À l'occasion de la Journée des droits des femmes, huit BD sur les femmes, pour les femmes et par les femmes

Pour célébrer la Journée du 8 mars, la rédaction a sélectionné huit bandes dessinées qui explorent avec singularité la condition des femmes en 2025.

Article rédigé par Zoé Ayad
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 9min
Les 8 couvertures des BD du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes (DR)
Les 8 couvertures des BD du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes (DR)

Qui a dit que la bande dessinée ne se prenait pas au sérieux ? Récits autobiographiques, portraits ou romans graphiques, depuis des années les autrices s'emparent de la bande dessinée pour aborder des thèmes propres à la condition des femmes. Maternité, santé, patriarcat ou encore figures rebelles, des centaines d'albums décrivent en dessin une réalité brutale pour les femmes du monde entier.

Sur le ton de l'humour, du polar ou de l'enquête journalistique, les autrices de bandes dessinées visibilisent des thèmes féministes dans un domaine dominé par les hommes. À l'occasion du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, à notre tour de visibiliser leur travail. Voici une sélection de huit bandes dessinées sur les femmes, pour les femmes et par les femmes, à dévorer sans modération.

1 "En territoire ennemi" : bienvenue en virilie !

Avec En territoire ennemi, Carole Lobel signe une bande dessinée "coup de poing". Récompensé cette année par le Prix spécial du jury au Festival d'Angoulême, le premier album de l'autrice traite avec un réalisme poignant de l'enfermement d'une femme dans une relation toxique. Une lecture choc ! Et pour cause, ce récit autobiographique relate la vie de l'autrice à la fin des années 1990. Encore jeune femme, elle s'émancipe d'une famille chrétienne traditionnelle et radicale, mais se retrouve piégée dans une relation avec Stéphane, un homme fasciné par les discours virilistes de l'extrême droite.

Un parcours de femme abusée par les hommes et désabusée par la vie qui ne porte en elle plus aucun espoir. Mais surtout, une lecture essentielle pour comprendre la crainte dans laquelle vivent les jeunes femmes alors que le fossé politique se creuse avec les hommes de leur âge, plus conservateurs.

"En territoire ennemi", Carole Lobel, L'Association, 224 pages, 26 euros

Couverture de l'album "En territoire ennemi" de Carole Lobel. (EDITIONS L'ASSOCIATION)
Couverture de l'album "En territoire ennemi" de Carole Lobel. (EDITIONS L'ASSOCIATION)

2 "Les femmes ne meurent pas par hasard" : comment punir la haine des femmes ?

La journaliste Charlotte Rotman signe un portrait dithyrambique de l'avocate Anne Bouillon, super-héroïne des temps modernes. Résultat d'une enquête menée sur trois ans, Les femmes ne meurent pas par hasard est une plongée étourdissante au cœur du système judiciaire français. D'un palais de justice à l'autre, l'autrice suit Anne Bouillon qui plaide la cause des femmes. Un choix controversé, mais pleinement assumé, pour cette avocate nantaise qui a décidé de ne plus défendre les agresseurs.

Dans cette bande dessinée, des affaires de harcèlement, d'agressions sexuelles et de féminicides sont décrites sans fard. Mais derrière le fait divers, le combat extraordinaire d'Anne Bouillon qui allie son engagement féministe à sa profession pour combattre des violences qu'elle juge systémiques.

"Les femmes ne meurent pas par hasard", Charlotte Rotman, Lison Ferné et Anne Bouillon, Steinkis, 189 pages, 24 euros

Couverture de l'album "Les femmes ne meurent pas par hasard" de Charlotte Rotman, Lison Ferné et Anne Bouillon. (EDITIONS STEINKIS)
Couverture de l'album "Les femmes ne meurent pas par hasard" de Charlotte Rotman, Lison Ferné et Anne Bouillon. (EDITIONS STEINKIS)

3 "Marcie - Le Point de bascule" : un plaidoyer joyeux contre l'âgisme

Dans cette bande dessinée joviale, Cati Baur traite avec inventivité de l'invisibilisation des femmes "mûres". L'héroïne Marcie Bangor, la cinquantaine en vue, plaide son don d'invisibilité pour intégrer la prestigieuse agence de détective Dulac. Spécialiste de la filature, elle part sur les traces des chiens volés de la capitale, et s'envole jusqu'à New York pour enquêter sur une défenestration mystérieuse.

