Une vie à soi, de Laurence Tardieu: l'effet boomerang d'une expo de Diane Arbus
Une exposition de photos de Diane Arbus crée un choc chez Laurence Tardieu. Issue, comme la photographe, d'un milieu aisé, elle a, comme l'artiste américaine, tout sacrifié à sa vocation. Réflexion artistique et fragments autobiographiques s'entrelacent dans ce beau récit mélancolique, qui plaira aux fidèles de la romancière.
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Dans le jardin des Tuileries où elle se rendait enfant, la narratrice découvre au musée du Jeu de Paume une exposition consacrée à la photographe Diane Arbus.
Vue à l'aube de la quarantaine, "quand tout s'effritait en elle", cette expo est un choc pour l'écrivain, qui se découvre d'étranges similitudes avec l'artiste américaine : une enfance dorée, un divorce à 36 ans avec le père de ses deux filles, l'intransigeance sur sa vocation.
Lui revient à la mémoire cette enfance de petite fille riche ayant appartenu, comme la photographe, "au cercle très fermé des privilégiés". "La fortune familiale m'a toujours paru humiliante", racontait Diane Arbus (...). Ce mot "honte", analyse la romancière, fait exploser "les parois de verre entre lesquelles était enfermée mon enfance".
Il lui rend le souvenir vivace du bel appartement de sa jeunesse, avenue d'Eylau, dans ce XVIe arrondissement où sa mère, avant de mourir d'une tumeur du cerveau, fut ostracisée par ses anciennes amies. Bannie parce que son mari, un des dirigeants de l'ex-Compagnie générale des eaux, fut condamné à la prison pour une affaire de corruption (il a été accusé, rapporte Le Nouvel Observateur, d'avoir versé un pot-de-vin à la mairie socialiste de Saint-Denis de La Réunion pour obtenir le marché de l'eau. ).
La romancière se rémémore encore l'école privée catholique ou les "filles de concierge" devaient faire face aux moqueries, au mépris, au dédain des autres. Et se rappelle sa lâcheté : avoir laissé faire malgré "une sensation visqueuse dans le ventre".
"N'aie pas peur. Un écrivain a tous les droits".
Faut-il voir dans ce recul, cette culpabilité enfin nommée, la naissance d'une vocation ? Comme Diane Arbus, Laurence Tardieu affirme avoir tout sacrifié à son art.
L'écrivain a refusé, après ses études dans une école de commerce, une carrière bien payée pour se lancer dans l'écriture. A 22 ans, concours passé et diplôme obtenu, elle annonce à son père vouloir écrire. Et rien d'autre. Et le père, haut cadre dirigeant, à sa surprise, accepte : "Tu veux vraiment écrire ? Alors, fais-le maintenant, autrement, tu le regretteras toute ta vie".(...) Vingt ans après, j'entends encore les mots d'amour de mon père."
Dans la petite chambre où elle vit, elle va tenter "d'aller à la recherche de sa propre voix" pour "l'extraire" hors d'elle et la "porter au dehors" : en faire un livre."
Quand elle doute, son ancien éditeur, Jean-Marc Roberts (décédé en mars 2013) lui donne la recette, très simple, pour finir un livre. "Tu continues page après page et tu le finis, d'accord ? C'est pas plus compliqué que ça : page après page". Le même lui avait confié : "N'aie pas peur. Un écrivain a tous les droits". Quitte à fâcher sa famille, elle va donc revenir, dans un de ses romans, sur la mort de sa mère et la peine de prison "infamante" de ce père adoré.
Quel est le sens de ce livre-ci ? Un point d'étape, de milieu de vie. Une portrait de soi dans le miroir de Diane Arbus. Une introspection bercée par l'irremplaçable musique de Laurence Tardieu, cette façon de dire des choses très fortes, avec des mots très doux. Persuasive sans fracas. Question d'éducation. Et de style.
Une vie à soi Laurence Tardieu (Flammarion, 18 euros)
Extrait :
Nous sommes en janvier 2012. Une nouvelle année commence. Ma mère est morte depuis douze ans. J'ai publié sept livres. Mon père s'est violemment emporté lors de la parution de mon dernier livre. L'appartement a été vendu. Le salon jaune n'existe plus. IL n'existe plus que dans ma mémoire, déformé, immense, plus jaune encore.
Comme ma mère n'existe plus que dans ma mémoire, déformée, plus mère encore.
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