L'artiste brésilien Ernesto Neto revisite le mythe d'Adam et Ève dans son installation "Le La Serpent" au Bon Marché à Paris

Article rédigé par Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5min
L'exposition "Le La Serpent" d'Ernesto Neto au Bon Marché, à Paris, janvier 2025. (CORINNE JEAMMET / FRANCEINFO CULTURE)
L'exposition "Le La Serpent" d'Ernesto Neto au Bon Marché, à Paris, janvier 2025. (CORINNE JEAMMET / FRANCEINFO CULTURE)

Après Ai Weiwei, Joana Vasconcelos, Prune Nourry ou Daniel Buren, Le Bon Marché Rive Gauche accueille, pour sa dixième invitation artistique, l'artiste brésilien Ernesto Neto et son exposition "Le La Serpent".

Pour sa dixième exposition artistique, Le Bon Marché Rive Gauche invite l'artiste brésilien Ernesto Neto à prendre possession des lieux jusqu'au dimanche 23 février, deux mois avant le début en avril de la saison France-Brésil pour fêter 200 ans de relations diplomatiques.

Seule contrainte pour l'artiste : travailler autour de la couleur blanche, en référence au "mois du blanc" initié par Aristide et Marguerite Boucicaut, les fondateurs du Bon Marché Rive Gauche au XIXe siècle. "C'est l'ADN de notre démarche", explique Frédéric Bodenes, directeur artistique et image du magasin.

L'artiste qui a exposé dans le monde entier est connu pour son œuvre en tant que sculpteur. Engagé en faveur d'une reconnexion à la nature, il est célébré en France depuis son exposition parisienne Leviathan Thot au Panthéon en 2006.

On découvre son travail tout d'abord dans les dix vitrines extérieures, rue de Sèvres, où se déploie son œuvre : un énigmatique serpent, dessiné par l'artiste, ondule d'une vitrine à l'autre, invitant à le suivre pour découvrir l'intérieur du magasin.

L'exposition Le La Serpent se compose de plusieurs œuvres monumentales, déroutantes, réalisées en crochet et créées depuis son atelier de Rio de Janeiro. Il livre son interprétation joyeuse et spirituelle du mythe fondateur de l'humanité, dans la culture occidentale, à travers les figures d'Ève, d'Adam et du serpent. "Tout mon travail consiste à créer une relation avec le spectateur. Mes sculptures dansent, attirées par la gravité", explique l'artiste.

L’exposition "Le La Serpent" d'Ernesto Neto au Bon Marché à Paris, janvier 2025. (STÉPHANE ABOUDARAM)
L’exposition "Le La Serpent" d'Ernesto Neto au Bon Marché à Paris, janvier 2025. (STÉPHANE ABOUDARAM)

Occupant tout l'espace sous les verrières, les œuvres s'exposent d'abord de chaque côté de l'escalator : de monumentales formes organiques en coton, remplies de feuilles séchées de la région parisienne, représentent Eve – côté rue de Babylone – et Adam – côté rue de Sèvres. Leurs contrepoids renferment des billes d'argile et rappellent le thème récurrent de la création de la vie à partir de ce matériau dans différentes mythologies. Entre eux, se faufile dans un parcours sinueux, Le La Serpent, une œuvre de 28 mètres, réalisée en crochet, maintenue par 45 arcs en bambou.

"Je pense que rien n'est totalement indépendant de son environnement" souligne Ernesto Neto. "Tout est toujours dans un état de balancier et de dualité. Cette installation est une danse avec la gravité pour célébrer la création de l'humanité, la vie et les corps. "

L'exposition "Le La Serpent" d'Ernesto Neto au Bon Marché, à Paris, janvier 2025. (CORINNE JEAMMET / FRANCEINFO CULTURE)
L'exposition "Le La Serpent" d'Ernesto Neto au Bon Marché, à Paris, janvier 2025. (CORINNE JEAMMET / FRANCEINFO CULTURE)

Au deuxième étage, la sensualité de son œuvre prend un tournant plus immersif puisque le public est invité à se déchausser pour vivre l'expérience avant de pénétrer dans "Avant que le temps n'apparaisse". C'est une espace de cabane avec au centre "un arbre de la connaissance", un tronc rempli de feuilles d'arbres séchées, symboles de vie, mélangées à du papier blanc provenant des arbres. Les contrepoids qui assurent l'équilibre de la sculpture renferment dans leurs fruits des épices et de l'argile. "L'odeur se répand partout", raconte Ernesto Neto. "Dans la sculpture mais également dans le corps de celui qui la regarde. Je veux rappeler aux clients qu'ils ont un corps, qu'ils le sentent. Pour cela, l'odeur a un impact merveilleux, elle va activer la mémoire. Le curcuma est solaire. On sent aussi le cumin." Il faut cependant avoir un extraordinaire odorat pour s'en rendre compte.

Pensé comme un espace de rencontres, c'est une expérience multisensorielle que propose l'artiste. Les murs recouverts d'ardoise peuvent devenir le support de dessins éphémères réalisés à la craie par les visiteurs qui perçoivent dans le même temps les paroles d'une chanson composée par Ernesto Neto et diffusée dans cet espace. Enfin, le mouvement des bouchons multicolores accrochés par l'artiste autour de l'œuvre permet de créer une nouvelle mélodie, rappelant le bruit de la pluie, si le visiteur s'amuse à secouer gentiment les panneaux blancs en crochet. 

L'exposition "Le La Serpent" d'Ernesto Neto au Bon Marché, à Paris, janvier 2025. (CORINNE JEAMMET / FRANCEINFO CULTURE)
L'exposition "Le La Serpent" d'Ernesto Neto au Bon Marché, à Paris, janvier 2025. (CORINNE JEAMMET / FRANCEINFO CULTURE)

"Il y a une incompréhension du mythe d'Eve et d'Adam"

Ces œuvres monumentales répondent à sa propre interprétation du mythe d'Adam et Eve qu'il préfère appeler Eve et Adam. "Il y a une incompréhension du mythe d'Eve et d'Adam. Et cela génère frustration et culpabilité dans notre monde. Il est écrit que le serpent est le diable. Au contraire, je crois que si Eve n'avait pas croqué le fruit, il n'y aurait pas d'humanité. Ils seraient toujours au paradis et nous ne serions pas là. Pour moi, le serpent est celui qui nous a donné vie ! Sans lui, il n'y aurait ni culture, ni objets, ni Bon Marché Rive Gauche" conclue Ernesto Neto.

Né en 1964 à Rio de Janeiro, cet artiste contemporain majeur est reconnu pour ses installations sculpturales en crochet. Ses œuvres, semblables à des organismes vivants, sollicitent les sens et cherchent à reconnecter l'homme à la nature. Elles sont faites pour être traversées, habitées et ressenties, parfois même senties. Le visiteur est invité à expérimenter avec son corps, ses sens et son esprit. Depuis quelques années, il utilise exclusivement des matériaux naturels comme le coton, les épices, le bois, l'argile ou les feuilles d'arbres.

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