"Vernon Subutex 3" : Despentes projette un 3e millénaire crépusculaire sauvé par le rock et la danse
Viriginie Despentes conclut sa trilogie "Vernon Subutex" (Grasset) avec un 3e opus plus dark que jamais. On y retrouve Vernon, le disquaire gourou qui avait agrégé autour de lui et de sa musique une petite communauté joyeuse et pacifique. La bande poursuit un temps son rêve de communion fraternelle avant de se prendre en pleine tête la barbarie, la violence et le terrorisme. Le lecteur est sonné.
Dans ce troisième opus, Vernon, le disquaire aux mains d'or, Kiko le trader cocaïnomane, La Hyène, Olga, Pamela… Le noyau de la bande a quitté Paris et s'est organisé en communauté itinérante. Leur vie est rythmée par les "convergences", ces rassemblements dans la cambrousse où des gens "de l'extérieur" les rejoignent pour danser aux sons de Vernon. Quand on arrive là, on coupe tout. C'est la règle : portable interdit. Il se passe des choses pendant ces nuits de transes que personne ne peut ni ne veut vraiment expliquer. "Une confusion douce, lumineuse, qui donne envie de prendre son temps et de garder le silence. Les épidermes perdent leurs frontières, chacun devient le corps des autres, c'est une intimité étendue". Tout ça sans drogue.
L'aura de Vernon s'en trouve élargie. "Il sent les regards dans son dos, une attente s'entortille autour de sa colonne". On attend de lui des miracles. Il se contente de rester lui-même : sans objectif, sans ambition si ce n'est continuer à vivre cette nouvelle vie de bohème, de campements en campements, rythmée par les convergences, les filles toujours à ses pieds. Un tel bonheur, il n'a jamais connu, et "il ne veut pas que ça s'arrête"…
Premières crevasses
La première fissure se dessine dans le creux d'une rage de dents, qui oblige Vernon à rentrer à Paris. Un détour pour prendre des nouvelles de Charles, rencontré aux Buttes-Chaumont dans le tome 2 et c'est la Véro, sa compagne alcoolique, qui lui annonce la nouvelle : Charles est mort. Elle lui avoue aussi que Charles a laissé un gros magot. Le gros lot, gagné autrefois, jamais entamé. Il a demandé à sa compagne dans un testament de partager l'argent avec la bande de Vernon. Première entaille dans la belle vie de Vernon et de son groupe, qui explose, après l'annonce de cet héritage inattendu.C'est à ce moment-là que la violence décide de frapper, par la main de Laurent Dopalet, qui n'a pas renoncé à se venger, mais aussi et surtout avec le surgissement de ce côté-ci du monde du terrorisme : le Bataclan, Orlando, comme des événements annonciateurs du chaos à venir.
Un final explosif
On ressent un plaisir immédiat à retrouver l'univers et les personnages de cette saga, un peu comme un addict de séries dévorant sa saison 3 après l'avoir attendue fébrilement pendant des mois. Joie de retrouver les personnages auxquels on s'est attaché (même les méchants). Joie de retrouver, intactes, les colères de Despentes, les phrases qui claquent et les formules si bien trouvées pour décrire un décor, un personnage, une situation, un sentiment, ou le désir.Joie et confort de courte durée. Comme Vernon, Despentes sort le lecteur de "sa zone de confort". Dans le premier tome, la romancière dressait une cartographie d'un monde sur le déclin, à travers une galerie de portraits. La violence y était sous-jacente (dans les rapports de domination sociale, économique, sexuelle). Dans le second tome, on avait baissé la garde, attendris, anesthésiés que l'on était par la bulle de douceur créée autour de Vernon. La romancière y sauvait tous ses personnages, y compris les plus moches.
Le 3e tome, c'est la douche froide, le saisissement devant le spectacle de la violence, qui fait irruption sans prévenir, comme dans la vraie vie, en 2015, avec les attentats terroristes. Le lecteur est projeté dans le réel, quasi en live.
Puis Despentes s'autorise un incroyable final, exécutant sans aucune retenue (c'est ce qui lui donne toute sa beauté) un grand écart entre ultra réalisme et vision post apocalyptique, où tout s'accélère, dans le temps, dans l'espace, vers le chaos. Rien à quoi s'accrocher. Rien pour sauver le monde, sauf peut-être, quand même, le papier, les vinyles, l'amitié, la musique et les légendes … On ne se refait pas !
Extrait :
"Vernon observe Mariana de profil. Les yeux clos, elle chante à mi-voix Satellite of Love. Un léger sourire flotte sur ses lèvres. Une résistance cède, quand il l'observe. C'est une tendresse presque douloureuse, hantée par le pressentiment que ça ne durera pas. Elle ne fait que passer. Chaque instant doit être savouré pour ce qu'il est - une grâce avant liquidation."
"Vernon Subutex 3", page 95
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