Interview "Le diamant de synthèse, créé en laboratoire, est une véritable révolution dans le monde de la joaillerie" : la maison Persta travaille pierres naturelles et de synthèse

Les maisons de joaillerie jonglent désormais entre diamant naturel forgé par des milliards d'années au plus profond de la terre et diamant de synthèse fabriqué en laboratoire.

Article rédigé par Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 12min
Création joaillière Persta, 2025. (PERSTA)
Création joaillière Persta, 2025. (PERSTA)

Fondée en 2017 par Guilhem et Olivier Bourlard Faivre d’Arcier, Persta combine savoir-faire traditionnel à l’élégance d’un design contemporain. Guilhem est le directeur artistique en communication visuelle, son frère jumeau Olivier - diplômé de la Haute École de Joaillerie de Paris - a été façonnier au sein de l’atelier de Boucheron.

Les co-directeurs créatifs proposent des bijoux intemporels, susceptibles d’être transmis de génération en génération. Dans leur boutique atelier de la rue Sainte-Anastase, dans le Marais à Paris, les trentenaires imaginent, dessinent et fabriquent leurs collections artisanalement à partir d’or certifié durable et recyclé et de diamants naturels et de synthèse, tout en revendiquant un ancrage local pour limiter l’empreinte carbone de leurs activités. Rencontre avec deux passionnés.

Guilhem et Olivier Bourlard Faivre d’Arcier, les deux fondateurs de la maison de joaillerie Persta (PERSTA)
Guilhem et Olivier Bourlard Faivre d’Arcier, les deux fondateurs de la maison de joaillerie Persta (PERSTA)

Franceinfo culture : aujourd'hui, le diamant naturel côtoie celui de synthèse. Pourquoi travaillez-vous avec les deux ?
Guilhem et Olivier Bourlard Faivre d’Arcier : beaucoup de joailliers travaillent soit le diamant naturel, soit le diamant de synthèse mais nous sommes un peu uniques, nous utilisons les deux. Soucieux de proposer des alternatives éthiques et durables, nous travaillons nos collections avec des diamants de synthèse mais nous comprenons l'attachement que certains peuvent avoir pour les diamants naturels et nous répondons à cette demande même si sur notre site on ne propose que des diamants de synthèse. Notre rôle sera toujours d’éclairer le consommateur pour qu’il puisse faire son choix final en toute connaissance.

Tous les diamants sont certifiés par les laboratoires indépendants du GIA (Gemological Institute of America pour les diamants naturels), HRD Antwerp ou IGI (International Gemological Institute pour les diamants de synthèse) dès qu'ils dépassent 0,3 carat. Même si à la fin des années 1990 le processus de Kimberley a mis un terme au commerce des diamants du sang, en garantissant que ces diamants soient hors conflit, cela reste un marché obscur.

Quelles sont les différences entre diamants naturels et de synthèse ? 
Nous vivons une époque où le luxe se réinvente où l'éthique et la durabilité prennent les devants de la scène. Le diamant de synthèse, créé en laboratoire, est une véritable révolution dans le monde de la joaillerie. Il est identique à un diamant naturel sur le plan physique, chimique et optique. Sur la pierre elle-même, il n’y a aucune différence, c’est exactement la même structure, du carbone. Diamants naturels comme ceux de synthèse peuvent avoir des occlusions à l’intérieur et aussi des couleurs différentes.

Quelles sont les méthodes de fabrication du diamant de synthèse ?
La différence réside dans son mode de formation : au lieu de se former naturellement dans les profondeurs de la Terre pendant des milliards d'années comme le diamant naturel, celui de synthèse est créé en laboratoire dans des conditions contrôlées, réduisant ainsi son impact environnemental et améliorant les conditions de travail. Il est créé à partir de carbone pur en recréant les conditions extrêmes (température et pression) présentes au cœur de la Terre. Chaque diamant est unique, fruit d'un processus alliant la précision de la science et la magie de la nature.

