Guy Debord à l’assaut de la BNF
Le nom de Guy Debord, poète, artiste, penseur révolutionnaire, directeur de revue, cinéaste, est indissociablement lié au situationnisme, mouvement politique et artistique hors du commun. S’appuyant sur ses archives, la BNF lui consacre une grande exposition, dense et rafraîchissante, qui rassemble des écrits, des films, des photos, des tracts, des affiches (jusqu'au 13 juillet)
A Paris, en 1953 rue de Seine, Guy Debord écrivait sur un mur "Ne travaillez jamais". Rejetant l’ennui et le conformisme de la vie petite-bourgeoise, le jeune Guy Debord (1931-1994) entre tôt en révolte contre la société et va passer son existence à se demander comment vivre mieux.
Au début des années 1950, il se réunit avec ses amis dans des cafés de Saint-Germain-des-Prés pour boire et refaire le monde. Ainsi, le "projet de statut du lettriste de base", pour un mois, consiste en "une chambre d’hôtel, 10 séances de cinéma, 30 couscous (sans viande) rue Xavier Privas, 30 cafés crème au Dupont-Latin (boulevard Saint-Michel), 30 sandwichs au bar du Tonnal".
Guy Debord crée en 1952 l’Internationale lettriste, qui se propose de déconstruire les arts, de la poésie à la peinture, avant de fonder en 1957 l’Internationale situationniste, dont les objectifs sont plus purement politiques. Il s’agit de lutter contre ce que ses membres appellent "la société spectaculaire-marchande".
Le père du situationnisme, qui s’est suicidé en 1994, avait conservé des quantités de documents qu’il avait lui-même triés. L’Etat a acheté ces archives à sa veuve. Classées "Trésor national", elles sont entrées dans les collections de la Bibliothèque nationale de France en 2011. Et l’ennemi des institutions est entré lui-même dans l’institution.
"Pour savoir écrire, il faut avoir lu. Et pour savoir lire, il faut savoir vivre", écrivait Guy Debord. L’auteur de "La Société du spectacle" a beaucoup lu et pris de notes. L’exposition de la BNF est construite autour de son "cabinet de lecture", constitué des petites fiches bristol sur lesquelles il a recopié des citations pendant près de 40 ans. Car une des armes des situationnistes, c’était le détournement, la réutilisation dans un contexte nouveau d’éléments préexistants dans la culture.
L’exposition se déploie de façon labyrinthique autour de ce cœur, présentant des films, une collection complète de la revue de l’Internationale situationniste, des photos nous montrant un joyeux groupe (très masculin, il faut le remarquer) qui profitait de ses "conférences" à Munich ou à Londres pour faire la fête. On voit sur ces images que l’Internationale était un petit groupe : pas plus de quinze à la fois, et il n’a pas compté plus de 70 membres en tout.
Il faut dire que le mouvement vivait au rythme des départs et des exclusions.
Les tracts expliquent les "nouveaux théâtres d’opérations dans la culture", où le jeu, vu comme une manière de vivre, est permanent, où on doit détourner des "éléments esthétiques préfabriqués" et construire des "situations".
Les situationnistes inventent une "psychogéographie" qui s’élabore en marchant au hasard et en se laissant prendre par les ambiances des quartiers qu’on traverse et les rencontres qu’on y fait, comme le montre une carte des "unités d’ambiance à Paris". Le combat des situationnistes est un jeu et aussi une guerre. Guy Debord invente d’ailleurs un jeu de société baptisé "Jeu de la guerre".
On imagine également une nouvelle ville, "New Babylon", inspirée des campements tziganes et de la science-fiction américaine, dont on peut voir la maquette futuriste.
Les situationnistes pratiquent le "scandale", comme celui de Strasbourg (novembre 1966), où un groupe de sympathisants publie aux frais de l’UNEF la brochure "De la misère en milieu étudiant considérée sous ses aspects économique, politique, psychologique, sexuel et notamment intellectuel et de quelques moyens pour y remédier".
Mai 1968 sera le grand moment des situationnistes qui, avec les Enragés, éditent des tracts, dressent des barricades et dessinent des affiches lapidaires : "Occupation des usines", "Fin de l’université", "A bas la société spectaculaire-marchande".
45 ans plus tard, à l’heure où ladite société marchande semble avoir gagné toutes les guerres et étendu son champ à tous les domaines de la vie, sans plus susciter grande contestation, l’exposition de la BNF nous replonge dans une époque où on croyait pouvoir tout remettre en question.
Guy Debord, un art de la guerre, Bibliothèque nationale de France, site François Mitterrand, quai François Mauriac, Paris 13e
tous les jours sauf lundi et jours fériés, du mardi au samedi 10h-19h, dimanche 13h-19h
tarifs : 7€ / 5 €
du 27 mars au 13 juillet 2013
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