Derrière ce polar déjanté, l'autrice dénonce une réalité affligeante : l'effacement des femmes de l'espace public après des années de sexualisation à outrance. Un sujet de société que l'autrice décide d'aborder avec humour dans un album qui rappelle le mordant de la Britannique Posy Simmonds et de la Française Claire Bretécher.

"Marcie - Le Point de bascule", Cati Baur, Dargaud, 144 pages, 20,50 euros

Couverture de l'album "Marcie - Le Point de bascule" de Cati Baur. (EDITIONS DARGAUD)
Couverture de l'album "Marcie - Le Point de bascule" de Cati Baur. (EDITIONS DARGAUD)

4 "Je pense que j'en aurai pas" : l'expérience de la non-maternité

Journal d'une nullipare (qui n'a pas enfanté) au XXIe siècle, Je pense que j'en aurai pas aborde avec sensibilité l'expérience de la non-maternité. Âgée de 37 ans, Catherine Gauthier interroge la condition des femmes sans enfant à travers son parcours, mais aussi à partir de témoignages actuels. Le dessin hyperréaliste de l'autrice confère à cet album un air de roman-photo et offre une dimension documentaire à ce récit subjectif.

"Les gens ne réalisent pas que leurs questions peuvent soulever des tempêtes. Qui sait ce qui se cache derrière le sourire poli d'une femme ?", écrit l'autrice Catherine Gauthier au nom de toutes les femmes qui n'ont pas d'enfants. Un album tout en douceur qui déconstruit le rapport invasif de la société à la maternité et invite à la bienveillance.

"Je pense que j'en aurai pas", Catherine Gauthier, Éditions XYZ, 136 pages, 22 euros

Couverture de l'album "Je pense que j'en aurai pas" de Catherine Gauthier. (EDITIONS EQUATEURS)
Couverture de l'album "Je pense que j'en aurai pas" de Catherine Gauthier. (EDITIONS EQUATEURS)

5 "Sibylline" : récit intime et politique des corps féminins

Révélation BD de la rentrée 2025, Sixtine Dano surprend avec un premier roman graphique engagé. À partir de témoignages et d'entretiens, l'autrice signe les Chroniques d'une escort girl. L'héroïne, Raphaëlle, étudiante le jour, mène une double vie d'escort : la nuit, elle revêt son "uniforme" de femme fatale et devient secrètement Sibylline. À la fois l'appât et la proie des hommes, la jeune fille se risque à devenir le pion d'un jeu dont elle ne fixe pas les règles.

Préfacée par la chanteuse Solann, cette bande dessinée féministe explore sans tabou le rapport au corps et à la sexualité. Porté par une héroïne inspirante, Sibylline reste avant tout une critique virulente de la marchandisation du corps des étudiantes. Témoignage sensible du passage de l'adolescence à l'âge adulte, qui se vit parfois dans la précarité et contraint les jeunes femmes à vivre des fantasmes masculins.