La création s'appuie sur deux procédés : la méthode HPHT (Haute Pression, Haute Température) - qui existe depuis les années 70 - et consiste à placer un minuscule diamant dans une presse et à le soumettre à des pressions extrêmes (plusieurs dizaines de giga pascals) et à des températures élevées (1 500°C) reproduisant ainsi les conditions de formation des diamants naturels. La méthode CVD (Chemical Vapor Deposition) - qui existe depuis les années 90 - utilise un dépôt chimique en phase vapeur dans une atmosphère de basse pression et riche en hydrogène. Les atomes de carbone se déposent alors sur un substrat, formant progressivement un cristal de diamant. Cette méthode demande moins d'énergie.

Nous utilisons ces deux méthodes qui aboutissent à la création de diamants aux propriétés identiques à ceux issus des mines.

Si l'on reproche encore aujourd'hui au diamant naturel son manque d'éthique, ne peut-on pas reprocher au diamant de synthèse d'être énergivore ?
Exactement, dans les deux cas, il n’y a aucune solution qui soit toute rose : ce n’est pas un monde de bisounours où il y a la solution ultime. Les mines utilisent énormément d’eau, polluent beaucoup et cela fait des ravages sur le plan écologique. Par ailleurs, en Afrique près d'un grand gisement, il y a souvent de petits gisements tout proche où les enfants travaillent et où aucune règle des droits de l’Homme n'est respectée. Les diamants qui en sont extraits sont rachetés, ensuite, par les gros gisements qui veulent encore contrôler le prix du diamant naturel.

Le diamant de synthèse demande de l’énergie mais de plus en plus de laboratoires utilisent de l’énergie verte surtout en Europe. Moins en Inde où le charbon reste leur première puissance énergétique et là ce n’est pas vraiment écologique ! Beaucoup de diamants sont faits en Belgique et aux Etats-Unis ou ils commencent à proposer des énergies vertes mais il n’y a aucune vraie solution, zéro carbone, neutre.

C’est la traçabilité qui est importante dans le diamant de labo. Au niveau de la qualité c’est pareil, il y a plusieurs puretés et plusieurs couleurs différentes. Avec les diamants de synthèse, on peut avoir des diamants bleu, vert, jaune et rose que l'on trouve très rarement dans la nature - à l'exception du plus connu, le diamant bleu le Hope évoqué dans le film Titanic. Ce sont des pierres qui valent des fortunes et sont très très rares dans la nature. Nos clients peuvent prendre des pierres beaucoup plus belles en diamants de laboratoire, étant donné que les prix sont moins élevés, cela permet d’acheter un diamant top qualité à un prix qui est encore en dessous d’un diamant de moyenne qualité naturelle. On est un peu plus de deux fois moins cher sur le diamant de synthèse pour une qualité meilleure.

Quels sont les avantages du diamant de synthèse ?
Il y en a plusieurs : l'éthique irréprochable puisqu'il n'est associé à aucun conflit armé, à aucune exploitation minière et respecte les droits de l'Homme. Comme je le disais aussi le respect de l'environnement puisque sa production a un impact environnemental minime, réduisant considérablement l'empreinte carbone de l'industrie joaillière ; sa traçabilité de sa création à votre doigt, garantissant son origine et sa qualité ; des exigences de qualité - diamants de pureté interne parfaite et de couleur blanche la plus élevée - et, enfin, un prix plus accessible puisqu'on élimine les intermédiaires et les coûts liés à l'extraction.

Un diamant cultivé en laboratoire a une structure cristalline identique à celle d'un diamant naturel. Un expert peut-il déceler la différence ?
Oui, mais même un diamantaire ne peut pas faire la différence à l’œil nu : le seul moyen de les différencier, c’est d’utiliser une machine spécifique qui va calculer le taux d’azote du diamant.

Peut-on avoir des diamants de synthèse aussi gros que des diamants naturels et obtenir les 4 C (la taille (Cut), la pureté (Clarity), la teinte (Colour) et le poids (Carat) ?
Oui, on peut avoir la même pureté, la même couleur, le même carat. On peut tout obtenir avec le diamant de synthèse.

