"La Trilogie d'Oslo" : le Norvégien Dag Johan Haugerud fait le portrait hypersensible et moderne de l'amour et de la sexualité

Le premier volet de ce triptyque, "Rêves", a reçu l'Ours d'or à la Berlinale.

Article rédigé par Zoé Ayad
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 7min
Image du film "La Trilogie d'Oslo : Rêves" de Dag Johan Haugerud (2025). (PYRAMIDE DISTRIBUTION)
Image du film "La Trilogie d'Oslo : Rêves" de Dag Johan Haugerud (2025). (PYRAMIDE DISTRIBUTION)

Il y a d'abord Rêves, ensuite Amour et puis Désir. Ces trois films composent la magistrale Trilogie d'Oslo de Dag Johan Haugerud. Une fresque à la fois hyperréaliste et poétique sur l'amour, la sexualité et le couple, dont seuls les pays nordiques ont la recette. Entre la sortie de Loveable (de Lilja Ingolfsdottir) mi-juin et celle de Valeur sentimentale (de Joachim Trier) prévue fin juillet, le Norvégien Dag Johan Haugerud dévoile son dernier travail, trois fables contemporaines et intimes.

Une adolescente tombe amoureuse de sa professeure de français et raconte son premier émoi dans un livre. Une médecin et son infirmier échangent sur leur conception de l'engagement à travers les récits de leurs aventures sexuelles. Un ramoneur heureux en ménage confie à sa femme avoir couché avec un homme sur un coup de tête tandis que son patron se rêve la nuit en femme épiée par David Bowie. Bien qu'indépendants les uns des autres, ces films ne cessent d'interroger les normes qui encadrent le sentiment amoureux et participent à agrandir le champ des possibles.

Remarquée à la Mostra de Venise et à la Berlinale, la Trilogie d'Oslo arrive sur les écrans français. Le premier chapitre – Rêves – sacré Ours d'or est déjà sorti en salles mercredi 2 juillet. Les deux derniers films, Amour et Désir sont respectivement attendus les 9 et 16 juillet.

Bien que la Trilogie d'Oslo aborde sans fard la sexualité, celle-ci est pourtant absente des films, un choix du réalisateur pour qui filmer le sexe donne très souvent lieu à des scènes dénuées de réalisme. La parole remplace le charnel et suscite de longs dialogues introspectifs sur le sexe et le sentiment amoureux, au cours desquels les personnages se livrent sans complexe.

Le réalisateur Dag Johan Haugerud évoque ces thèmes de l'intimité avec honnêteté et modernité – les personnages utilisent Tinder ou pratiquent le cruising (une forme de drague qui mène à des relations sexuelles dans des lieux publics identifiés comme tels principalement au sein de la communauté gay) – et parvient à filmer une fresque contemporaine des relations amoureuses.

Repenser l'intimité

Loin de porter un jugement, la Trilogie d'Oslo offre des pistes de réflexion sur de nouvelles formes d'expression de l'intimité. Le réalisateur ouvre la voie vers des horizons inconnus et pose, dans ses trois films, une question : "Une chose que j'ai toujours considérée comme loin de moi pourrait-elle en fait faire partie de moi ?"

Un film entier est consacré au premier émoi amoureux, ce moment souvent occulté par la fiction qui précède la première relation amoureuse et se solde souvent par un échec anonyme. Dans Rêves, Johanne écrit un livre pour raconter cet éveil, un mélange de torture et d'immense bonheur vécu dans le secret qui suscite la jalousie de sa mère et de sa grand-mère, nostalgiques de leurs jeunes années.

Avec Amour, Dag Johan Haugerud s'attaque au couple et à l'engagement, et permet de croire à la générosité et au partage, même dans des relations éphémères, alors que notre société tend à mesurer l'investissement affectif par rapport à la catégorie dans laquelle nous rangeons notre partenaire. Dans Désir, un couple installé se pose la question de la liberté abordée à travers l'histoire d'un ramoneur qui annonce, en toute innocence, à sa femme avoir couché avec un homme.

La Trilogie d'Oslo sonde l'ensemble du panoptique amoureux, du premier émoi au couple durable. Véritable bouffée d'air frais, ces récits changent de ce qui est habituellement montré à l'écran, ils mettent en scène des hommes et des femmes qui ne se reconnaissent pas dans la norme, vivent des moments de contradictions et imaginent d'autres manières de vivre leur amour, le tout dans une démarche sensible et bienveillante.

Cette réflexion met à l'honneur l'amour queer intégré dans chaque histoire de manière naturelle, le sensationnalisme n'a pas sa place dans l'œuvre du réalisateur. Dag Johan Haugerud explore avec ses personnages des sexualités foisonnantes qu'il n'enferme pas dans le carcan de l'identité sexuelle pour encourager à une plus grande liberté.

Cette utopie émancipatrice n'empêche pas de "violents" retour à la réalité : un homme sur Tinder avoue après l'acte être marié, une femme reproche à son amie de fréquenter deux hommes à la fois et de ne pas vouloir s'engager avec un. Par moments, la liberté se heurte aux sentiments de jalousie et de trahison ou tout simplement au constat de la mésentente qui règne entre les deux êtres brusquement forcés d'admettre qu'ils ne forment pas une entité harmonieuse.

Entre le rêve et la réalité

Afin de plonger le spectateur dans le ressenti des personnages, le réalisateur évince les distractions et allie le réalisme des dialogues à l'irréalisme du décor. La Trilogie d'Oslo pourrait aisément être un livre, une pièce de théâtre ou un tableau : les plans sont fixes, les dialogues très longs et les lieux ne changent presque pas. Avec sa double casquette de romancier et de réalisateur, Dag Johan Haugerud navigue entre les genres et crée une œuvre unique et poétique qui relève presque de la performance artistique.

L'image d'un escalier embrumé, les allers-retours de ferry entre Oslo et Nesodden ou la capitale désertée de ses habitants. Les cadres choisis par le réalisateur norvégien sont saisissants de lyrisme au point où il nous arrive de penser que l'action se déroule dans notre tête, comme c'est le cas pour Johanne, l'héroïne du premier chapitre. Au sein de ces espaces vides, dont l'onirisme est accentué par les mélodies de jazz enveloppantes, l'utopie prend forme même dans les recoins les plus repliés de l'intimité où la norme et les stéréotypes restent féroces.

La fiche

Genre : Comédie dramatique
Réalisation : Dag Johan Haugerud
Avec : Ella Overbye, Selome Emnetu, Andrea Braein Hovig, Tayo Cittadella Jacobsen, Jan Gunnar Roise, Thorbjorn Harr, Siri Forberg
Pays : Norvège
Durée :
1h50, 1h59 et 1h58
Sortie :
2, 9 et 16 juillet
Distributeur :
Pyramide Distribution
Synopsis : Une adolescente tombe amoureuse de sa professeure de français et raconte son premier émoi dans un livre. Une médecin et son infirmier échangent sur leur conception de l'engagement à travers les récits de leurs aventures sexuelles. Un ramoneur heureux en ménage confie à sa femme avoir couché avec un homme sur un coup de tête tandis que son patron se rêve la nuit en femme épiée par David Bowie.

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