Festival de Cannes 2025 : "Imago", premier film tchétchène dans une sélection cannoise, ou la fabuleuse quête d'identité

Présenté à la Semaine de la critique au Festival de Cannes, "Imago" est un bijou d’humanité et une ode à l'altérité. Intime et universel.

Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
Scène du film documentaire "Imago" de Déni Oumar Pitsaev. (TRIPTYQUE FILMS)
Scène du film documentaire "Imago" de Déni Oumar Pitsaev. (TRIPTYQUE FILMS)

C'est un documentaire à tiroirs, un film complexe, fin, subtil sur la transmission, l'héritage, la paternité, l'identité, les identités… Imago, premier film tchétchène à être présenté à Cannes, à la Semaine de la critique, est un voyage dans un pays appelé humanité. Déni Oumar Pitsaev signe un documentaire bouleversant, avec des personnages qui portent en eux des pans entiers de l'Histoire. Des blessures et des espoirs. Des souffrances et des rêves.

Le rêve de la mère du réalisateur est de le voir marié, avec des enfants, et renouer avec ses racines. Comment ancrer une personne qui rêve de liberté et d'envol ? En lui achetant un lopin de terre en Géorgie, à une trentaine de kilomètres de la frontière avec la Tchétchénie, et en lui trouvant une épouse. Et pour l'encourager à faire le voyage, en essayant de lui narrer de faux souvenirs d'enfance.

Voyage, voyages

Le documentaire s'ouvre sur Déni Oumar Pitsaev à Bruxelles, recevant un appel depuis la Géorgie. Le réalisateur est attendu sur place. Tout le monde espère qu'il construira une maison, qu'il mette fin à son exil, à ses exils.

Direction Pankissi, enclave majoritairement peuplée de Tchétchènes qui s'y sont installés au XIXe siècle, fuyant les guerres russes. À partir des années 1990, la région voit affluer de nouveaux réfugiés tchétchènes à cause des guerres que le pays a connues.

Scène du film documentaire "Imago" de Déni Oumar Pitsaev. (TRIPTYQUE FILMS)
Scène du film documentaire "Imago" de Déni Oumar Pitsaev. (TRIPTYQUE FILMS)

En arrivant sur place, le réalisateur voit ses certitudes vaciller en découvrant sa famille élargie. En allant à la rencontre de l'Autre, il chemine aussi vers sa propre identité. Un voyage intérieur dont la caméra, très discrète, saisit les plus importants moments, ceux pleins de fragilité, comme ceux habités par une assurance flegmatique.

Déni Oumar Pitsaev a su mettre en confiance tous les protagonistes qui, par leur sincérité, partagent des moments de vérité uniques. Comme cette discussion autour d'une table d'un groupe de femmes qui évoquent leurs ambitions de jeunesse, le poids de la religion et des traditions… Avec un humour ravageur et une authenticité déstabilisante.

Scène du film documentaire "Imago" de Déni Oumar Pitsaev. (TRIPTYQUE FILMS)
Scène du film documentaire "Imago" de Déni Oumar Pitsaev. (TRIPTYQUE FILMS)

Et soudain le film prend une autre dimension, avec l'arrivée du père du réalisateur. Les cicatrices demeurent vives. Entre le père et le fils, des années d'incompréhension, de malentendus. Le film est aussi une occasion pour les deux de tenter de se rapprocher.

Les dialogues tiennent une place importante dans ce documentaire. Dans cette histoire où il est à la fois spectateur et acteur, Déni Oumar Pitsaev fait preuve d'une grande générosité. Imago, un film lumineux qui explore avec beaucoup de pudeur des thèmes universels. Poignant.

La fiche

Titre : Imago
Genre : Documentaire, Drame
Durée : 1h48
Réalisation : Déni Oumar Pitsaev
Date de sortie : NC
Synopsis : Déni est le nouveau propriétaire d'un petit lopin de terre dans une vallée isolée en Géorgie, à la frontière de la Tchétchénie, dont il est exilé depuis l'enfance. Il débarque là-bas et projette d'y construire une maison qui tranche drôlement avec les coutumes locales. Un fantasme qui ravive ses souvenirs et ceux de son clan déraciné qui pourtant ne rêve que d'une chose, le marier !

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