Le photographe Sebastião Salgado met en images la musique de Villa-Lobos dirigée par Simone Menezes, ce soir à la Philharmonie de Paris
Parallèlement à la fabuleuse exposition "Amazônia" (jusqu'au 31 octobre 2021), Sebastião Salgado a mis en images une œuvre de Heitor Villa-Lobos présentée mardi 31 août à la Philharmonie de Paris, avec l'Orchestre de l'Opéra de Rouen et l'Orchestre régional de Normandie sous la direction de Simone Menezes. Rencontre.
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Des photos de Sebastião Salgado pour accompagner la musique de son illustre compatriote Heitor Villa-Lobos (1887-1959) : c'est le programme alléchant du concert Forêt d'Amazonie proposé mardi soir, 31 août, à la Philharmonie de Paris. Le spectacle s'inscrit dans le cadre des journées "Amazônia" prévues de longue date, reportées pour cause de Covid-19 et lancées avec panache samedi soir par Caetano Veloso, en écho à la grande exposition Salgado Amazônia qui s'achève fin octobre.
C'est la suite A Floresta do Amazonas ("la forêt d'Amazonie") de Villa-Lobos, œuvre de 1958, qui sera accompagnée d'une projection de photos de Sebastião Salgado. Auparavant, le public aura pu entendre en première partie une autre partition du compositeur brésilien, le prélude des Bachianas Brasileira n°4 (pièce écrite entre 1930 et 1941) et une œuvre de Philip Glass, Metamorphosis 1, extrait de Aguas da Amazonia (2006). Pour ce concert, l'Italo-brésilienne Simone Menezes dirigera l'Orchestre de l'Opéra de Rouen Normandie et l'Orchestre régional de Normandie, avec la soprano Camila Titinger comme soliste. Franceinfo Culture a rencontré le photographe et la cheffe d'orchestre.
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Franceinfo Culture : Comment est né le projet de la suite A Floresta do Amazonas de Villa-Lobos illustrée par vos photos ?
Sebastião Salgado : J'avais déjà utilisé certaines parties des Bachianas Brasileiras de Villa-Lobos dans une projection sur l'Amazonie. J'étais très motivé à l'idée de travailler avec sa musique sur notre projet sur l'Amazonie. L'idée d'utiliser cette merveilleuse suite est née à l'occasion d'une rencontre avec Emmanuel Hondré [directeur du département concerts et spectacles de la Philharmonie de Paris]. C'est une musique d'une dimension immense pour des projections de photographies. La salle de concert est tellement magnifique. On aura un écran spécial pour les photos, qui fait à peu près vingt mètres.
Comment se prépare une telle opération, comment s'articulent musique et photo ?
Sebastião Salgado :C'est une grande interrogation d'utiliser les photos avec la musique... Rarement, la longueur de la phrase musicale s'adapte à la longueur de présentation de l'image. Comme je fais beaucoup de projections, j'écoute énormément de musique afin de trouver des pièces qui s'adaptent à la photographie. Toutes les musiques ne s'y prêtent pas. La photographie ne doit pas porter préjudice à la musique. Et la musique ne doit pas écraser la photographie, elle doit être presque un fil conducteur. Ce rêve, il fallait qu'il se matérialise. Quand j'ai écouté la suite de Villa-Lobos, je me suis dit : ça fonctionne. Simone Menezes m'a fourni la musique. Emmanuel Hondré a décomposé la suite pour moi, elle est constituée de neuf parties. Et là, j'ai commencé à écouter chaque partie, plusieurs fois, pour voir quelles photos pourraient y être associées.
Qu'avez-vous découvert en écoutant ces différentes parties ?
Sebastião Salgado : Quelque chose de fantastique. J'ai réalisé que certains de ses tronçons étaient complètement féminins, au point où pas une seule photo masculine ne pouvait y être associée. J'ai imaginé alors une séquence féminine. Après, j'ai découvert d'autres tronçons de la suite qui étaient profondément masculins. La chasse... La conspiration... Ce sont les hommes qui la mènent. La musique de conspiration est
totalement masculine. Dans cet espace-là, il n'y avait pas de place pour une seule femme !
