"Un soir avec les impressionnistes, Paris 1874" : l’expérience de réalité virtuelle testée au musée d’Orsay est bluffante
En parallèle à l'exposition événement sur la naissance de l'impressionnisme, le musée d'Orsay propose aux visiteurs une expérience inédite en réalité virtuelle. Elle nous plonge au cœur de la première exposition du groupe de peintres, boulevard des Capucines, et des lieux où l'idée en a germé. Une balade saisissante de réalisme dont nous sommes sortis bouleversés.
Éblouissant. C’est le mot que nous avions en tête à la sortie de la balade en réalité virtuelle qui accompagne l’exposition Inventer l’impressionnisme au musée d’Orsay, que nous avons testée le jour de l’ouverture au public mardi 26 mars. Quarante-cinq minutes en téléportation, il y a cent cinquante ans, au cœur de la naissance d’un mouvement pictural qui a révolutionné la peinture. La promesse numéro un de cette expérience ? Nous faire revivre la soirée d’inauguration de la toute première exposition des impressionnistes qui eut lieu au soir du 15 avril 1874, dans l’ancien atelier du photographe Nadar, au 35 boulevard des Capucines. Mais elle nous emmène bien au-delà de cette seule reconstitution...
Le dispositif ne nécessite que d’enfiler un casque de réalité virtuelle plutôt léger, puis de déambuler dans un espace de 550 m2 pouvant accueillir jusqu’à 80 personnes à la fois. Peu de risques de se cogner : nous sommes prévenus que les obstacles (murs) nous seront signalés par des pointillés rouges. Quant aux autres participants, nous les distinguerons en silhouettes. Le voyage peut commencer.
La première scène, place de l'Opéra, nous plonge dans le bain
Nous voici place de l’Opéra, côté café de la Paix, à deux pas de l’atelier Nadar situé face au début de la rue Scribe. Les fiacres, omnibus à cheval et autres charrettes manquent de nous écraser (nous passer au travers en réalité), lorsque surgit une jeune femme vêtue d’une robe sobre mais élégante à crinoline bleue, qui ressemble fort à La Parisienne peinte par Renoir en 1874.
Vive et enjouée, elle se présente sous le prénom de Rose et se propose de nous mener à l’exposition. Elle sera notre guide durant tout le parcours. Pour qui est sensible aux images du vieux Paris, ces premières téléportations sont réjouissantes. En chemin, Rose s’arrête devant une petite marchande de fleurs, et derrière elle, un cavalier fait se cabrer son cheval sur le boulevard. On s’y croirait. On est bluffés.
Puis c’est l’entrée dans l’atelier de Nadar : nous pénétrons dans l’intimité de ce qui ressemble à un appartement, avec, sur deux niveaux, une enfilade de pièces de taille modeste tendues de tissu rouge. Aux murs, des dizaines de tableaux, ceux des 31 artistes exposés, dans un accrochage reconstitué le plus fidèlement possible. Par la fenêtre, le jour est tombé, et l’on peut observer la vie qui se poursuit sur le boulevard.
Au fil du parcours, plusieurs peintres de ce mouvement d’avant-garde en pleine éclosion vont tour à tour nous présenter un de leurs tableaux : Claude Monet, Edgar Degas, Camille Pissarro, Paul Cézanne. Le marchand d’art Paul Durand-Ruel, qui a tant compté pour promouvoir ce groupe d’artistes en rupture avec l’académisme de leur temps, vient à notre rencontre. Nous assistons à un dialogue entre la talentueuse Berthe Morisot et notre guide Rose, remontées contre la quasi-impossibilité pour les femmes d’embrasser une carrière artistique sans mettre en jeu leur réputation.
Un souci poussé du détail
La balade ne s’arrête pas là, bien au contraire. Le courant artistique s’invente sous nos yeux. Un flash-back nous mène au cœur d’une réunion des futurs impressionnistes dans l’atelier de Frédéric Bazille, peintre très prometteur, fauché trop tôt, dès 1870, à l'âge de 28 ans, dans la guerre contre l'armée prussienne.
C’est là, dans cet atelier des Batignolles qui hébergeait nombre d’artistes du groupe, que germa l’idée, ardemment défendue par Bazille, de fausser compagnie au Salon officiel et ses censeurs et d’organiser un salon indépendant pour exposer librement.
Nous nous rendons bientôt gare Saint-Lazare (souvent immortalisée par Édouard Manet), au milieu des fumées et du charivari, en route pour Bougival et l’île de la Grenouillère, ses reliefs bucoliques et ses guinguettes. Nous y rejoignons Claude Monet et Pierre-Auguste Renoir, dialoguant tout en travaillant à leurs chevalets. La lumière là-bas est splendide, les reflets jouant sur l’eau – ces jeux de lumière fugaces que les impressionnistes tentaient justement de saisir –, et c’est un luxe de détails sur l’ambiance détendue et ensoleillée au milieu des baigneurs qui nous accueille.
Le souci de réalisme se lit partout : dans la physionomie des lieux, dans la sonorisation, dans les traits des figures réputées que l’on croise (ceux de la belle Berthe Morisot ont été les plus difficiles à travailler), dans les tenues, mais aussi dans la façon de parler. Tout a donné lieu à de minutieuses recherches.
Voir le port du Havre par-dessus l'épaule de Monet
Mais l’effet le plus saisissant, le plus "waouh !" survient lorsque nous débouchons soudain sur le balcon d’un petit appartement donnant sur le port du Havre. Là précisément où Monet a peint, en 1872, son célébrissime Impression, soleil levant.
Le souci d’exactitude a été jusqu’à étudier le cadastre et l’état du port à l’époque, nous apprend Pierre Gable, directeur artistique de Emissive Excurio, l’entreprise conceptrice du parcours (à qui l’on doit déjà Éternelle Notre-Dame, L’Horizon de Khéops et Mondes disparus), rencontré à l’issue de l’expérience.
"Ce média de réalité virtuelle est précieux pour tenter de transmettre ce qu’est une impression", nous a-t-il confié. "Lorsqu’on arrive au Havre sur ce balcon, il s’agit de faire comprendre aux visiteurs que Monet ne peint pas le sujet, le soleil : il peint ce qui est entre le sujet et lui, il peint ce qu’il ressent. Nous avons beaucoup travaillé la lumière, que nous avons voulue légèrement surréaliste pour baigner justement nos visiteurs dans une émotion d’emblée."
Au-delà de cette scène, "nous avons essayé de transmettre les émotions que pouvaient ressentir ces peintres, mais aussi leur audace, leur quête de sincérité et de vérité, et leur courage à se démarquer. Notre objectif est aussi qu’à l’exposition, nos visiteurs aient un frisson particulier en découvrant les vrais tableaux." Cela fonctionne au-delà des espérances… Croyez-le ou non, nous sommes sortis les larmes aux yeux.
Expérience immersive "Un soir avec les impressionnistes, Paris 1874". Au musée d'Orsay, du 26 mars au 11 août 2024. Tarif : 16 euros. L'expérience est conseillée à partir de 11 ans.
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