oui, je fais deux derniers concerts, à l'Olympia, et ensuite Tristan va reprendre. Mais je continue, je fais toujours partie du groupe. Je suis comme un vieux conseiller, un vieux sage (rires). On va sortir un nouvel album ce printemps qui était prévu l'année dernière, mais qui n'a pas pu se faire pour des raisons techniques. Et je vais participer aussi au mixage et à tout ça... Puis mon fils prend la relève pour tout ce qui concerne les concerts, il va reconstruire des shows nouveaux à partir de septembre. Ils vont partir sur la route, mais sans moi, ça me fera des vacances... (rires)
C'est quelque chose qui s'est fait naturellement ?
Oui, on a eu des discussions, mais là, il a l'air déterminé et ça s'est bien passé finalement. C'est un peu la relève naturelle et générationnelle. Et comme il adore la musique, qu'il chante merveilleusement bien, et qu'il aime ce qu'a fait Ange jusqu'à maintenant, donc tout était réuni pour continuer la route.
Ce n'est pas forcément très courant dans le milieu de la musique ?
Je compare toujours ça à Peugeot ! Ange, c'est une marque puisque le nom est déposé à l'INPI... ça, c'est le côté moins poétique, mais c'est pour préserver le patrimoine. Et finalement, je transmets. Depuis que le père Peugeot a inventé sa première voiture, il y a bon nombre d'ouvriers qui ont traversé les usines et la marque perdure. Il y a toujours ce lion. Ange, c'est un peu pareil. Et comme mon fils et moi, on est nés sous le signe du lion...
C'est important pour vous de "faire passer" comme vous dites, le nom, la marque, le collectif avant les personnes ?
Oui, parce que le groupe s'appelle Ange, même si on est tous des personnes. C'est sûr que j'aurais aimé continuer avec mes premiers collaborateurs, parce que c'étaient des copains, et puis, ça n'a pas suivi. C'est toujours difficile, un groupe, ça change tout le temps. Et bon, comme je suis resté le fondateur et la capitaine du navire... je trouve que ce n'est pas pareil que quelqu'un comme par exemple Johnny Hallyday et son fils David. Il ne pourra pas le remplacer, mais il a un grand talent, je le souhaite pour lui, parce que c'est un charmant garçon, et je l'ai connu, il était tout petit, en 1972, l'année de naissance de mon fils Tristan. Il s'en est passé des années depuis, et ils en ont fait des albums, les Hallyday, et Ange aussi. Sauf que Ange, c'est une entité musicale qui voyage dans l'espace et dans le temps, qui se fiche du temps d'ailleurs, et qui paraît démodée, mais la mode, ça n'existe pas.
En parlant de mode, est-ce que vous avez senti un regain du rock progressif ces dernières années ?
On nous a collé cette étiquette de rock progressif. Oui, on est parti de là. En fait, on n'a pas d'étiquette. C'est vrai qu'il y a un regain. Mais les médias en général sur la planète ne privilégient pas cette forme de musique. Même en France, on a une chaîne qui est vraiment bien, qui s'appelle Culture Box, mais qui ne passe que ce qu'ils ont envie, et c'est pas du rock-prog. Pour l'intelligentsia parisianiste, c'est démodé, eux, ils ne vivent que par la mode et les tendances. J'aime à dire qu'on n'est pas dans le format, on est plutôt dans le formol, et ça conserve ! (rires).
En revanche, on sent bien que le public est toujours là.
Oui, c'est vrai. On a fait des festivals de rock-prog un peu partout dans le monde. On a joué au Mexique, en Russie, au Japon, partout. C'est vraiment une fourmilière qui se déploie un peu partout sur la planète pour aller voir ce genre de musique. On a eu le plaisir de faire en Pennsylvanie un festival avant Keith Emerson. C'était magnifique. Malheureusement, il s'est suicidé quelques années après.
Malgré cet engouement, vous préférez vous arrêter ?
Je préfère m'arrêter à l'aube de mes 80 ans et laisser le bébé à l'équipe actuelle. On a un clavier en plus qui s'appelle Séraphin Palmeri qui, lui, va faire beaucoup de claviers pour que Tristan puisse aussi agir en front line. Et puis voilà, l'histoire va continuer. J'espère que les gens, les bougons et intégristes du rock progressif des années du siècle dernier (rires) ne bouderont pas le fait que le groupe continue de cette façon et a changé. Mais comme disait Giscard, c'est le changement dans la continuité ! (rires)
Il y a toujours ce débat de savoir si les artistes doivent s'arrêter à un moment ou pas
Oui, j'ai une mobilité un peu réduite maintenant, j'ai eu un accident en 1974 sur scène, je me suis cassé les talons, et puis à l'époque, on m'avait prévenu que j'aurais des problèmes si je vivais longtemps... quand on arrive à 80, on attaque déjà la falaise… (rires). La mort ne me fait pas peur du tout, ce n'est pas le problème. Je ne veux pas souffrir. Et là, quand même, sur scène, j'ai de l'arthrite, etc. Je ne joue plus de guitare, je ne joue plus de clavier. À part chez moi, un peu. Mais je continue d'écrire. Je vais me remettre à écrire. J'avais laissé tomber un roman et je vais le remettre en route, et puis je vais continuer des choses comme ça. Je veux dire, les choses qui me plaisent de raconter et de donner en pâture aux plus offrants, c'est-à-dire au public.
Il y a 5 ans, parmi les grands souvenirs de votre carrière, vous m'aviez cité la tournée avec Johnny Hallyday en 1972 et l'album Au-delà du délire.
Ça fait partie des grands moments de Ange. Au-delà du délire, ça a été le déclenchement de quelque chose de fort, mais il y a d'autres albums comme Guet Apens dont on joue toute la face B vinyle, on la joue encore maintenant sur scène. Il y a des albums aussi des dernières années du groupe qui existe maintenant et on a fait vraiment des superbes choses récemment. C'est un ensemble, c'est un chemin et évidemment, comme toute chose, on pourrait dire qu'il y a un début et une fin... mais comme un ange est éternel, il n'y a pas de début et il n'y a pas de fin. Mais c'est une illusion, comme dirait Jean-Louis Aubert, c'est juste une illusion (rires). On continue dans l'illusion et dans le rêve. Et dans le rêve, il n'y a rien de concret. Mais il y a tout à jouir. Tout à jouir.
Ange se produira sur la scène de l'Olympia avec Christian Décamps les 31 janvier et 1er février. Puis le groupe reprendra la route à l'automne. Toutes les dates sont à retrouver ici.
Comme l'a redit Christian Décamps : "Ce groupe est éternel." Alors, vous avez encore toutes vos chances pour le voir en concert.
Toutes les infos sur le site officiel
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