Festival de la BD d'Angoulême : un an après son sacre, Posy Simmonds dévoile "Herself" dans une exposition inédite

Pionnière du roman graphique, Posy Simmonds a reçu le Grand Prix du Festival d'Angoulême en 2024. Elle est au cœur d'une exposition au musée des Beaux-Arts pour cette 52e édition.

Article rédigé par Zoé Ayad
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 6min
Posy Simmonds au Festival d'Angoulême, le 30 janvier 2025. (ZOE AYAD / FRANCEINFO CULTURE)
Posy Simmonds au Festival d'Angoulême, le 30 janvier 2025. (ZOE AYAD / FRANCEINFO CULTURE)

Pour accéder à Posy Simmonds, il faut traverser une enfilade de salles du musée d'Angoulême où sont exposés quantité de fossiles, d'os et d'objets anciens. Ça tombe bien, Posy Simmonds aime fouiller les différentes strates de la société, pour en excaver toutes les vicissitudes de l'âme humaine. D'abord le dessin de presse dans The Guardian, puis le roman graphique avec Gemma Bovery et Tamara Drewe. Depuis les années 1970, la société britannique est passée au crible de sa plume satirique. Quatre étages plus haut, c'est le fruit de ses propres fouilles qui est exposé, dans une exposition introspective.

Véritable archéologue de la psyché humaine, Posy Simmonds sonde sa propre conscience pour dévoiler au public les sources de son inspiration. Des croquis inédits tirés de ses carnets personnels, un fanzine "subversif" exécuté à l'âge de 14 ans et même une brève histoire de la bande dessinée réalisée de son point de vue. La carrière de Posy Simmonds témoigne d'une intimité forte entre le dessin et l'écriture, elle a été honorée par le Grand Prix du Festival d'Angoulême l'année dernière. Signée Marguerite Demoëte et Damien MacDonald, l'exposition Herself se passe au musée d'Angoulême, du 30 janvier au 16 mars.

Image de l'album "Literary Life" de Posy Simmonds (2014). (DENOEL)
Image de l'album "Literary Life" de Posy Simmonds (2014). (DENOEL)

En visitant cette exposition, on comprend mieux la portée d'un tel prix pour cette femme qui a su faire de son sens de l'observation et de l'humour, un art à part entière. Le roman graphique est désormais un genre reconnu, repris par des générations d'artistes en Grande-Bretagne et dans le monde, tout comme le travail de Posy Simmonds. Sa présence à Angoulême est aussi l'occasion de revenir sur son expérience du plus grand festival de bande dessinée à travers le temps.

Nous retrouvons Posy Simmonds dans le musée qui accueille l'exposition. "Je suis vraiment ravie, jusqu'ici, tout ça était dans mon imagination, et dans des carnets que je n'avais dévoilés à personne", s'exclame-t-elle à propos de Herself, dans un français parfait, teinté d'un charmant accent britannique. L'émotion est d'autant plus grande que la dessinatrice n'était pas présente l'année de son sacre. En 2024, le prix lui avait été remis par l'entremise de son éditeur, Jean-Luc Fromental.

"Appartenir à une grande famille"

De retour cette année, à Angoulême, elle se remémore l'effet provoqué à l'annonce de sa victoire : "C'est être acceptée et appartenir à une grande famille, celle de la bande dessinée."

Les premiers pas de la dessinatrice au festival datent des années 1980. À l'époque, Angoulême apparaît comme"la Mecque pour les dessinateurs de presse et de bande dessinée", confie-t-elle. Un sentiment qu'elle retrouve, en 2025, "même s'il existe des festivals de BD au Royaume-Uni, je ne connais rien de tel qu'Angoulême où la ville est littéralement couverte de bande dessinée", ajoute-t-elle.

La rue de Friedland qui mène au musée d'Angoulême durant le festival, le 30 janvier 2025. (ZOE AYAD / FRANCEINFO CULTURE)
La rue de Friedland qui mène au musée d'Angoulême durant le festival, le 30 janvier 2025. (ZOE AYAD / FRANCEINFO CULTURE)

Bien avant son succès en France, alors que Posy Simmonds est dessinatrice de presse, Angoulême lui permet de s'évader d'un travail solitaire. "Le festival, c'était quelque chose de très important pour moi, un moment de rencontres avec des auteurs et des autrices du monde entier", affirme-t-elle. Certaines plus marquantes que d'autres, c'est le cas avec Claire Bretécher, son homologue française qui officie au Nouvel Observateur. Les deux femmes sont connues dans leurs pays respectifs pour disséquer avec humour la société bourgeoise et les élites.

C'est dans le journal anglais The Sunday Times que Posy Simmonds découvre le travail de Claire Bretécher, décédée en 2020. "Quand je suis allée à Paris, à la Fnac, j'ai acheté Les Frustrés, je suis une grande admiratrice de son travail." De cette rencontre angoumoisine est née une amitié nourrie d'expériences communes. "On était dans notre travail, comme un miroir l'une de l'autre", conclu Posy Simmonds.

Des rencontres artistiques au sein d'un "boys club"

Cette année, la sélection du Grand Prix était exclusivement féminine et c'est la dessinatrice Anouk Ricard qui est sacrée le 29 janvier. Un fait rare pour ce festival fréquemment critiqué pour le manque de parité dans les nominations. "Durant un temps, le festival était un véritable boys club où quelques femmes parvenaient à s'infiltrer", confirme Posy Simmonds.

Deux nominations féminines, sur deux années consécutives, laissent espérer l'aube d'une nouvelle ère, même si Posy Simmonds se plaît à rappeler que Florence Cestac est la première femme à avoir obtenu le prix en 2000. "Près de vingt ans après, j'ai été ravie d'intégrer le club", ajoute-t-elle.

Une observatrice hors pair à l'humour mordant

Cette année, le Festival d'Angoulême de Posy Simmonds n'est pas de tout repos. La dessinatrice de 79 ans regrette de ne pas avoir le temps de "flâner" dans la ville comme elle en avait l'habitude, pour observer à l'œuvre les passionnés de dessin. Observatrice hors pair, l'auteure trouve l'inspiration dans son environnement, et adopte une démarche presque sociologique. Pour réaliser l'album Tamara Drew à l'humour cru et très moderne, elle s'est appuyée sur des conversations de collégiennes entendues dans le bus à Londres. "Elles racontaient en sortant des cours, leurs histoires de cuites, d'alcool et j'écoutais leur manière d'en parler", explique-t-elle, en mimant les jeunes filles.

Et Posy Simmonds n'est pas près de s'arrêter, elle compte même s'y remettre dès la fin du festival. "Je travaille sur un nouveau roman graphique qui se déroule avant la minijupe, avant les Beatles et la pilule", explique-t-elle, "une époque révolue, après ça, tout a changé, surtout pour les femmes". Son dernier roman graphique, Cassandra Darke, date de 2019. Pour l'instant, pas de date de sortie annoncée par la dessinatrice qui travaille tous les jours, même le dimanche. "Autrefois, je dessinais et je travaillais très vite, souvent sous pression, maintenant, avec l'âge, c'est différent, mais quand même, je dessine", confie-t-elle.

Image de l'album "Cassandra Darke" de Posy Simmonds (2019). (DENOEL)
Image de l'album "Cassandra Darke" de Posy Simmonds (2019). (DENOEL)

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