"Mickey 17" de Bong Joon-ho fait un flop après "Parasite" : y aurait-il vraiment une malédiction des Oscars ?

En 2019, le thriller "Parasite" du réalisateur coréen avait été un énorme succès. Après sa Palme d'or à Cannes, il avait reçu quatre Oscars.

Article rédigé par Marianne Leroux
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 8min
L'acteur Robert Pattinson dans le film "Mickey 17" de Bong Joon-ho. (WARNER BROS)
L'acteur Robert Pattinson dans le film "Mickey 17" de Bong Joon-ho. (WARNER BROS)

Au cours des treize dernières années, la grande majorité des lauréats du prix du meilleur réalisateur aux Oscars ont fait un flop – critique ou financier – avec leur projet suivant. Le dernier long-métrage de Bong-Joon-ho, Mickey 17, en salles depuis le 5 mars 2025, sera-t-il la prochaine victime ?

La question est dans les esprits, surtout à Hollywood : y aurait-il une malédiction des Oscars ? Une tendance semble en tout cas se dessiner. Après L'Odyssée de Pi, oscarisé en 2013, le réalisateur Ang Lee n'a pas conquis les spectateurs avec Un jour dans la vie de Billy Lynn. Malmené par la critique, le film sur la guerre en Irak a aussi été un désastre commercial. Lee a voulu être ambitieux en améliorant la technique : il a tourné le drame comme le tout premier film utilisant une fréquence d'images très élevée de 120 images par seconde, puis a ajouté les complexités du format 3D en résolution 4K UHD. Le problème, c'est qu'il a été difficile de trouver les écrans adéquats dans les salles de cinéma. Seuls cinq cinémas dans le monde ont projeté le film tel que Lee voulait qu'il soit vu.

Mauvaises critiques et échecs commerciaux

La comédie musicale La La Land de Damien Chazelle a réalisé un vrai carton, en 2016, mais deux ans plus tard, le Franco-Américain n'a pas réussi à faire un doublé avec son film First Man. Le biopic de Neil Armstrong avec Ryan Gosling n'a pas remporté le succès escompté. Le réalisateur a été surtout critiqué pour la durée du film (2h22). "C'était une prise de risque de faire un film de science-fiction, après une comédie musicale. Parfois, cette prise de risque n'est pas récompensée", explique à franceinfo Culture Mehdi Omaïs, écrivain et journaliste spécialiste de cinéma. Damien Chazelle avait également répondu sèchement à une étrange controverse concernant sa décision de ne pas inclure une image d'Armstrong plantant le drapeau américain sur la Lune : "Je voulais que cette scène soit principalement axée sur les moments de solitude de Neil sur la Lune", a déclaré Chazelle à l'époque.

Guillermo del Toro avait ébloui l'Académie des Oscars pour La Forme de l'eau, sorti en 2017, mais son film suivant, Nightmare Alley, fut, lui, un échec commercial, loin d'avoir remboursé son budget. Le thriller psychologique se déroulant dans les années 1940 avait pourtant toutes les qualités pour être un succès : réalisé par un réalisateur de renom, une liste de talents de premier plan (Bradley Cooper, Cate Blanchett, Rooney Mara), une sortie en fin d'année. Les critiques ont été bonnes, mais le film n'a rapporté que 40 millions de dollars, pour un budget de 60 millions de dollars.

Enfin, Chloé Zhao avait réalisé le magnifique Nomadland en 2020, mais le prétendu démarrage d'une nouvelle franchise de super-héros, Les Éternels, un an plus tard, n'a pas produit le même effet. "Nomadland est un film d'auteur avec des acteurs non-professionnels, Les Éternels est le strict opposé, ce décalage n'a sûrement pas plu", confie Mehdi Omaïs. Le film était déjà en postproduction le soir où elle est montée sur la scène des Oscars pour recevoir son prix. La malédiction s'est peut-être abattue sur elle un peu plus tôt.

