Hopper, un célèbre inconnu au Grand Palais
Le peintre américain Edward Hopper laissait planer le doute sur le sens à accorder à son œuvre, mais ses toiles parlent pour lui et permettent de le découvrir francophile, cinéphile, philosophe.
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EXPOS - Calendriers, agendas, puzzles, mugs… Edward Hopper (1882-1967) est partout, et l'on croit le connaître. Pour le grand public français, il reste ce peintre de l'Amérique de l'entre-deux guerres qui montre des personnages déprimés, perdus dans des décors froids. L'expo événement présenté au Grand Palais à Paris du 10 octobre au 28 janvier balaie les poncifs.
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Prenons sa toile la plus célèbre, Nighthawks (les oiseaux de nuit). En observant avec attention, on se rend compte que quelque chose cloche dans cette banale scène de café. Regardez bien les personnages. Les deux clients en costume sont étonnamment semblables, interchangeables, comme si la même personne avait été "croquée" sous deux angles différents. Aucun des individus ne semble regarder ses voisins. Mieux, ces drôles d'oiseaux sont muets comme des carpes, incapables de parler. Ils semblent d'ailleurs enfermés dans un étrange bocal : la paroi de verre, les couleurs lumineuses de l'intérieur du bar les séparent du monde extérieur… étrangement vide. Pas un passant, pas une voiture ne viennent égayer ce décor digne d'un polar. L'homme moderne que nous montre Hopper est retranché en lui-même, hors du monde.
Illustrateur de pub et francophile
Jeune, Hopper se forme d'abord à l'illustration publicitaire. Il vivra d'ailleurs la moitié de sa vie grâce à ses dessins dans la presse qui vantent les mérites de produits de consommation. Bizarre, pour un artiste qui montre une Amérique désenchantée… C'est que le peintre a aussi appris aux côtés de Robert Henri. Ce dernier, chef de file de l'Ash Can School (un style de peinture réaliste qui signifie littéralement, "l'école de la poubelle"), très engagé à gauche, souhaite montrer un Nouveau Monde sans fard. La seconde source d'influence d'Hopper se trouve de l'autre côté de l'Atlantique.
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Si vous êtes un fanatique du musée d'Orsay, la construction de cette toile, ou de cette autre peinture (à observer via ce lien) vous rappelle peut-être quelque chose. Grand amateur d'Edgar Degas, Hopper s'est peut-être souvenu de la construction de ce tableau du peintre français (dans cet autre lien), qui place le spectateur, avec le public, au premier rang.
Hopper connaissait Degas ? Rien d'étonnant. A l'époque, les peintres américains sont nombreux à apprécier la peinture française, surtout celle des impressionnistes (Monet, Manet, Renoir…) et même à faire le déplacement pour l'admirer à Paris. Hopper, lui, fera rien moins que trois séjours dans la capitale durant sa jeunesse. Il lit Proust (dans le texte, paraît-il) et habite rue de Lille, près du musée du Louvre, ce qui lui permet d'admirer non seulement les artistes tricolores, mais aussi un grand nombre de peintres européens dont il se souviendra.
Fan de peinture européenne
Car cette peinture qui nous semble si américaine avec ses buildings, ses stations-services, ses femmes fatales, s'appuie en réalité sur des recettes développées depuis longtemps sur le vieux continent.
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Regardez cette toile en essayant de vous défaire des (rares) indices de modernité. Les oppositions nettes entre couleurs claires et couleurs sombres évoquent l'univers de Rembrandt, le roi du clair-obscur. Le peintre hollandais du XVIIe est une des sources d'inspiration de l'Américain. Mais cette lectrice qui dirige son visage en pleine lumière évoque un autre Hollandais du XVIIe célèbre : Vermeer.
Cinéphile aimé des cinéastes
Boulimique de films, Hopper avouait s'enfermer régulièrement dans les salles obscures : "Quand je n'arrivais pas à peindre, disait-il, j'allais au cinéma pendant une semaine ou plus."
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Certains de ses bâtiments, comme celui-ci, montrent des alignements de fenêtres dont les stores sont plus ou moins baissés. Cette succession d'images rectangulaires, disposées en bande, peut évoquer des pellicules cinématographiques où, parfois, un acteur apparaît (si si, cherchez bien !). Si Hopper ne reproduit jamais vraiment des images de films, les cinéastes, eux, s'appuient depuis longtemps sur ses peintures : Wim Wenders, par exemple, reproduit Nighthawks dans The End of Violence. Et Hitchcock, marqué par une maison inquiétante peinte par Hopper, la reconstituera en studio pour Psychose.
Peintre autant que philosophe
La dernière facette du peintre, la moins connue, ce serait peut-être sa sérénité. C'est du moins l'idée que défend le commissaire de l'exposition présentée au Grand Palais, Didier Ottinger. Lui ne voit nullement des dépressifs dans les personnages de l'Américain, mais plutôt des êtres qui méditent.
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Souvent en pleine lumière, parfois paisiblement allongés, ils semblent nous encourager, comme eux, à suspendre le vol du temps, à nous recueillir. Un message, qui, replacé dans le contexte du peintre, de l'Amérique conquérante, des bolides, des gratte-ciels, du taylorisme et de ses cadences infernales, ne manque pas de panache.
Informations pratiques :
Du 10 octobre 2012 au 28 janvier 2013 au Grand Palais
3 avenue du Général Eisenhower, 75008 Paris
Entrée : Square Jean Perrin
Métro : Franklin-Roosevelt ou Champs-Élysées-Clemenceau.
De 10h à 22h sauf le dimanche et lundi de 10h à 20h. Fermé le mardi.
9 euros / 13 euros
A lire :
Le catalogue de l'exposition, supervisé par le directeur adjoint du Centre Pompidou et commissaire de l'exposition, Didier Ottinger, réussit à nous faire percer le "mystère Hopper". Selon l'historien d'art, l'un des premiers à avancer cette thèse, Edward Hopper n'est pas le peintre de la déprime moderne, mais de la méditation heureuse. A découvrir aussi le travail d'illustrateur de l'artiste, d'une incroyable rigueur, mais aussi ses aquarelles et ses gravures parmi les quelque 345 images que contient l'ouvrage.
Hopper, collectif, éd. RMN- Grand Palais, 368 p., 45 euros.
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