"A Touch of Sin", les dégâts d’une société mondialisée vue par Jia Zhangke
Après "24 City" en 2008 et "I Wish I Knew" (2O10), Jia Zhangke mettait en lice cette année à Cannes "A Touch of Sin", film où se succèdent quatre histoires représentatives des changements brutaux dans la société chinoise dus à la mondialisation. Initiateur d'un nouveau cinéma dans son pays, le cinéaste est attaché à une approche de la ruralité ou des petites villes, loin du discours officiel.
Synopsis : quatre histoires au coeur de la Chine d'aujourd'hui, dans quatre provinces, des nouvelles métropoles aux zones plus rurales du pays. Un mineur exasppéré par la corruption passe à l'acte ; un travailleur migrand découvre les possibilités de son arme à feu ; une hôtesse d'accuiel dans un sauna est poussée à bout par un riche client ; un travailleur passe d'un travail à l'autre dans des conditions de plus en plus dégradantes. Sketches
Réalisateur ancré dans le social, Jia Zhangke ne voit aucun de ses films distribués en Chine, alors qu’ils sont couronnés dans les plus grands festivals, et cette année avec le prix du scénario au Festival de Cannes. N’attaquant jamais de front ses thèmes, ils sont mis en abîme pour mieux suggérer leur sens critique, ce envers quoi le régime de Pékin n’est pas dupe, puisqu’il en limite la diffusion. Le Festival de Cannes, en tant que vitrine prestigieuse de la liberté d’expression et d’opinion, ne pouvait qu’exposer régulièrement les œuvres du cinéaste pour mieux le protéger.
Dans « A Touch of Sin », Jia Zhangke fait appel à la rare et délicate forme du film à sketches. Délicate, car l’exercice réside à ne pas tomber dans l’écueil d’un manque d’homogénéité de l’ensemble et dans celle d’articulations factices entre les segments. Défaut qu’évite avec brio Jia Zhangke en plaçant dans chaque histoire, avec parcimonie, un détail qui renvoie à une autre. Le sujet qui les traverse toutes est quant à lui transparent. Il tourne autour de protagonistes déstabilisés, broyés, par un système, personnifié par des cadres qui utilisent leurs subordonnés comme des valeurs négligeables et négligés, exploités à merci, jusqu’à ce que la corde casse. Un constat dont la Chine n’a pas l’exclusivité, pour ne pas dire universel.
Le contexte qui va pousser ces hommes et ces femmes à se rebeller est installé avec diversité, alors qu’un cas recoupe l’autre. Une certaine langueur propre au cinéma chinois, avec ses sous-intrigues et détours, n’enlève rien à une cohérence implacable. La comparaison avec un Tarantino peut paraître audacieuse, mais pas tant que cela quand l’on connaît l’admiration du réalisateur de « Kill Bill » pour le cinéma asiatique. Leur rapprochement s’identifie aux longues scènes d’exposition précédant un déferlement de violence inouï, forme narrative propre aux deux hommes.
Jia Zhangke, maître de l’image et du plan, concocte des séquences qui s’en trouvent transfigurées, comme la fusillade devant le temple, le périple à moto, le suicide d’un employé, le meurtre des deux clients du sauna… La violence est exponentielle et sanglante, le cinéaste faisant couler le sang sans retenue aucune avec un réalisme sans ambages. Le montage galvanise l’opposition entre calme et violence, avec une rythmique percutante sur une narration placée sous les auspices du théâtre classique chinois en ouverture et en conclusion du film. Il s’achève comme plusieurs de ses sketches, où un personnage semble passer le témoin à un autre, comme si « A Touch of Sin » pouvait se décliner à l’infini.
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