Avez-vous eu des difficultés à illustrer certaines séquences ?
Sebastião Salgado : Quand Villa-Lobos a composé cette pièce, on avait encore beaucoup de bateaux à voile en Amazonie, pour des longs trajets. Une partie de la suite est dédiée aux voiliers. Or, on n'en a plus aujourd'hui. Je n'ai jamais fait une seule photo de voilier en Amazonie ! Mais j'ai des nuages qui font des voiles. Toute cette partie qui parle des voiliers, je l'ai transformée en nuages, ça fonctionne parfaitement. Il y a aussi une partie qui parle de l'incendie de la forêt. Mais il ne s'agit pas là des hommes qui y mettent le feu. La forêt brûle par les grandes étincelles qui tombent. J'ai utilisé des photographies, qui sont actuellement exposées à la Philharmonie, et qui sont presque des éruptions volcaniques, des explosions atomiques.
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Si la musique inspire tant d'images, c'est peut-être parce que la partition a été écrite initialement pour un film (Vertes Demeures, 1959) ?
Simone Menezes : La pièce, qui était longue - une heure - et qui a été réduite à 45 minutes pour la présentation, a été composée effectivement pour un film. Mais à l'époque, Villa-Lobos, qui avait un certain âge, se fichait de ce que les gens pensaient, il a écrit la musique comme il le souhaitait ! Sa partition n'a pas "matché" pour le film, parce qu'elle était... trop vraie [la musique a été réécrite, remodelée pour le film, par Bronislau Kaper]. Puis elle a été un peu oubliée, restée en version manuscrite... Cela fait seulement cinq ans qu'une nouvelle édition est sortie. Depuis, les orchestres peuvent enfin programmer cette pièce à leur répertoire. Cela a donné l'occasion de redécouvrir cette musique. Le plus intéressant en regardant les images de Salgado, c'est qu'on a l'impression que la musique n'a pas été composée pour un film, mais écrite tout récemment !
Le projet a-t-il déjà été présenté au public ?
Simone Menezes : La toute première présentation a eu lieu à Rouen. Personne n'est resté indifférent, les gens avaient les larmes aux yeux... La musique de Villa-Lobos possède deux points très forts. Le premier, c'est le lyrisme, très profond. Il y a une nostalgie qui vient un peu de l'héritage du fado. Dans le même temps, il y a une complexité des rythmes, des superpositions, qui donnent l'idée d'une musique qui prend de l'espace, une musique de paysages comme la musique de Jean Sibelius. Avec la combinaison des images, on a vraiment cette sensation.
Les partitions de Villa-Lobos étaient-elles très écrites, détaillées ?
Simone Menezes : Villa-Lobos était une personnalité très intuitive... Il était capable d'écrire une musique très complexe avec une radio allumée, une chanteuse à côté, les chiens qui aboient... Et après, il ne révisait pas ce qu'il avait écrit. L'Académie brésilienne de musique a fait une réédition. Mais malgré cela, on a beaucoup travaillé sur la partition... On est sûr qu'après ce projet, cette musique va rentrer dans le répertoire symphonique.
Sebastião Salgado : C'est notre grand espoir. Parce que la musique de Villa-Lobos est très peu connue. On connaît les Bachianas et ça s'arrête presque là. En Europe, les grands artistes français ont eu la France derrière pour les promouvoir, les Allemands aussi... Le pauvre Villa-Lobos n'a eu personne derrière lui. Le Brésil ne l'a pas poussé. Il n'y a pas de politique culturelle. Pour nous, c'était une opportunité de présenter un autre aspect de Villa-Lobos. Une autre pièce fabuleuse est jouée dans une salle l'exposition Amazônia. Si on peut aider à la diffusion de Villa-Lobos, on sera très heureux.
Concert "Forêt d'Amazonie" à la Philharmonie
Mardi 31 août 2021, 20H30
(Précédé par une conférence à 19 heures, qui affiche complet)
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