Festival d’Avignon 2024 : des ex-détenues en Argentine se racontent dans la touchante comédie musicale "Los dias afuera" de Lola Arias
Lauréate du prestigieux prix Ibsen 2024, la metteuse en scène argentine rappelle que le théâtre peut servir d'écrin à des histoires authentiques portées par les personnes qui les ont vécues.
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Beaucoup de larmes sur scène et une ovation debout du public encore touché par la sincérité des artistes sur scène à Avignon. Il faut dire que de la prison, en Argentine, à la scène de l’Opéra Grand Avignon, la traversée du désert est émouvante. Dans Los dias afuera ("Les jours dehors"), la metteuse en scène Lola Arias raconte le parcours de Yoseli, Nacho, Estefania, Noelia, Carla et Paula. Ils ont été élevés dans des bidonvilles, enlevés par un réseau de prostitution à 17 ans ou ont contracté des dettes pour étudier à l’université.
948, 1106, 1100, 1513 jours…Cinq femmes et un homme trans qui ont tous fait de la prison. Désormais soignantes, chauffeuses de taxi ou travailleuses du sexe, elles se remémorent leurs conditions de détention et racontent le retour à la liberté. Lola Arias, lauréate du prestigieux prix Ibsen 2024, fait écho à un phénomène social en traitant de l'incarcération féminine dans son pays. La population de femmes en prison a doublé ces dix dernières années, de même que le taux de personnes transgenres en détention.
Redécouvrir la liberté
Los dias afuera est la suite de Reas, un documentaire de Lola Arias tourné en 2019 avec les comédiennes de la pièce et d’autres détenues.Si le film se focalise sur la vie en prison, la pièce, elle, raconte davantage les conséquences de cette expérience carcérale et le retour dans la société.
Sur un échafaudage métallique, à côté d’une voiture avec un fond vert projetant des rues évoquant les faubourgs de Buenos Aires, les six anciens détenus se replongent dans leurs souvenirs façon Broadway. Le récit est tiré de leurs histoires personnelles. "Jouer des codes du music-hall permet de dire le monde de l’enfermement sans en reproduire la stigmatisation", indique Lola Arias dans un entretien accordé à l'équipe du Festival.
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La dramaturge a procédé à des entretiens individuels avec les ex-prisonniers pour dégager des scènes fortes qui permettent au public de s’imaginer leur vie après la prison. Le quartier transformé, la difficulté de trouver du travail, les petits boulots non déclarés, précaires et éphémères, la vie de mère, mais aussi la transidentité et son traitement par la police... autant d'obstacles à surmonter. "Lorsqu’on est un homme trans, on ne survit pas dans une prison d’hommes", rappelle Nacho. Idem pour Noelia, femme trans. Ces personnages, qui ont payé leur dette à la société, reprennent peu à peu goût à la vie et aux petites joies de la liberté : revoir les étoiles, promener le chien Donatello, voyager, conduire ou rester au bord d’une autoroute.
Peur du retour en prison
La détresse de leur existence est magistralement mise en musique par Inès Copertino avec des chansons taillées sur mesure. La peur de dormir seul ainsi que les rapports entre détenus et l’administration pénitentiaire donnent naissance à un titre aux airs de cumbia, un genre musical colombien où les tambours, les ocarinas et les flûtes de roseau sont rois. Des épreuves que ces femmes et cet homme ont vécues dans leur chair. "La musique et la danse leur permettent de se les réapproprier et de les partager", explique Lola Arias.
Les intermèdes musicaux sont de précieuses échappatoires, des bijoux de pureté qui permettent au public comme aux comédiennes de s’évader de ces histoires difficiles. Ces personnages montrent que tout le monde a droit à des moments de bonheur et d’évasion. "Peu importe ce qu’on était", chante l'ensemble au début de la pièce.
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"Tu ne pourras rêver que quand tu seras libre". Aujourd’hui ces femmes le sont, mais la peur de retourner en prison est toujours là. "Avec cette pièce, ces personnes qui ont été privées de liberté peuvent aller à la rencontre du monde et s’exprimer par elles-mêmes devant un public", souligne la metteuse en scène. L’enfermement reconstitue une société à part et la force du vécu, partagé par d’autres, permet de tenir. En se racontant l’histoire de leurs tatouages – un lion en référence à la force d’un jeune fils séparé de sa mère ou une Tour Eiffel, symbole d’un autre monde – les personnages s’imposent de "ne jamais pas abandonner".
Aujourd’hui, ces artistes se retrouvent pour la première fois en France et leur émotion sur scène dépasse leurs attentes. Les comédiennes ont éclaté en sanglots devant un public tout aussi ému qu’elles."Beaucoup d’entre elles n’avaient jamais traversé la mer ni pris un avion. Elles se retrouvent sur l’une des plus grandes scènes d’Europe", note Lola Arias. Avec Los dias afuera, l'artiste argentine donne une belle leçon d’humilité et d’acceptation sur la rédemption et la réinsertion sociale des anciens détenus.
"Los dias afuera" de Lola Arias, jusqu'au 10 juillet à l'Opéra Grand Avignon dans le cadre du Festival d'Avignon
Du 3 au 5 octobre 2024 au Théâtre de la Ville à Paris et en tournée dans toute la France
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