Markus Lüpertz à Paris : une rétrospective à rebours
Le Musée d'art moderne de la Ville de Paris présente une grande rétrospective de Markus Lüpertz, peintre allemand contemporain peu exposé en France. 140 peintures, sculptures et dessins qui retracent, à rebours, la carrière d'une artiste à l'oeuvre traversée par des motifs récurrents, entre figuration et abstraction (jusqu'au 19 juillet 2015).
Il s'agit de la première grande exposition consacrée à Markus Lüpertz dans un musée parisien, souligne Fabrice Hergott, le directeur du Musée d'art moderne de la Ville de Paris. Il fait partie d'une génération d'artistes nés en Allemagne à l'époque du nazisme, et qui ont voulu voir en face ce qui s'était passé. "A mon sens, c'est un des plus grands artistes que nous avons l'honneur de montrer au Musée d'art moderne, le dernier grand artiste allemand qui restait à y montrer. Un artiste européen aussi, il y tient beaucoup", ajoute Fabrice Hergott.
Markus Lüpertz, homme élégant de 77 ans à la petite barbe blanche bien taillée, qui n'hésite pas à dire qu'il est un génie, rejette le terme de dandy qu'on lui attribue souvent. "Le dandy ne se salit pas, ne travaille pas, tout ce qui l'occupe c'est son apparence", dit-il. "Moi, je me salis beaucoup quand je travaille et je ressens le besoin de bien m'habiller bien" en dehors de l'atelier, se défend-il.
Peintre et sculpteur
Né en 1941 en Bohême, Markus Lüpertz a étudié à l'Ecole des Arts appliqués de Krefeld avant de s'installer à Berlin en 1962 où il peint et publie aussi des manifestes artistiques et des poèmes.L'artiste est présent dès avant d'entrer dans l'exposition, avec deux sculptures posées dans le grand hall du musée, "Achille" et "La tête d'Hector", deux grands bronzes polychromes aux formes rudes qui montrent son intérêt pour l'Antiquité. Markus Lüpertz est d'abord peintre mais il s'est mis également à la sculpture à partir de 1981. "Je ne fais pas de séparation entre la peinture et la sculpture. Les deux sont étroitement imbriquées", dit l'artiste.
Pour la commissaire de l'exposition Julia Garimorth, "sa sculpture est comme une peinture qui se développe dans l'espace, facette par facette".
Une rétrospective à rebours
L'exposition est une rétrospective à rebours, qui part des dernières œuvres, dont deux peintures toutes récentes, à ses "Donald Duck" et aux premières peintures "dythirambiques" des années 1960 réalisées pendant une période marquée par l'expressionnisme abstrait américain et le pop art, dont il s'émancipe rapidement.Les dernières peintures sont consacrées à l'Arcadie, le monde idéal des Grecs anciens, dans des couleurs douces et vibrantes (une allusion à Matisse, une aspiration au Sud). D'autres œuvres plus anciennes, comme celles consacrées à la guerre, au moment du conflit en ex-Yougoslavie et de la guerre en Irak, sont beaucoup plus sombres et plus sourdes, dans les gris et les marrons.
Une perturbation dans une image idyllique
"Il se réfère à un paysage idyllique mais il y introduit un grain qui perturbe et contrecarre une lecture classique du sujet, comme une petite impureté qui s'infiltre dans une huitre, il a besoin de cette perturbation qui suscite des interrogations", explique la commissaire de l'exposition, Julia Garimorth. Ainsi, à côté de nus ou de fragments de nus dans la nature apparaissent des motifs comme le casque de soldat ou la coquille d'escargot, motifs récurrents dans toute son œuvre, pourtant très variée, qui doivent être interprétés par celui qui la regarde.Car, pour Markus Lüpertz, "la peinture est aveugle et ne vit qu'à travers le regard du spectateur". Une idée qui rejoint peut-être celle de l'inachèvement : il souhaite laisser l'œuvre ouverte.
Les motifs des casques ou des casquettes militaires, des toiles de tente, étaient apparus dans ses peintures "dythirambiques" des années 1960-1970. Le terme est emprunté à Nietzsche et "décrit le moment intense où on passe d'un état à un autre à travers un dépassement de soi-même", explique Julia Garimorth. "Markus Lüpertz a transposé ce concept de dépassement à la peinture.
L'abstraction à partir de la figuration
En grossissant des motifs banals et en apparence figuratifs, comme les casques, ou en les accumulant, il arrive près de l'abstraction. Les œuvres de la série "Parsifal, hommes sans femmes" des années 1990, inspirées de la figure médiévale de Perceval, des visages représentés de face qui disparaissent sous une grille, s'approchent aussi de l'abstraction. Pour Markus Lüpertz, "il faut sans cesse saisir une opportunité figurative pour faire de l'abstraction" et, de toute façon, "il n'y a de tableaux qu'abstraits".Lüpertz s'intéresse dans les années 1980-90 aux maîtres de la peinture, comme Corot, Goya, Courbet. De Poussin, il reprend des figures comme Adam et Eve dans "Le Printemps", parfois seulement des fragments, des membres qu'il met dans un paysage ou sur une scène. Autre grand coup de cœur, Maillol, dont il dit qu'il fait le lien entre tradition et modernité, remarquant au passage qu'"il n'y a pas d'art ancien ou nouveau, il n'y a que de l'art" et que "l'essentiel est qu'il soit bon".
L'artiste, un être insatisfait
Malgré l'apparente sérénité de ses dernières peintures, un artiste, c'est constamment malheureux, pense Markus Lüpertz. Préoccupé par la postérité, il assure que "vous travaillez pour l'éternité mais vous ne pouvez pas savoir si elle ne vous oubliera pas.""Pardonnez-moi de donner une image légère", dit-il. "Car mon travail est un travail sérieux, qui torture et me rend insatisfait."
Markus Lüpertz, Une rétrospective, Musée d'art moderne de la Ville de Paris, 11 avenue du Président Wilson, 75016 Paris
Du mardi au dimanche, 10h-18h, le jeudi jusqu'à 22h, fermé le lundi
Tarifs : 10€ / 7€
Du 17 avril au 19 juillet 2015
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