"J'avais envie d'une dégaine, donc ce rôle, je l'ai d'abord travaillé physiquement" : Catherine Frot, impériale dans "La fine fleur"
Catherine Frot défend "La fine fleur", un film sur "la beauté des roses et des relations humaines" dans lequel elle campe un très beau personnage d'exploitante horticole au bord de la faillite.
Dans ce second film de Pierre Pinaud. Catherine Frot incarne une créatrice de roses au bord de la faillite, dont le destin va être changé par l'arrivée sur son exploitation de trois employés en réinsertion. Cette comédie dramatique sensible donne à cette grande comédienne l'occasion une fois encore d'"inventer un monde". Catherine Frot confie à franceinfo Culture comment elle a "physiquement" travaillé ce rôle et son enthousiasme pour ce film "bucolique" qui pour elle, défend "des valeurs fondamentales". La fine fleur est à voir à partir du 30 juin dans les salles.
franceinfo Culture : qu'est-ce qui vous a séduit dans le scénario de "La fine fleur" ?
Catherine Frot : j'ai trouvé qu'il y avait une ambition. Il y a plusieurs strates, plusieurs choses racontées dans le film, qui s'imbriquent très bien. J'ai aussi été séduite par la personnalité du réalisateur, Pierre Pinaud. Et puis madame Vernet était un personnage drôle à travailler. J'ai aimé le panache et le mauvais caractère de mon personnage, et une allure. Et puis c'est le monde du travail aussi…
Ce film ne parle pas que des roses ?
Non, pour moi c'est un film sur la beauté. La beauté des roses et la beauté des relations humaines. Je résumerais ça comme ça. Et ça parle aussi des grosses entreprises qui avalent les petites entreprises. C'est un film qui montre comment il faut se battre pour résister, un film sur la puissance et la beauté du travail, et notamment celui des roses, puisque c'est le décorum du film.
Est-ce que vous pouvez nous dire en deux mots qui est Eve Vernet ?
Ce personnage est une créatrice de roses, à un niveau artisanal et familial. Mais l'artisanat, financièrement, ce n'est pas toujours facile. Cette femme souffre, mais elle continue à se battre. C'est aussi quelqu'un qui n'a pas encore assumé le deuil de son père. Donc c'est une solitaire. Elle ne vit que dans le souvenir et elle a une frustration dans la vie, clairement. Elle a besoin de ressourcer. Et tout à coup, ce sont ces trois pieds nickelés qui vont la ressourcer. Et elle-même aussi, va les aider à se ressourcer. Ils vont petit à petit s'apporter mutuellement des choses. J'aime l'antagonisme entre Eve Vernet et ces trois exclus, ces trois "bras cassés" venus pour lui donner un coup de main. Elle est consternée dans un premier temps. Elle a un mépris profond pour ces "petites gens". Et eux aussi d'ailleurs, ont une forme de mépris pour elle. Ils ne sont donc pas du tout faits pour s'entendre, mais il va se passer des choses. Et ça c'est beau, c'est poétique. Tout ça dans un univers bucolique. Ça aussi ça me plaît.
Madame Vernet et ses trois employés ne sont pas du même monde ?
Non pas du tout. Eux, ils sont sur le bas-côté de la société. Elle, a priori ça va, mais c'est une gloire passée, et donc à un moment donné, elle se retrouve aussi au bord de la route, à deux doigts de fermer, de tout abandonner. Eux, ils n'ont rien, ils n'ont jamais rien eu. Ils n'ont rien à perdre, et elle non plus n'a plus rien à perdre au bout d'un moment. Donc il va se passer quelque chose…
Comment avez-vous travaillé le rôle de madame Vernet ?
J'ai d'abord travaillé sur ce que l'on appelle "la dégaine". J'ai beaucoup aimé travailler ce personnage, avec les costumes, les accessoires. Pour moi c'était important qu'il y ait une accessoirisation. J'avais envie des lavallières, ces espèces de cravates féminines sur les corsages, de fumer une petite pipe à deux trois occasions du film, le chapeau... Être légèrement masculine, travaillant la terre mais en même temps avec un certain raffinement. J'avais envie d'une "dégaine", donc ce rôle, je l'ai d'abord travaillé physiquement.
Elle est un peu d'un autre âge non ?
Oui, elle est un peu d'un autre âge, un peu surannée. Elle me fait penser à ma grand-mère dans les années 1960-1970. C'est un peu une autre époque, mais c'est avant tout un être humain qui va évoluer très fort.
Est-ce que vous aimez la nature, est-ce que vous aimez les roses ?
