"Camera obscura" : Gwenaëlle Lenoir rend hommage dans un roman à César, un photographe qui a documenté les massacres du régime de Bachar al-Assad
Gwenaëlle Lenoir signe un roman percutant inspiré par le photographe syrien César qui a illustré par ses clichés les massacres perpétrés par le régime de Damas sur son peuple à partir de la révolution de 2011. La journaliste a choisi la littérature pour narrer l’indicible. Saisissant.
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Elle sait de quoi elle parle. Gwenaëlle Lenoir couvre depuis plusieurs années le Proche et le Moyen-Orient pour différents médias. Dans Camera obscura (éditions Julliard), elle rend hommage, avec un style incisif, dépouillé de tout superflu, au photographe syrien César. Qui est César ? Le pseudonyme d’un Syrien qui a documenté les massacres du régime de Bachar al-Assad. Un photographe militaire qui, jour après jour, prenait des clichés des corps torturés dans la morgue de l’hôpital dans laquelle il travaillait. Gwenaëlle Lenoir a choisi de raconter le quotidien d’un homme ordinaire qui, dans les moments les plus sombres, se transforme, évolue, vainc sa peur, ses peurs ataviques, pour refuser l’arbitraire.
"J'ai rencontré l'histoire de César en 2014, lors d’une conférence sur la révolution syrienne et la répression, à l'Institut du monde arabe. Il y avait là des opposants qui ont montré quelques photos de corps suppliciés prises par César. L'un d'eux a expliqué en quelques phrases qui était César. Je suis sortie de là en me demandant : comment fait-on pour tenir deux ans, jouer ainsi les agents doubles, en quelque sorte, sachant ce que l'on risque puisqu'on le photographie tous les jours ?"
Gwenaëlle Lenoir, écrivaineA Franceinfo Culture
"Ce n’est pas prudent"
On voit naître sous nos yeux César, un homme qui a décidé d’écrire son destin avec un appareil photo. Pour témoigner, se révolter, ne pas être complice d’un massacre à grande échelle. Car les cadavres s’empilent dans la morgue. Jour après jour. Des morts qui le poursuivent, jusqu’à chez lui. Des morts qui refusent d’être oubliés. Des morts qui refusent de mourir dans l’indifférence. "Je ne parle pas des morts à Ania. Je les ramène pourtant à la maison, soir après soir. Au début, j’ai essayé de les semer. J’ai pris des chemins détournés pour les semer. Mais ils m’ont suivi. Les morts sont des gens têtus. Ils m’accompagnent dans l’escalier de l’immeuble, rentrent dans l’appartement, dorment dans notre lit et commentent les informations à la télévision". Une répression féroce s'abat sur une population avide d'espoir.
"J'ai été d'autant plus bouleversée que j'avais suivi la révolution syrienne avec enthousiasme. Cette force, cet espoir immense de la population, cette joie... et cette répression brutale, sans la moindre hésitation. J'avais beau connaître le régime des Assad, j'étais horrifiée. Je le suis toujours d'ailleurs"
Gwenaëlle Lenoir, écrivaineà Franceinfo Culture
Derrière des phrases courtes et percutantes, Gwenaëlle Lenoir nous dévoile la vie sous Bachar al-Assad. Les habitants sont sommés de parler avec des slogans, condamnés à renouveler à l’infini leur fidélité au président qu’ils entendent défendre avec leur "âme et leur sang", à épier leurs voisins. Dans une société fermée, muselée, désertée par l’espoir, les réfractaires apprennent à se taire, à cacher leurs pensées dès l’enfance et à ne pas poser de questions par peur des moukhabarate, des services de renseignements : "ce n’est pas prudent". Ils ont le choix entre l’exil et la morgue.
Tout de colère rentrée, César se détourne d’un chemin balisé malgré une peur panique qui l’étreint pour ne jamais le lâcher. Un livre qui interroge l'intime. "Il y a dans ce roman beaucoup plus de mes peurs que de celles de César, que je ne connais pas. Mais c'est aussi un hommage. Au courage, à la folie de l'audace et de la ténacité. À tous ceux qui se battent pour la liberté. C'est aussi pour nous qu'ils se battent", remarque l'autrice. Camera obscura, un roman saisissant de vérité.
"Camera obscura" de Gwenaëlle Lenoir, éditions Julliard, 20 euros.
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