"Le Suicide exalté de Charles Dickens" de Philippe Delerm : l'histoire d'un écrivain célèbre qui se brûle sur scène
L'auteur voue une passion aux écrivains : Proust, Francis James ou Christian Bobin entre autres. Cette fois-ci, c'est le destin surprenant d'un monstre de la littérature anglaise qu'il raconte dans ce petit ouvrage délicieux et passionnant.
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"On connaît plus les titres de ses ouvrages que l'on ne les lit", dit Philippe Delerm. C’est si juste qu’issus de l'œuvre monumentale de Charles Dickens, les noms de David Copperfield, Oliver Twist ou Pickwick sont devenus des noms communs. Des personnages que l'écrivain britannique disait préférer à ses propres enfants. Dans cette courte biographie, Philippe Delerm nous embarque à la découverte d'un romancier anglais, véritable personnage de roman.
La clé de ce titre mystérieux, Le Suicide exalté de Charles Dickens, se trouve page 102 de l'ouvrage en librairie depuis le 5 septembre : "Entre janvier et mai 1867, Charles effectua quarante et une lectures à Londres et en province. Durant l'hiver 1867, sa tournée en Irlande et en Écosse fut plus intense encore. C’est là qu'il commença à souffrir sérieusement du pied gauche" écrit Philippe Delerm. Car souvent, nous ignorons que le péché préféré de Dickens était la scène et les lectures publiques plus que tout. Tellement plus que tout, qu’il en mourut.
Une bio en pointillé
Avec son style habituel, sans fioriture, ni rajout, en 114 pages, Philippe Delerm l'air de rien nous embarque dans la vie de Charles Dickens. Il explique à Franceinfo Culture son attirance pour cet auteur : "Dickens est un écrivain que j’ai pratiqué toute ma vie, avec une passion particulière pour Pickwick et De grandes espérances".
Ce plaisir de lecteur transforme ainsi Delerm en biographe méticuleux et il rajoute : "Je lis Dickens depuis toujours avec un plaisir qui ne se dément pas, j’aime son humour, son talent de narrateur, son désir d’incarner ses personnages, son empathie pour les plus défavorisés".
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Au fil des pages, le lecteur suit le gamin né dans une famille de huit enfants, infortunée. Du sud de l'Angleterre, tout ce monde migre vers la capitale où le jeune Dickens "découvre le Londres de la misère, dont la prison et la fabrique de cirage ne sont que les premières manifestations, et pas les plus obscènes". La ville parcourue par Dickens pue, est crasseuse, prostituées et clochards parsèment les marches de l'écrivain dans la capitale. Dickens est un grand marcheur, comme est sportif Philippe Delerm.
Nous suivons les débuts de l'écrivain qui va devenir une star de la littérature à l'égal en France d'un Victor Hugo. Philippe Delerm invente deux catégories d'auteur : les Nocturnes, avec la subtilité de la nuance et le goût de l'obscurité et les Diurnes, le bien et le mal et le sens de l'Histoire leur sont réservés. "Charles Dickens et Victor Hugo sont les deux écrivains les plus diurnes que l'humanité pouvait espérer", écrit-il.
Une rock star sur scène
Philippe Delerm explique à Franceinfo Culture le goût immodéré de Dickens pour la mise en scène de lui-même : "Dickens a toujours été très attiré par le spectacle ; enfant, on le faisait monter sur la table pour chanter et réciter… Son succès des lectures publiques en fut tel qu’il engendra un parcours mondial qui s’étala sur dix ans".
La lecture du Suicide exalté de Charles Dickens nous permet de visualiser ce lointain charismatique écrivain que peu d'images nous laissaient imaginer comme une rock star. Un pupitre, un verre d'eau et le texte à la main. Il devient un show man, un stand-uppeur du XIXe siècle, il raconte les aventures qu'il a écrites telles des séries d’aujourd’hui. Face à son public en transe, "Le grand Dickens apparaît à nu comme un enfant qui pleure au fond d'un puits" : écrit Delerm. "Il est heureux mais se consume."
