Salman Rushdie poignardé : "Une fatwa, une fois lancée, personne ne peut plus jamais la retirer"
L'écrivaine et journaliste, d'origine iranienne, Abnousse Shalmani considère Salman Rushdie comme "l'un des plus grands écrivains vivants du réalisme magique, avec Gabriel Garcia Marquez".
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"Ma première réaction est d'être bouleversée et de pleurer", réagit Abnousse Shalmani, écrivaine, journaliste et réalisatrice, invitée samedi 13 août sur franceinfo concernant l'agression de l'écrivain Salman Rushdie. L'auteur des Versets sataniques est hospitalisé sous respirateur après avoir été poignardé alors qu'il s'apprêtait à donner une conférence dans l'Etat de New-York. Il faisait l'objet d'une fatwa lancée en 1989 par l'ayatollah Khomeini.
franceinfo : L'écrivain était la cible d'une fatwa lancée en 1989 par l'ayatollah Khomeini, est-ce que c'était inévitable ?
Abnousse Shalmani : En 1989, quand l'Ayatollah Khomeini a lancé la fatwa, il était en perte de vitesse. C'était une manière de rassembler tout le monde arabo-musulman derrière lui. On peut considérer que cela a marché puisque, très rapidement, du Pakistan à l'Inde, en passant par l'Iran, les livres des Versets sataniques ont été brûlés. On a assisté à des autodafés partout, au Maghreb, en Syrie, au Liban.
Ensuite l'Iran, du bout des lèvres, a annoncé en 1998 que ce serait bien d'éviter de tuer Salman Rushdie, mais le problème d'une fatwa, c'est qu'à partir du moment où elle est lancée, personne ne peut plus jamais la retirer. L'agresseur présumé de Salman Rushdie est un chiite libanais, un adorateur de Khomeini et à la vue de ses pages sur les réseaux sociaux, c'est quelqu'un qui n'a pas oublié cette fatwa.
C'est le problème avec l'obscurantisme, il a la dent dure, il s'attache aux hommes et finit par provoquer des morts.
Abnousse Shalmanià franceinfo
Vous dites qu'il y a un malentendu sur son chef d'œuvre ?
Seulement un tiers du roman concerne un prophète qui s'appelle Mahmoud et où sont repris les versets sataniques qui apparaissent dans le Coran. Au moment de la Révélation, Mahmoud va voir l'ange Gabriel qui lui dit qu'il faut vivre en bonne entente avec les autres religions polythéistes. Mais quand Mahmoud descend de sa montagne, il se rend compte que l'ange Gabriel était en fait Satan déguisé. Gabriel explique alors qu'il n'y a qu'une foi et qu'il faut convertir tout le monde.
Salman Rushdie imagine alors ce qu'il se serait passé si l'ange Gabriel n'était jamais revenu, si c'était Satan qui avait pris sa place et si le Coran était composé de versets sataniques. C'est un travail d'imaginaire. Il se relie ainsi à une tradition islamique de l'ijtihad, la tradition de l'interprétation personnelle. L'ijtihad a été remis en question entre le XIe et le XIIIe siècle. Ça a été la fin de la pensée critique. C'est à ce moment-là que le monde arabo-musulman a commencé à se fermer. Salman Rushdie rouvre l'interprétation personnelle. Il se replace dans une tradition islamique qui est la tradition des "et si".
Il se rapproche de ce qu'est le roman, de ce qu'est la littérature, de ce qu'est l'interprétation personnelle, la liberté de l'homme.
"Si ça avait été un livre blasphématoire, il aurait fallu le défendre avec la même force, mais le problème avec l'inculture et l'approximation, c'est que ça nourrit le monstre de l'obscurantisme islamiste. "
Abnousse Shalmanià franceinfo
Que faire pour lutter contre l'obscurantisme ?
On ouvre les Versets sataniques, ne serait-ce que pour remarquer que les deux tiers du roman concernent l'immigration. C'est certainement le plus beau roman sur l'immigration, sur la difficulté de regarder l'autre et de se projeter dans l'autre. On lit pour se rendre compte qu'il est certainement le plus grand humaniste qui existe.
Réécoutez l'intégralité de l'interview d'Abnousse Shalmani au micro de Maureen Suignard ci-dessous.
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