"Le Jardin dans le ciel" de Romain Potocki, un polar avec des fleurs, des livres, de la beuh, la cité et la mer
Du bitume et des fleurs. Un caïd aux dents en or et une mère mourante. Une libraire un peu foldingue et beaucoup d'humanité. Bienvenue dans l'univers de Romain Potocki.
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C'est un roman qui porte en lui de l'espoir en ces années de chaos et d'inquiétude. Le Jardin dans le ciel de Romain Potocki, paru en avril aux éditions Albin Michel, a le culot de prétendre que tout n'est pas foutu même quand on accumule les embûches de la vie. Pourtant, son héros – c'est un héros bègue –, est né dans des tours où l'ascenseur a oublié d'être en état de marche depuis... En fait, personne ne se souvient de l'avoir vu fonctionner.
Le héros s'appelle Robert, mais sa famille est arrivée du bled, il y a longtemps. Robert a connu l'école, mais là encore, l'ascenseur – social cette fois – est en panne depuis des lustres. Il vit dans la cité, là où les voisins galèrent, mais cuisinent divinement. Le caïd de quartier est une brute, mais il aime les fleurs. Robert cultive de la marijuana, mais aussi des agapanthes et des crocus, c'est à ne rien y comprendre et il y a surtout une libraire qui pense que lire peut sauver un homme.
L'histoire : C'est l'histoire de Robert, jeune gamin qui préfère monter au 22e étage par les escaliers pour y cultiver sa beuh et ses fleurs que vivre au ras du bitume. Il n'a pas d'autre horizon que celui de la mer là-bas au loin. "Et la mer là-bas, à l'autre bout d'la ville. Non mais v'là l'espace qu'y avait sur ce toit, c'était ouf ! Et puis...". Pour monter son "bizness", il doit s'associer au caïd du coin et c'est là que commencent les emmerdements. Il a aussi une mère : "Je n'aime pas ma mère" mais il lui rend visite chaque jour à l'hôpital où elle s'éteint. Avec des fleurs. Et surtout, voici Sophie, une bien curieuse libraire qui va faire découvrir à Robert une autre drogue, celle des livres et de leurs mystères.
Les étagères de la librairie
Le Jardin dans le ciel est un roman d'aventures, dont le terrain d'escapade sont les étagères d'une librairie déglinguée, mal rangée. C'est la librairie de Sophie, le héros dira amusé : "Une librairie, tu lui donnes un nom, pas un prénom". C'est donc là que Robert, encore jeune ado, rencontre Sophie. Sophie est une dame pas comme les autres qui croit en la religion du livre pour sauver les âmes. Mais pas une dévote, ses saints sont Rimbaud, Fante, Desnos, Melville ou Russell Banks. Les rayons ont pour surnoms : "Histoires à vous couper le souffle", "Poésie après Hiroshima" ou "Essais, tentatives et autres trouvailles". Dans ce bazar de mots, de lettres et de livres, des personnages marginaux, des isolés, deviennent des piliers de littérature comme ils sont peut-être des piliers de bar.
À la question, "les livres peuvent-ils sauver la vie ?", Romain Potocki répond à franceinfo Culture : "Non seulement je pense que les livres sauvent, mais je l'ai vécu. J'étais un enfant pétri de doutes existentiels, pas bien dans sa peau, angoissé. Les livres m'ont offert une place où être moi-même, en sécurité. Et surtout, ils m'ont raconté une vie en plus grand, en plus intense, et appelé à la vivre – ce que j'ai par miracle réussi à faire. Je ne leur serai jamais assez reconnaissant. D'où ce roman en forme d'éloge et d'hommage aux livres qui sauvent, ceux que j'ai appelés les "livres talismans".
La Méditerranée comme personnage
La ville, la mer, la cité sont des personnages à part entière du roman. Robert sillonne, à pied, en bus, parfois dans la voiture des flics ou le coffre des malfrats, un paysage qui pourrait ressembler à Marseille. En tout cas, la lumière, les parfums et les habitants sont aux couleurs de la Méditerranée.
L'auteur acquiesce un peu à cette idée : "Le roman n'est pas exactement situé à Marseille – aucun lieu n'est nommé et des cités avec vue mer, il y en a tout autour de la Méditerranée. Je voulais que chacun puisse y mettre la ville qu'il aime, s'approprier les lieux. Mais c'est vrai que j'ai été influencé par la Castellane, dans les quartiers nord de Marseille, où j'ai réalisé mon premier documentaire il y a vingt ans, et où j'ai reçu un accueil si chaleureux qu'il m'est resté dans le cœur à jamais."
Fleur bleue et baston
Chez Potocki, il y a du Virginie Despentes, du Daniel Pennac et du Jean-Claude Izzo. La langue est vrillée, torturée aux premiers chapitres. Au fur et à mesure des pages, elle s'éclaircit et prend de l'ampleur. Elle est transformée comme est transformé Robert le bègue. Les images défilent, il y a du Tarantino et du Klapish, ce n'est pas pour rien que l'auteur est un homme d'image, grand reporter aux pieds des tours et autour du monde. On songe à la lecture du roman, à Robert et Sophie et autres personnages sur grand écran. Avec pour décor, des livres, des fleurs et de la lumière aveuglante.
Romain Potocki admet penser à en faire un long-métrage : "C'est sûr que j'ai écrit Le Jardin dans le ciel de manière très visuelle, comme un film – déformation professionnelle oblige – et que je rêve de le voir porté à l'écran. Quant à le réaliser moi-même, l'avenir le dira… Et puis ils sont si nombreux celles et ceux qui me demandent une suite que ce sera peut-être ça, la prochaine étape."
Film d'action autant que comédie de résilience, attendez-vous à voir au cinéma un jour "Le Jardin dans le ciel".
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"Le Jardin dans le ciel", Romain Potocki, éditions Albin Michel, 464 pages, 21,90 euros
Extrait : "C'est ça qu'est bien avec mon biz : y a pas besoin de parler. Ce que je vends, j'te jure, t'as pas les mots pour le raconter. Quand t'y as touché, tu rêves à plus rien d'autre. Et tu ferais n'importe quoi pour en ravoir. Faut pas croire que j'me la pète ou que j'me prends pour un autre. Non, j'dis les trucs comme y sont, point barre."
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