"Une poétesse à la caméra" : le Centre Pompidou dédie une rétrospective à la cinéaste Sarah Maldoror
"Je préfère rester dans le mystère, il n'y a rien de plus beau que le mystère, le noir, être enveloppée de noir, c'est tellement plus beau, je suis Guadeloupéenne et j'adore le cinéma" : ainsi parlait Sarah Maldoror, réalisatrice de plus de 40 films.
Du 3 au 7 avril 2025, le centre Pompidou présente une rétrospective cinéma de la réalisatrice Sarah Maldoror en écho à l'exposition Paris noir. Dix-sept films projetés, dont huit en version restaurée, des tables rondes et des lectures pour ainsi (re) découvrir l'œuvre de cette cinéaste qui disait en 1995 : "Les femmes africaines doivent être partout. Elles doivent être dans les images, derrière la caméra, dans la salle de montage".
Cette rétrospective est l'occasion de voir ou de revoir l'œuvre cinématographique d'une pionnière. Poète, militante, féministe et surtout cinéaste.
Un hommage au poète Lautréamont
Sarah naît Marguerite Sarah Ducados en 1929 dans le Sud de la France. La première clé pour comprendre son œuvre est son choix de devenir Sarah Maldoror, en hommage au poème de Lautréamont. Le ton est donné. La littérature, la poésie, les mots et la langue seront ses références.
Sa fille Annouchaka de Andrade confie à franceinfo Culture que ce pseudonyme de Maldoror marque son goût pour la poésie, mais aussi sa volonté d'une identité choisie : "Je pense que ça a été sa survie. Elle a une mère gersoise, un père guadeloupéen et les deux moururent très tôt. Donc elle a une enfance qui a été très violente et certainement très âpre, dont elle ne va jamais nous parler. La première chose qu'elle fait quand elle arrive à Paris, c'est de se choisir un nom. Ainsi elle se reconstruit une identité en prenant le nom de Maldoror, effaçant son passé (...), elle l'inscrit dans sa chaire".
En 1956, elle crée une troupe de théâtre, Les Griots, et monte Les nègres de Jean Genet. C'est à cette occasion que Marguerite Duras pour titrer un entretien dira : "La Reine des nègres vous parle des blancs". Ses courts métrages et documentaires sur Léon-Gontran Damas (Guyane, 1955), Aimé Césaire (Miami Martinique, le masque des mots, 1986), Léopold Sédar Senghor et Aragon seront son tribut aux écrivains et poètes.
"Je me refuse à réaliser un gentil petit film nègre"
La deuxième clé pourrait bien être son départ vers Moscou pour étudier le cinéma. Seule sans parler un mot de russe, elle débarque dans la capitale de ce qu'est à l'époque l'Union Sovietique. Il faut l'imaginer en 1968 devenir l'une des premières femmes noires à oser le cinéma et partir caméra au poing en Afrique. Elle raconte en images, en fiction ou documentaire, les luttes de libérations du continent africain.
Son premier grand film, Sambizanga (1972), est le récit au plus prés de Maria, son bébé sur le dos, qui part à la recherche de son mari, militant angolais révolutionnaire arrêté par la police politique et emmené en prison à Luanda. Martin Scorsese lui-même dira de cette oeuvre : "Un film remarquable par une cinéaste remarquable. La fraîcheur et la beauté tangible du film sont inséparables de sa puissance. Le film semble couler comme un fleuve".
Un film qui prouve une détermination à toute épreuve. Et cette volonté de lier poésie et politique. Quand elle présente Sambizanga, son premier succès, elle déclare : "J'ai cru faire un film politique en montrant la vie quotidienne des Africains en dehors du folklore, en dehors des tam-tam. Quand on parle d'Afrique, c'est la danse, les chants (...) J'ai voulu montrer les difficultés de la vie quotidienne, c'est ce que j'appelle un film politique."
Annouchka de Andrade sait que sa vie et sa carrière furent un dur chemin. Femme, noire, cinéaste et militante, épousant le féminisme, le panafricanisme, la négritude, Sarah Maldoror surprend de film en film par sa farouche volonté : "Il ne faut pas lui coller d'étiquette, mais cette force vient qu’elle avait une énorme confiance dans sa capacité, elle a déplacé des montagnes, elle ne s'est jamais dit : j'arrête", surenchérit sa fille.
Peu de cinéastes et encore moins de femmes à la caméra ont su lier aussi intimement poésie, engagement et cinéma d'auteur. Annouchka de Andrade tient à souligner : "Elle a fait toujours très attention à la qualité de ses images, de ses cadres. Elle travaillait énormément sur ses films. Et après, certains sont meilleurs que d'autres, mais ils ont jamais été bâclés."
Retrouver ses films perdus
Si Sarah Maldoror prenait un soin précieux sur le plateau de ses tournages à la qualité du film, une fois le film monté et distribué, elle le délaissait. Et ainsi certains films ont disparu. Annouchka de Andrade poursuit cette quête pour compléter la filmographie de sa mère : "C'est principalement de sa faute. Elle n'était pas du tout organisée. Elle a donné par exemple dans un festival, le master. Il n'a jamais été rendu", dit Annouchka. Ce qui intéressait Sarah Maldoror c'était d'écrire, de filmer, de réaliser, de se battre pour produire ses films : "Elle avait toujours deux films d'avance dans sa tête". Cette rétrospective est aussi l'occasion donc pour Annouchka de Andrade de continuer sa recherche éperdue des films disparus. "Il nous manque cinq films, un en Algerie, trois à Paris et un à Cuba.".
La rétrospective Sarah Maldoror a lieu dans le cadre de l'exposition Paris noir au Centre Georges Pompidou à Paris qui met en lumière 150 artistes, de l'Afrique aux Amériques et les Caraïbes parfois invisibilisés en raison de leurs origines. Leurs œuvres parlent des luttes pour l'émancipation, les indépendances, le racisme et la décolonisation. Le cinéma de Sarah Maldoror, lui aussi, avait ces mêmes préoccupations.
. Exposition "Paris Noir" centre Pompidou jusqu'au 30 juin
. Rétrospective Centre Pompidou du 3 au 7 avril avec la présentation de films restaurés
. Parution du numéro de l'Avant-Scène cinéma consacré au film "Sambizanga"
. Edition d'un coffret collector réunissant 5 films chez Carlotta
. Et à venir une rétrospective intégrale au MOMA à New York du 1er au 15 mai prochain.
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