Vidéo "Sur les centaines de joueurs qu'on voit, 'Brawl Stars' arrive en tête" : un médecin alerte sur les mécanismes addictifs de certains jeux vidéo en ligne

Article rédigé par Thomas Sellin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Un match en arène du jeu vidéo Brawl Stars (THOMAS SELLIN / FRANCEINFO)
Un match en arène du jeu vidéo Brawl Stars (THOMAS SELLIN / FRANCEINFO)

Uniquement jouable sur téléphone, le jeu vidéo de tir connaît un succès foudroyant chez les adolescents. Un véritable cocktail d'addictions selon Olivier Phan : le pédopsychiatre reçoit énormément de jeunes accros à ce jeu dans son service d'addictologie de la clinique pour adolescents de Sceaux.

Le jeu vidéo Brawl Stars a réuni au mois de juin 2025 plus de 73 millions de joueurs. Ce jeu développé par le studio finlandais Supercell, sorti en 2017, continue de séduire les adolescents. Il se joue obligatoirement en ligne, sur téléphone, et dans des parties ultra-compétitives, qu'on appelle les "battle royale".

Or, pour le pédopsychiatre Olivier Phan, de la clinique de la Fondation santé des étudiants de France, à Sceaux, dans les Hauts-de-Seine, le jeu coche toutes les cases qui mènent à l'addiction. "Chez les centaines de joueurs qu'on voit chaque année, Roblox et Brawl Stars arrivent en tête" explique le médecin.

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Les mécanismes de l'addiction

Olivier Phan connaît bien les mécanismes du jeu qui déclenchent une telle addiction chez ses patients : "C'est un jeu multijoueur. Avant le multijoueur, et les jeux vidéo existent depuis les années 1970, nous n'avions personne en consultation. Tous les jeux qui accrochent, World of Warcraft, League of Legends, Fortnite, sont compétitifs." Et la liste ne fait que commencer.

"C'est un jeu où on peut être représenté par un avatar, un brawler. Ça permet d'avoir une reconnaissance dans le jeu qu'on ne peut pas avoir dans le réel. Un ado qui a une confiance en lui limitée, c'est ça qui va l'accrocher." 

Olivier Phan, addictologue

à franceinfo

Le jeu, qui n'est disponible que sur téléphone, le rend accessible partout, "dans les cours de récréation ou même sur le trajet de l'école...", décrypte le spécialiste.

Olivier Phan pédopsychiatre chef du service d’addictologie de la clinique de la Fondation santé des étudiants de France à Sceaux (THOMAS SELLIN / FRANCEINFO)
Olivier Phan pédopsychiatre chef du service d’addictologie de la clinique de la Fondation santé des étudiants de France à Sceaux (THOMAS SELLIN / FRANCEINFO)

Enfin, "les parties sont très courtes, le jeu est sans fin, les nouveautés sont fréquentes, le style graphique est proche d'un carton. Et ce qui fait le succès aussi, c'est le côté free-to-play. Sauf qu'après on se venge...", explique en souriant Olivier Phan.

"3 000 euros dépensés par certains patients "

Du "Pass Brawl" à 7,99 euros au "pack de gemmes" à 119,99 euros, le jeu, bien que gratuit au départ, propose différentes façons de dépenser son argent. Cela permet principalement d'acheter des avatars ou des skins, des tenues uniques, sans oublier des équipements pour être toujours plus performants dans le jeu. Le pédopsychiatre Olivier Phan connaît bien ces rouages commerciaux. Les parents de ses patients sont régulièrement obligés de cacher leur carte de crédit. "Il n'y a pas de limite de dépense sur Brawl Stars. Est-ce que le jeu vaut 3 000 euros ? Parce que j'ai des patients qui ont été jusqu'à 3 000 euros sur Brawl Stars." Et de s'interroger : "Ce qui est affiché, c'est un jeu gratuit. Est-ce que ce n'est pas de la publicité mensongère ?"

Pour la maison mère du jeu, les résultats financiers sont là : en avril 2024, Brawl Stars a atteint un chiffre d'affaires record avec plus de 64 millions de dollars en seulement un mois.

Un brawler, un personnage du jeu Brawl Stars (THOMAS SELLIN / FRANCEINFO)
Un brawler, un personnage du jeu Brawl Stars (THOMAS SELLIN / FRANCEINFO)

Comment réagir ?

Les patients de la clinique de Sceaux peuvent jouer à Brawl Stars six heures par jour, avec des parents qui se retrouvent obligés de retirer complètement le smartphone. En revanche, le médecin chef de service d'addictologie ne souhaite pas tomber dans un discours stéréotypé sur les jeux vidéo : "Ce n'est pas le jeu violent qui rend violent. C'est la frustration de perdre qui va rendre le joueur agressif dans les vingt minutes qui suivent l'arrêt du jeu", tranche-t-il.

Olivier Phan indique par ailleurs quelques signes qui doivent alerter face un comportement addictif sur Brawl Stars ou tout autre jeu vidéo : "Chute du rendement scolaire, absentéisme scolaire, ne participe plus au dîner familial et fin de tout autre type d'activité sauf celle des écrans...", énumère-t-il. Et de conclure, en s'adressant aux parents, parfois dépassés : "Ne pas hésiter à confisquer le portable, privilégier les jeux vidéo à plusieurs à la maison et sur un seul écran. Et le plus important, chez les parents, l'exemplarité compte. Le parent qui scrolle à l'infini aura du mal à conseiller à son enfant de pas abuser du portable."

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