Guillaume de Chassy explore le jazz symphonique
Dans son album "Traversées", le pianiste Guillaume de Chassy pulvérise les cloisons, parfois épaisses, qui séparent les univers du jazz et de la musique classique. Une expérience ambitieuse à découvrir sur scène le 14 janvier à Dijon avec l’Orchestre de Dijon Bourgogne, avant un concert en solo à Paris le 23 janvier. Le musicien explique sa démarche à Culturebox.
Un album dédié à Brigitte Engerer
En mars et avril 2013, Guillaume de Chassy a enregistré un Concerto pour piano avec l’Orchestre régional de Bourgogne, ainsi que des pièces pour piano, très intimistes, du compositeur catalan Frédéric Mompou (1893-1987). L’ensemble est paru en octobre dans un album intitulé "Traversées", sorti sur le label Bee Jazz. Le disque est dédié à Brigitte Engerer, grande pianiste classique disparue en 2012, avec laquelle Guillaume de Chassy avait travaillé durant quatre ans.
Son Concerto pour piano se présente comme une suite de cinq mouvements. Trois d’entre eux sont des compositions originales du pianiste, les deux autres étant des relectures ponctuées d’improvisations sur un morceau traditionnel bulgare et une sonate de Schubert (D537). Voilà pour la toile de fond. Concernant la forme, Guillaume de Chassy fait cohabiter composition classique, au centre de toutes les parties orchestrales, et improvisations jazz au piano. Voilà un concerto, aussi poétique qu'original, qui ne sera jamais similaire à chaque exécution. "Un jalon pour casser les murs entre les genres"
Guillaume de Chassy nous a expliqué le cheminement de "Traversées" lundi 6 janvier 2014...
- Culturebox : Comment avez-vous eu l’idée de combiner parties orchestrales écrites et improvisations au piano ?
- Guillaume de Chassy : Je n’ai fait que renouer avec une tradition qui a existé chez les compositeurs classiques. Jusqu’au XIXe siècle, il y avait toujours des parties improvisées dans les concertos pour piano, violon, violoncelle… Ça faisait partie du boulot du soliste ! J’ai trouvé intéressant de confronter mon expérience d’improvisateur, d’électron libre, avec le travail d’un orchestre dont la partie est bien écrite.
- Dans une vidéo consacrée à "Traversées", vous présentez votre concerto comme une "suite concertante", ce qui n’est pas la même chose dans le vocabulaire symphonique (sachant que les concertos comportent trois mouvements, et non cinq)…
- En réalité, il s’agit effectivement d’une suite. Dans l’esprit, cette œuvre est un véritable dialogue, dans lequel les temps de parole entre l’orchestre et le soliste sont répartis de manière équilibrée, alors que dans le concerto, le soliste a le premier rôle. Dans "Traversées", le piano et l’orchestre font jeu égal, c’est une conception démocratique !
- Les difficultés ne sont pas tellement apparues dans l’écriture, mais plutôt dans l’habitude toute nouvelle que les musiciens d’orchestre ont dû prendre d’entendre un soliste qui ne jouait jamais la même chose. C’est quelque chose qui les a déstabilisés. Une fois que cette difficulté a été surmontée, cet effet de surprise s’est avéré ludique. Ça leur a ouvert des portes. Certains ont d’ailleurs eu envie d’aller plus loin à la découverte de cette culture d’improvisation, qui existait auparavant dans la musique classique, et dont le flambeau avait été repris par les musiciens de jazz.
- Y a-t-il à votre connaissance des précédents dans ce genre d’expérience ?
- Par le passé, pas mal de tentatives ont été faites d’associer une petite formation de jazz à un orchestre classique. Je pense au pianiste Bill Evans. Mais je ne trouve pas personnellement que l’association entre une section rythmique jazz et un orchestre était "biocompatible", et que la greffe ait forcément bien pris… Mais qu’un piano solo improvise sur tout un concerto, avec un orchestre classique, ça ne s’est jamais fait.
- Votre ressenti de l’improvisation dans un contexte orchestral est-il très différent de celui que l’on expérimente au sein d’une formation jazz ?
- Ça requiert de ma part beaucoup plus de souplesse et une oreille très affûtée pour isoler, dans l’orchestre, les instruments avec lesquels je dois dialoguer, qu’il s’agisse d’un violon, d’un basson… Ça réclame une écoute très fine, une plus grande vigilance, une délicatesse pas souvent présente dans le jazz. On avance davantage sur des œufs, et le pianiste doit être très attentif aux nuances afin de bien se fondre dans l’orchestre. - Pourquoi avoir associé, dans votre album, votre concerto à des pièces de Mompou, qui plus est sans les soumettre au même exercice d’improvisation ?
- Avec Frédéric Mompou, il y a une démarche très personnelle, intime. Ce compositeur a eu beaucoup d’influence sur moi, dans ma façon d’aborder la musique. Du coup, il existe un lien entre sa musique et la mienne. J’attendais l’occasion de lui rendre un hommage littéral, avec ma sensibilité, ma culture jazz, sans éprouver le besoin d’y associer une pratique d’improvisation.
- Après Dijon, le concerto a-t-il des chances d’être joué dans d’autres villes ?
- J’espère bien reprendre le concerto avec d’autres orchestres. Je l’ai déjà joué l’été dernier avec l’Orchestre symphonique de Tours, au festival de l’abbaye de Noirlac. Ça m’intéresse d’ouvrir des orchestres à ce type de répertoire, cette pratique, cette ouverture stylistique.
- Le fait de rapprocher des genres musicaux différents semble être un important cheval de bataille à vos yeux…
- C’est en effet une autre démarche personnelle que j’ai entreprise depuis un certain temps. Ce concerto constitue un jalon important dans ma vaste entreprise de décloisonnement entre les styles ! Même si le terme est un peu guerrier, il est important de casser les murs entre les genres. Nous vivons dans un pays qui aime les étiquettes, or celles-ci n’ont pas lieu d’être, comme le prouve le travail sur ce concerto qui a abouti à un résultat qui me semble cohérent. Pour moi, c’est un premier aboutissement, et j’ai le sentiment d’avoir atteint quelque chose après des années de réflexion, de mûrissement. C’est le début d’une autre ère…
(Propos recueillis par A.Y.)
En concert à Dijon le mardi 14 janvier 2014, 20H
La Vapeur
Guillaume de Chassy, Orchestre Dijon Bourgogne, sous la direction de Jean-Christophe Cholet
« Traversées »
Concerto pour piano improvisé et orchestre
Les infos ici
En concert à Paris le jeudi 23 janvier 2014, 19H30
Café de la Danse
Soirée piano solo avec Guillaume de Chassy et Alexandre Saada
Les infos et réservations ici
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