J'adore la nature. Je pourrais dormir dehors tellement j'aime être dans la nature. Mais pour les fleurs, je n'ai pas du tout la main verte, mais pas du tout ! Donc j'ai vraiment dû m'y mettre. J'ai vraiment dû apprendre, parce que c'est l'illusion qui m'intéresse dans ce métier. Les roses, avant, je ne les regardais pas beaucoup. Maintenant je les regarde et je les connais un peu mieux…
Et pourtant on dirait que vous avez fait ça toute votre vie ! Il y a un peu de Madame Vernet en vous non ?
Plus ou moins. C'est toujours pareil les acteurs avec les personnages. On a forcément des traces de nous-mêmes et puis on invente un monde. On invente une personnalité. C'est comme si on allait articuler une grande marionnette. Pour moi il y a toujours eu ça.
"Mon métier, c'est de créer l'illusion, et pour ça, il faut fabriquer quelque chose."
Catherine Frotà franceinfo Culture
J'ai toujours eu cette petite distance entre moi-même et le personnage. Toujours. Je ne suis jamais tout à fait moi-même. J'ai l'impression d'inventer quelque chose. Que ce soit dans Les saveurs du palais, ou j'étais une très bonne cuisinière, dans La tourneuse de pages, une pianiste virtuose, dans Marguerite une chanteuse d'opéra qui chante faux, j'ai souvent eu à jouer des métiers que je ne connaissais pas. Chaque fois, je dois travailler cette dimension-là. Chaque fois, ça me demande un travail préparatoire sur les gestes, les accessoires, les outils. Avec La fine fleur, il y eu à travailler la patience, et l'excellence dans la création d'une rose exceptionnelle.
C'est un peu une artiste cette femme ?
C'est un film sur la beauté. C'est la beauté des roses mais c'est aussi la beauté des relations humaines. Il y a ces deux dimensions dans le film.
C'est un beau rôle ?
Ah oui, c'est un très beau rôle, parce que c'est un personnage complexe. Sa solitude, son passé… il y a un mystère chez cette femme je trouve.
Mais c'est aussi une histoire réconfortante, positive. On doit regarder ça comme un conte ou bien ce genre d'histoire peut arriver dans la vraie vie ?
Bien sûr ! Bien sûr que ça arrive dans la vie. Bien sûr qu'il y a des difficultés traversées qui ont une fin heureuse, surtout quand on continue à se battre. C'est un film d'espoir. C'est l'énergie, c'est la curiosité, c'est une générosité, une attention. C'est du lien, et là en l'occurrence il s'agit de quelqu'un qui va s'ouvrir aux autres. Ça, c'est une valeur fondamentale. Tout ça, ce sont des valeurs fondamentales aujourd'hui.
"C'est un film anti-cynique. Et pourtant aujourd'hui il y en a beaucoup du cynisme, et notamment dans le cinéma. Le cynisme, le second degré, ont pris beaucoup de place dans le cinéma aujourd'hui, et moi, ce n'est pas ce que je préfère."
Catherine Frotà franceinfo Culture
Plutôt que de se moquer des autres, des personnages, je préfère que l'on soit avec eux. J'ai eu comme une révélation en écoutant l'autre jour Edgar Morin à la Grande Librairie. Il va avoir 100 ans dans quelques jours, mais l'esprit d'Edgard Morin, ce qu'il dit quand il parle du lien entre les gens, quand il parle des difficultés qu'on traverse tous depuis plusieurs années, pour moi il a à voir avec l'esprit du film. Ça m'a fait tilt.
Votre relation avec le jeune garçon, Fred, dégage une grande émotion. Il y a en arrière-plan cette question sur la maternité, de la parentalité, du défaut de responsabilité de certains parents, aussi…
Oui, avec le personnage de Fred, joué par l'acteur Melan Omerta, qui est magnifique, il y a une transmission, effectivement.
Et avec Vincent Dedienne, votre partenaire au théâtre en 2020, vous interprétez encore dans ce film deux personnages que tout oppose. Votre relation est-elle vouée au mariage de la carpe et du lapin ?
Peut-être bien ! (rires)
Quels sont vos projets ? Cinéma ? Théâtre ?
Je viens de finir un film de Tristan Séguéla, avec Fabrice Luchini, qui sortira dans un an… Et sinon, j'aimerais retourner sur les planches, mais pour l'instant je ne sais pas. Il faut que je trouve la bonne idée et que je rencontre les gens appropriés. Ça oui, ce serait mon souhait.
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