Naturels ou de synthèse, d'où proviennent les diamants ?
Le marché mondial du diamant naturel est alimenté par une diversité de sources. L'Afrique du Sud, le Botswana, le Canada et la Russie sont les principaux producteurs, chacun offrant des diamants aux caractéristiques uniques qui répondent à une demande variée en termes de qualité et de taille. Le Botswana est la plus grosse mine de diamants naturels. La Russie est un est plus gros exportateurs de diamants dans le monde même s'il y a un embargo avec l’Europe et les USA depuis le 1er janvier 2024. Elle arrive quand même à vendre en passant par Dubaï et leurs diamants arrivent chez nous.

L'industrie des diamants de synthèse est florissante dans plusieurs pays, notamment en Inde - historiquement l'endroit où l'on taille les diamants et les pierres précieuses -, aux États-Unis, au Canada, en Belgique, aux Pays-Bas et, plus récemment, en Suisse. Cette répartition géographique témoigne de l'intérêt mondial croissant pour cette nouvelle forme de joaillerie.

Préoccupé par la qualité et la traçabilité, vous avez opté pour de l'or 18 carats recyclé.
Quand on a ouvert notre maison, il y a presque 8 ans, c'était assez rare. On travaillait avec des fondeurs à Paris et on a mis presque un an à mettre cela en place avec eux car on voulait vraiment utiliser de l'or recyclé. Aujourd'hui beaucoup de marques le font car les fondeurs parisiens s'y sont mis. Nous utilisons de l'or recyclé certifié RJC-COC et Origine France Garantie. Cette certification garantit l'origine de l'or, son caractère recyclé et le respect des normes sociales et environnementales les plus exigeantes. Cet or recyclé est repassé en 24 carats, puis réaffiné et retraité pour obtenir du 18 carats pur à 100%.

Grâce à notre partenariat avec un fondeur parisien, soucieux, comme nous, d'un avenir plus durable, nous proposons un or 100% recyclé, issu d'anciens bijoux de famille et de déchets industriels. Ce choix permet de réduire notre empreinte écologique en limitant l'extraction minière et en favorisant une économie circulaire. L'or est un métal noble qui peut être recyclé indéfiniment sans altération de ses propriétés : ce qui en fait une ressource précieuse et durable. C'est une valeur refuge, surtout aujourd'hui, puisque son prix explose.

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C’est quoi l’or 18 carats (terme anglais) ou 750 millièmes (terme français) ?
L’or pur est à 24 carats mais l’or pur à 99,99% est trop fragile pour être utilisé seul. C’est pour cette raison que la joaillerie et la haute joaillerie optent pour un alliage. Quand on parle d'or 750 millième ou 18 carats, cela signifie que 75% de ce bijou est en or pur. Le reste est composé d'autres métaux (argent, cuivre, palladium) pour le rendre plus solide et lui donner sa couleur - or jaune, rose et blanc.

Outre vos propres créations, vous proposez du sur-mesure ?
Oui, cela permet de créer des pièces uniques, des projets spéciaux, de transformer des bijoux de famille en réutilisant des pierres précieuses naturelles ou en utilisant des pierres de synthèse. On fait beaucoup de personnalisations pour que le client puisse tout choisir de A à Z. Pour qu'il se sente vraiment impliqué, on discute de ce qu'il veut et je fais quelques croquis. Une fois les dessins validés, je réalise une maquette en cire pour voir les volumes et les formes. Le client vient l'essayer et une fois validé, on la fond en or grâce à la technique de fonte à cire perdue, utilisée depuis l'Antiquité. Le client choisi la couleur de l'or, les pierres - je peux proposer des rubis chauffés, non chauffés, des saphirs traités, non traités, tout dépend des prix.

La boutique Persta dans le Marais à Paris. (PERSTA)
La boutique Persta dans le Marais à Paris. (PERSTA)

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