Une formation, un label, un musée du cinéma : les propositions du rapport Geffray pour renforcer "Ma classe au cinéma", pilier de l'éducation à l'image
Le programme constitue selon l'ancien directeur général de l'enseignement scolaire "la meilleure éducation aux écrans" pour les jeunes envahis par les images véhiculées par les réseaux sociaux.
L’éducation au cinéma et à l’image est "une nécessité quasi-vitale pour cette nouvelle génération née avec les réseaux sociaux et autant consommatrice que productrice d’images", estime Édouard Geffray, conseiller d’État et ancien directeur général de l'enseignement scolaire. C'est à lui que les ministères de l’Éducation nationale et de la Culture ont confié la mission, entre autres, de penser la pérennisation de "Ma classe au cinéma", "dispositif majeur" auquel l'éducation au cinéma est adossée, de la maternelle au lycée.
Le programme, selon l'auteur du rapport rendu public le 8 septembre 2025, est "le premier dispositif national d’Education artistique et culturel (EAC)". Né en 1989 en Normandie et porté, entre autres, par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), les ministères chargés de l’Éducation nationale et de la Culture ainsi que les collectivités territoriales, il concerne "près de 2 millions d’élèves chaque année". Il mobilise 21 000 établissements, 78 000 professionnels de l'éducation à travers la France et 1700 salles de cinéma.
Cependant, le programme souffre de la désaffection des élèves et des professeurs : un recul de 16% des collégiens inscrits au dispositif, une baisse des lycéens et apprentis bénéficiaires (-3 % à la rentrée 2023 et -2 % en 2024) ainsi que des professeurs volontaires (-9%). Afin d'assurer "le développement pour les prochaines années" d'un dispositif, qui semble "vulnérable aux évolutions des politiques publiques et des doctrines administratives", l'ancien directeur de l'enseignement scolaire a fait 19 propositions. Retour sur quelques-unes d'entre elles et le fonctionnement d'un programme qui s'avère être "l'exact antidote" à la "profusion d’images sans conscience".
1 Un grand écran pour explorer tous les autres
Dans le cadre de ce dispositif, les élèves des classes dont les professeurs se sont inscrits peuvent visionner "3 films en salle (deux pour les petites sections), d’un contenu et d’une durée adaptés à leur âge, faisant l’objet d’un travail en classe à la fois avant et après la séance et, souvent, d’une activité complémentaire en lien avec des professionnels du cinéma". Les œuvres sont piochées dans un catalogue national et un tarif négocié "allant de 2,50 à 3,80 euros" permet d'accéder aux salles obscures.
Édouard Geffray insiste sur le fait que l'éducation au cinéma constitue "la meilleure éducation aux écrans". "Entre 8 et 12 ans, les jeunes passent près de 4h45 par jour sur les écrans, ce chiffre dépassant les 6 heures par jour entre 13 et 18 ans, et variant du simple au double selon les jours avec ou sans école". En d'autres termes, "ils passent donc, à l’échelle d’une année, plus de temps devant des écrans (...) qu’en cours". Le 7e art constitue ainsi "le seul endroit où, pour reprendre l’expression de Godard, ils lèvent les yeux vers un écran au lieu de les baisser, et où l’écran est à l’origine d’une émotion collective et pas seulement d’une juxtaposition d’émotions individuelles et déconnectées les unes des autres".
2 Un ancrage de l'éducation au cinéma et à l'image dans les programmes
La première recommandation du conseiller d'Etat est "d’inscrire" le dispositif Ma classe au cinéma "comme le prolongement nécessaire des enseignements, sur l’ensemble du parcours scolaire", notamment au collège. La mesure permettrait de mettre fin à un paradoxe concernant le cinéma : l'un des arts "les plus répandus et accessibles" est comme "effacé" des programmes alors même qu'il représente "plus de 20% de l’effort de formation du ministère de l’Education nationale en matière d’éducation artistique et culturelle". Ainsi, l'une des thématiques du français en 6e – "le monstre, aux limites de l’humain"– pourrait donner lieu au visionnage d'un film comme Frankenstein dont une nouvelle version, signée Gillermo del Toro, est attendue en octobre 2025 dans les salles américaines.
3 Un diplôme, une carte pour les professeurs "amis du cinéma" et un label pour les établissements
Il propose également de créer un diplôme interuniversitaire (DIU) d’éducation au cinéma, non seulement pour les professeurs mais aussi pour "l’ensemble des partenaires intéressés". "Il ressort, note Edouard Geffray, que la culture cinématographique des jeunes générations de professeurs (...) est différente et moins préparée pour assurer une éducation au cinéma que celle de leurs aînés".
Dans la même veine, le rapport suggère d'instaurer un statut "professeur ami du cinéma" dédié aux enseignants qui s'investissent dans le dispositif sur la base du volontariat. Ils auraient ainsi droit à une carte émise par le CNC. Ce pass leur offrirait l'accès à des "salles partenaires, à des réductions, invitations à des avant-premières ou rencontres avec des professionnels du cinéma".
Parmi les propositions d'Edouard Geffray, on retrouve également la création d'un label "Ma classe au cinéma" pour les établissements scolaires qui disposent du programme.
4 Un musée du cinéma
Enfin, le conseiller d'Etat note qu'il serait temps de créer "un musée du cinéma", une démarche qui connaît "un regain d’intérêt ces derniers mois" . "Il est assez frappant de voir que, 130 après sa naissance, [le cinéma] ne dispose pas du même 'outil de rayonnement' que les autres arts en termes de 'collections', de recherche et de coopération''. Un constat "étonnant" car "il existe une sorte de connaissance quasi exhaustive de son histoire" parce qu'il s'agit d'un art "récent". Renforcer "Ma classe au cinéma" constitue pour Edouard Geffray le moyen de redonner "collectivement" un horizon "artistique, esthétique et collectif (aux) jeunes dans leur rapport aux images en même temps qu’une distance critique et une capacité à en comprendre la grammaire".
"En modernisant 'Ma Classe au cinéma' et en inscrivant cette éducation dans les parcours, nous donnons aux élèves des repères solides et la capacité de comprendre le monde qui les entoure", a réagi Élisabeth Borne, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. La ministre de la Culture Rachida Dati a rappelé, elle, l'urgence "de repenser la façon dont nous éduquons les regards et éveillons l’esprit critique",
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