Un vrai gouffre financier

Cette malchance a éclaté au grand jour ces dernières semaines avec Mickey 17, le film de science-fiction à gros budget de Bong Joon-ho. Cette comédie noire, portée par l'acteur américain Robert Pattinson, est un vrai gouffre financier. Même s'il fait l'objet d'une bonne critique, le long-métrage a coûté 118 millions de dollars et n'a rapporté, pour l'instant, que 40,8 millions de dollars aux États-Unis et 110 millions au niveau mondial.

À cause de ce flop, Mickey 17 est sorti en vidéo à la demande aux États-Unis dès le 25 mars, après seulement 18 jours à l'affiche. C'est la stratégie désormais appliquée par Warner lorsqu'un film rencontre des difficultés au box-office. Le sortir en VOD avant la fin de son parcours au cinéma lui fait profiter d'un public supplémentaire sans perdre de l'influence.

En 2019, le thriller Parasite du réalisateur coréen avait été un énorme succès. Il avait remporté la Palme d'or au Festival de Cannes, puis reçu quatre Oscars. Un vrai triomphe. Selon Mehdi Omaïs, "sur le papier, Mickey 17 avait largement plus de chances de marcher que le film Parasite. Casting international, histoire de science-fiction, mais finalement, ça n'a pas suffi".

L'Oscar est "la validation suprême que vous recevez de Hollywood", explique Thomas Doherty, professeur d'études américaines à l'université Brandeis et rédacteur en chef adjoint du magazine Cineaste, à The Hollywood Reporter. "Vous savez donc que vous êtes vraiment bon. Et à moins d'avoir la tête bien vissée, cela peut être un vrai problème. Je pense que très peu d'artistes, ou très peu de gens en général, ont cette capacité à prendre du recul par rapport à leur art."

Deux réalisateurs font, cependant, exception à cette supposée malédiction : Alejandro Gonzalez Iñarritu et Alfonso Cuaron, qui ont remporté l'Oscar de la meilleure réalisation à deux reprises au cours des douze dernières années. Eux n'ont pas connu l'échec avec leurs projets suivants.

Ces deux cinéastes ont remporté leurs premiers Oscars pour leurs films les plus ambitieux : Iñarritu pour la comédie dramatique Birdman et Cuaron pour le film spatial Gravity. Alejandro Gonzalez Iñarritu a poursuivi sur son élan avec The Revenant , réussissant l'exploit de remporter deux Oscars consécutifs.

L'effet de halo ?

Thomas Doherty a suggéré au Hollywood Reporter que l'Oscar du meilleur réalisateur pouvait créer un effet de halo autour du cinéaste, qui pourrait jouer un rôle dans l'échec de son projet suivant. "Je me demande si les personnes qui travaillent avec le réalisateur – les producteurs, les scénaristes et les acteurs – sont impressionnées et donc moins disposées à remettre en question son jugement parce que son génie d'auteur a été validé par la plus haute récompense de l'industrie", a-t-il déclaré. "À l'époque, un producteur pouvait dire à un réalisateur que le film était trop long et qu'il devait en réduire la durée de 25 minutes. Et c'était tout. Qui, aujourd'hui, aurait le courage de dire cela à Martin Scorsese ou à Christopher Nolan ?"

Pour le journaliste Mehdi Omaïs, "l'Oscar du meilleur réalisateur valide le style et le talent d'un cinéaste". Le public est donc plus exigeant, le réalisateur a plus de pression et, à la fin, le film peut être bien en deçà des attentes. "Les spectateurs ont parfois ce besoin maladif de retrouver la patte du réalisateur dans son projet suivant et peuvent donc être facilement déçus par la suite", poursuit Mehdi Omaïs.

Les malédictions sont faites pour être brisées. Plusieurs lauréats récents du prix de la meilleure mise en scène n'ont pas encore réalisé de nouveaux films. Jane Campion (The Power of the Dog), Les Daniels (Everything Everywhere All at Once), Christopher Nolan (Oppenheimer) et Sean Baker (Anora) ont tous une chance de se débarrasser de cette malchance. Attention, cependant, Christopher Nolan sort un nouveau long-métrage en 2026, The Odyssey, avec une distribution prestigieuse, notamment Matt Damon, Tom Holland, Zendaya, Robert Pattinson ou encore Charlize Theron. Affaire à suivre...

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