"Sibylline, chroniques d'une escort girl", Sixtine Dano, Glénat, 264 pages, 22,50 euros

Couverture de l'album "Sibylline, chroniques d'une escort girl" de Sixtine Dano. (EDITIONS GLENAT)
Couverture de l'album "Sibylline, chroniques d'une escort girl" de Sixtine Dano. (EDITIONS GLENAT)

6 "Madame Haram" : un femmage aux jeunes filles mariées de force

La marocaine Zaibab Fasiki fait son retour avec un nouvel album engagé. Premier tome d'une série, Madame Haram est une critique de la société marocaine, où les mariages forcés sont toujours monnaie courante. Remarquée grâce à l'album Hshouma, la bédéiste avait reçu, en 2022, le Prix Couilles au cul en marge du Festival d'Angoulême. Il faut dire que Zaibab Fasiki fait preuve d'un immense courage. À chacune de ses publications, l'ingénieure reconvertie en autrice passe au crible de son dessin frondeur les vices de son pays natal.

Construit en sept chapitres, comme les sept péchés capitaux, Madame Haram relate la réalité très crue qui s'impose aux femmes marocaines, à travers l'histoire d'Aïcha, fille illégitime et fruit d'un viol. Un femmage qu'elle dédie à toutes les jeunes filles qui se battent pour leurs droits dans le monde.

"Madame Haram", Zainab Fasiki, Massot éditions, 112 pages, 22,90 euros

Couverture de l'album "Madame Haram" de Zainab Fasiki. (EDITIONS MASSOT)
Couverture de l'album "Madame Haram" de Zainab Fasiki. (EDITIONS MASSOT)

7 "Chère Maman" : briser le tabou de l'emprise maternelle

"Il y a des albums qu'on attend, d'autres qu'on espère..." Cette bande dessinée, Sophie Adriansen l'a ardemment désirée pour mettre fin au tabou de l'emprise parentale. Lorsqu'il est question de domination, c'est la violence des hommes envers les femmes qui vient immédiatement à l'esprit, les mères sont rarement soupçonnées. Pourtant, 20% de la population a grandi avec un parent toxique, révèle cette bande dessinée qui décrit avec effroi les mécanismes infernaux de l'emprise maternelle.

Avec Chère Maman, Sophie Adriansen et Mademoiselle Coco racontent l'histoire d'une renaissance, hors du regard rabaissant de la mère. À travers le personnage émouvant d'Alix, les autrices révèlent avec courage une réalité silenciée.

"Chère Maman, les mères aussi peuvent être toxiques", Sophie Adriansen et Mademoiselle Caroline, Glénat, 256 pages, 26 euros

Couverture de l'album "Chère Maman, les mères aussi peuvent être toxiques" de Sophie Adriansen et Mademoiselle Caroline. (EDITIONS GLENAT)
Couverture de l'album "Chère Maman, les mères aussi peuvent être toxiques" de Sophie Adriansen et Mademoiselle Caroline. (EDITIONS GLENAT)

8"Jungle" : l'autisme au féminin

À 26 ans, Gabi sent bien que quelque chose cloche. Depuis l'enfance, la jeune femme a constamment l'impression d'être à côté de la plaque. Tocs, hypersensibilité au bruit et à la lumière, écholalie, Gabi souffre en silence d'autisme.

Scénarisée par deux autrices atteintes d'autisme, Jungle confronte au tas de préjugés qui entourent les personnes autistes et freinent leur prise en charge. Des discriminations qui touchent en premier lieu les femmes, diagnostiquées sur le tard, car naturellement enjointes à s'adapter et à masquer leurs émotions. Traité médical et manifeste féministe, Jungle est une invitation dans la tête d'une personne autiste, atteinte de ce handicap invisible, trop souvent minimisé.

"Jungle, une traversée de l'autisme au féminin", Adélaïde Barat Magnan, Justine Langlois et Fanny Modena, Éditions La ville brûle, 164 pages, 20 euros.

Couverture de l'album "Jungle, une traversée de l'autisme au féminin" d'Adélaïde Barat Magnan, Justine Langlois et Fanny Modena. (EDITIONS LA VILLE BRULE)
Couverture de l'album "Jungle, une traversée de l'autisme au féminin" d'Adélaïde Barat Magnan, Justine Langlois et Fanny Modena. (EDITIONS LA VILLE BRULE)

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