"Le trophée" : une partie de chasse glaçante, thriller dérangeant de Gaea Schoeters
Pour son premier livre publié en France, l’auteure belge choisit d’emprunter des sentiers inédits pour une chasse originale. Un thriller politique (et moral) intense, cauchemardesque. Une plongée en apnée, sans répit. Un livre puissant.
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Livre dérangeant, à la limite du soutenable, très perturbant, écœurant par endroits, nauséeux même lors de certains échanges entre le chasseur et son guide (organisateur) : Le Trophée de Gaea Schoeters est à la fois un réquisitoire des gens de première cordée, de ces ultra-riches, blasés, à la recherche sensations nouvelles, ogresses, toujours plus originales, toujours plus rares, pour se sentir vivre et une charge contre le (néo)colonialisme, le capitalisme. Tout a un prix, même la vie. L’humanité est désespérante, semble dire l’auteure belge. Elle n’hésite pas à nous faire égarer dans cette brousse rarement décrite avec autant de justesse.
Le prix de la vie
Le sujet est rude. C’est l’histoire de Hunter White (le bien ou le mal nommé ?), riche New-Yorkais qui collectionne les trophées d’animaux. Un seul manque à son palmarès : celui du rhinocéros noir. Il salive d’offrir sa tête empaillée à son amour de femme, collectionneuse elle aussi. Il se rend donc en Afrique, permis de chasse en poche, pour tuer son rhinocéros. Le sien, puisqu’il a payé le permis de tuer. Le sien, puisqu’il en a les moyens.
Rien ne se passe comme prévu. Hunter White enrage. Des braconniers le devancent. Il n’aura pas son rhinocéros. Son guide lui propose un autre trophée, une autre chasse, contre 500 000 dollars : un être humain. "Et c’est légal ?", demande-t-il à son guide. "Aussi légal que le gouvernement de ce pays", lui répond son guide. La chasse peut commencer. Le Rubicon est franchi. Parce que Hunter White finit (très vite) par accepter. "Un corps embaumé intact serait un objet de collection unique. La pensée qu’avec le résultat de cette chasse il pourrait en offrir un à sa femme l’inonde soudain d’un bonheur inattendu". S’en suivent des dialogues qui, sous le vernis de la bienveillance, voire du paternalisme, légitiment tous les outrages subis par ce continent.
Plongée en apnée
Là où Hunter White, a laissé son âme, cette contrée lointaine et si prochaine dont la frontière invisible se situe dans un orgueil démesuré, gonflé avec des comptes bancaires indécents, nourri par un suprématisme venu des temps immémoriaux, bouffi par un passé usurpé : là, l'humanité y réside.
Gaea Schoeters n’a pas raté sa cible avec ce roman intense. Elle a visé juste, dans le mille. Elle oblige le lecteur à sortir de son confort, à s’interroger encore et encore, à remettre en cause ses certitudes. L’auteure belge a su trouver les mots pour décrire des univers méconnus. Une plongée en apnée tout au long des 285 pages, sans répit. Un livre intense.
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Extraits : "Il m’a offert un garçon pour la chasse. Pour le tuer "(…) "Avec tout le respect que je vous dois, Mister White, vous ne connaissez rien à l’Afrique. Vous n’y avez jamais mis les pieds. Ou pensez-vous que le lodge c’est l’Afrique ? Au lodge, il n’y a même pas d’Africains, à part le majordome, le cuisinier et les femmes de chambre." (…) "Pour lui, l’Afrique se présente comme une grande réserve naturelle, créée par Dieu pour son bon plaisir. Que des gens y vivent aussi, y vivent pour de vrai, n’a aucune importance, il ne s’en est jamais vraiment soucié. Il ne s’est jamais vraiment intéressé à eux et encore moins à leurs conditions de vie. L’Afrique est son parc d’attraction, son terrain de chasse. Rien de plus".
Le trophée, Gaea Schoeters, Actes Sud, collection "Actes noirs", 288 pages, 23 €
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