"Du haut de son petit mètre soixante-dix, il impressionne, rayonne, met tout le monde dans sa poche par sa jovialité permanente"
Philippe Delerm dans "Le Suicide exalté de Charles Dickens"
Pourquoi la renommée, le succès, la consécration en tant qu'écrivain ne suffisent pas à Dickens ? Pourquoi préfère-t-il ces lectures publiques épuisantes devant un public de plus en plus nombreux, aux "salonnards" le couvrant de compliments ? Dans cette Angleterre victorienne et corsetée, c'est le signe de sa liberté.
Charles Dickens enchaînera les tournées comme aujourd'hui les auteurs enchaînent les festivals du livre. L'envers de la médaille de la solitude du bureau d'écrivain face à la page blanche. Et écrit Delerm : "C'est comme une manière paradoxale de se rassurer en allant au bout de ses forces, de triompher de la peur de la mort en la provoquant".
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En 2005, Delerm déjà dans Dickens, Barbapapa et autres nourritures délectables chez Gallimard désirait partager sa passion des livres de Dickens. "La littérature est une autre façon d’envisager le monde. J’aime cette phrase de José Cabanis : On ne peut pas être complètement malheureux quand on a découvert très tôt le bonheur de lire", nous explique Delerm en cette période où l'on annonce la mort du livre.
Lui l'admirateur des écrivains, cette fois-ci avec Le Suicide exalté de Charles Dickens nous entraîne à relire celui dont il dit à la radio télévision suisse : "Je pense que sa littérature dégage une espèce de générosité qu'on aime beaucoup partager. On aime beaucoup rire avec lui, on aime beaucoup avoir peur avec lui." Peut-être vous direz-vous quand vous fermerez le livre comme l'écrit Delerm : "Il faudrait que je le relise. Oh là là, toute mon enfance ! ".
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"Le Suicide exalté de Charles Dickens" aux éditions Le Seuil, 132 pages 15,90 euros
Extrait
Charles Dickens meurt le 9 juin 1870. Depuis le 7 février de cette même année, il a cinquante-huit ans. Les portraits photographiques effectués durant les trois dernières années de sa vie sont impressionnants. Le visage de Dickens y est tragique, tellement ridé, fatigué, et comme habité par le désespoir. Cela étonne quand on lit ce qu’il écrivait à l’époque, sa vitalité, son humour, sa prodigieuse empathie pour ses personnages. Et cela surprend davantage lorsqu’on découvre les témoignages de ceux qu’il continuait à rencontrer. Tous évoquent l’éclat pétillant de ses yeux gris-bleu, sa perpétuelle bonne humeur, et cette chaleur humaine presque palpable qui n’a cessé d’irradier jusqu’à sa fin. Double. Au moins double. Comme tous les humains sans doute. Mais, dans son cas, tellement plus encore. Dickens meurt jeune. Son œuvre immense est accomplie – neuf volumes dans l’édition de la Pléiade aujourd’hui. La difficulté à se procurer certains d’entre eux montre bien qu’un grand écrivain peut être très peu lu, et le plus souvent pas du tout. Oui, le nom Dickens est estampillé de l’étiquette grand écrivain. On ne prend pas un grand risque à l’évoquer comme tel. Mais les réactions sont attendues : "Il faudrait que je le relise" ; "Oh là là, toute mon enfance ! " Les mille pages de David Copperfield font secrètement référence à une version de deux cents pages dans la collection "Rouge et Or". Olivier Twist est avant tout un film, ou une comédie musicale, et Pickwick un ancien feuilleton télévisé. Parfois on évoque aussi Noël, ce conte où Ebenezer Scrooge disparaît dans nos mémoires derrière l’image d’Onc’ Picsou.
J’exagère à peine. C’est comme si la gloire de Dickens s’était métamorphosée en une structure mentale familière. Les mots Charles Dickens dessinent sur les lèvres le sourire de la nostalgie, l’idée d’un confort britannique à portée de main que l’on s’épargnerait parce qu’on le connaît trop.
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